Dans certains cas, l’apport d’un arrêt vient de ce qu’il ne dit pas…comme le montre la présente décision du Conseil d’Etat.
L’article L. 600-10 du Code de l’urbanisme pose une règle de procédure particulière selon laquelle les litiges “relatifs au permis de construire tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale” sont tranchés en premier et dernier ressort par les Cour administratives d’appel (alors que, rappelons le, les recours dirigés contre un permis de construire doivent être introduits devant les Tribunaux administratifs).
Si l’application de cette disposition ne pose guère de difficultés pour les recours visant à obtenir l’annulation d’un tel permis, on pouvait s’interroger sur la compétence des Cours administratives d’appel pour statuer en premier ressort lorsque le litige visait à obtenir la réparation des préjudices causés par ce type d’autorisations et non leur annulation.
Saisi d’un pourvoi dirigé contre l’arrêt d’une Cour administrative d’appel qui avait tranché en premier ressort un tel litige indemnitaire, le Conseil d’Etat a examiné les moyens dirigés contre cet arrêt mais sans dire le moindre mot sur la compétence de cette juridiction pour statuer sur les demandes dont elle était saisie.
C’est ce silence qui est riche d’enseignement.
En effet, il signifie que, pour le Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel était bien compétente pour trancher en premier et dernier ressort ce litige indemnitaire et qu’ainsi, l’article L. 600-10 du Code de l’urbanisme s’applique tant aux requêtes en annulation qu’aux recours visant à engager la responsabilité de la collectivité du fait de la délivrance d’un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale.
Le requérant qui souhaite obtenir réparation des préjudices qu’il estime avoir été causés par la délivrance d’un tel permis doit donc saisir directement la Cour administrative d’appel et non le Tribunal administratif.
On notera également que cet arrêt rappelle le comportement que la commune doit adopter lorsqu’elle examine une demande de permis valant autorisation d’exploitation commerciale et que la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) est saisie d’un recours dirigé contre l’avis de la Commission départementale (CDAC).
Lorsqu’un tel scénario se présente, la commune doit attendre l’avis de la CNAC avant de se prononcer sur la demande de permis :
“Ainsi, en cas de recours introduit devant la Commission nationale d’aménagement commercial contre l’avis de la commission départementale compétente, ou en cas d’auto-saisine de la commission nationale, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, qui bénéficie d’un délai d’instruction prolongé de cinq mois en vertu des dispositions de l’article R. 423-36-1 du code de l’urbanisme, doit attendre l’intervention de l’avis, exprès ou tacite, de la commission nationale pour délivrer le permis. En effet, cet avis se substituant à l’avis de la commission départementale, le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ne saurait légalement intervenir avant qu’il ait été rendu”.
Si la commune délivre le permis avant l’avis de la CNAC, elle s’expose à ce que des dommages et intérêts lui soient réclamés au motif qu’elle a délivré un permis illégal, l’affaire devant alors être portée devant la Cour administrative d’appel, conformément à la solution implicite dégagée par cette décision du Conseil d’Etat.
Ref. : CE, 2 mars 2022, Société Distaff, req., n° 440079. Pour lire l’arrêt, cliquer ici