L’ordonnance Covid (n°2020-306) s’applique bel et bien aux recours Tarn-et-Garonne !

Quand on n’est pas sûr, il est toujours bon de demander ! C’est de cette sagesse dont a fait preuve le Tribunal Administratif de la Réunion avant de statuer sur une requête tendant à l’annulation du marché public de prestation de sûreté pour un centre hospitalier et universitaire dont l’expiration du délai de recours Tarn-et-Garonne est intervenue dans la période de la crise sanitaire (entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020).

Ne sachant si la prorogation des délais prévus par l’article 2 de l’Ordonnance n°2020-306 trouvait à s’appliquer aux recours jurisprudentiels, tels que Tarn-et-Garonne, elle sollicita le Conseil d’État pour un avis sur une question de droit (article L. 113-1 du Code de la Justice Administrative) à ce sujet :

 

« Le délai de recours applicable au recours en contestation de la validité du contrat, qui est de nature jurisprudentielle et n’est pas directement prescrit par la loi ou le règlement, doit-il faire l’objet d’une prorogation, selon les modalités définies par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ou selon d’autres modalités, lorsqu’est en cause un contrat au titre duquel l’expiration du délai de recours intervient entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 »

[Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 3 février 2022, 457527].

Cette question nous offre une petite occasion d’un retour sur les deux principes en cause ici.

I.             Le principe de prorogation des délais de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020

 

En plein cœur de la crise du Covid-19 et de son premier confinement généralisé, l’ordonnance du 25 mars 2020, n°2020-306, décrète la prorogation de certains délais.

Elle pose ainsi dans son article 2 :

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er [du 13 mars 2020 au 23 juin 2020] sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. »

 

II.          Une formulation holiste nécessitant précision

 

Les délais sont ainsi prorogés pour de nombreuses actions juridictionnelles, répertoriées dans cet article à la manière d’un inventaire à la Prévert. Cet inventaire a le mérite d’être fourni et large, puisqu’il consacre ce délai de deux mois de manière holistique pour « Tou[s les] recours ».  Cependant, il ne précise pas explicitement que sont concernés par cette prorogation de délai les recours consacrés dans les textes et les recours, comme celui qui nous intéresse ici, qui n’ont pas d’autres fondements que jurisprudentiels.

En effet le recours en contestation de la validité d’un contrat est apparu par un jugement du Conseil d’État (CE, Assemblée, 04/04/2014, Département du Tarn-et-Garonne req. N°358994), qui consacre le principe selon lequel :

le recours en contestation de la validité du contrat doit être exercé dans « un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicités appropriées ».

Si ce recours n’a, aujourd’hui pas encore été consacré par les textes législatifs ou règlementaires, il a fait l’objet, depuis sa naissance en 2014 de nombreuses jurisprudences venant le préciser.

C’est sans grande surprise que le Conseil d’Etat, dans un avis rendu ce 3 Février 2022, confirme l’application de l’article de l’ordonnance aux délais applicable en cas de recours en contestation de la validité d’un contrat. Une subtilité du texte de l’ordonnance qui pouvait paraître évidente, mais il faut toujours être vigilent car c’est dans les détails que se cache la pointe du diable !

*Article rédigé avec la contribution de Lucas Blondiaux, stagiaire