Dans l’affaire de la mosquée de Beauvais, la rédemption des associations cultuelles et l’effacement des prêches doit entraîner la rédemption des suspensions : pour avoir mis trop de temps à s’en rendre compte, la décision de l’Etat de maintien de la suspension de ladite mosquée s’est trouvée censurée par le TA. Retour sur cette histoire à rebonds.
- I. Mode d’emploi
- II. La décision du TA en décembre 2021
- III. La décision du TA rendue hier
I. Mode d’emploi
En 2020, le Conseil d’Etat avait donné un mode d’emploi très net en matière d’arrêtés préfectoraux relatifs à la fermeture d’édifices cultuels (en l’espèce, s’agissant de la mosquée de Pantin).
Voir :
- Fermeture d’édifices cultuels : le mode d’emploi du Conseil d’Etat, ce jour (affaire de la mosquée de Pantin)
- voir antérieurement :
- Fermetures administratives de lieux de culte (mosquées) : une nouvelle ordonnance induisant, peut-être, un contrôle moins minimal du juge
- Le juge confirme qu’il laisse à l’Etat largement la bride sur le cou s’agissant des décisions de fermetures de mosquées
- Pouvoir du préfet et fermeture de Mosquée : le TA de Melun confirme que l’Etat dispose de pouvoirs importants et qu’il peut s’appuyer sur des indices tels que de simples « notes blanches »
- etc.
Depuis, la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (RPR ; ou « séparatisme ») a encore renforcé ce régime.
A ce sujet, voir :
- La Loi «séparatisme » (respect des principes de la République) et les collectivités territoriales [VIDEO]
- La Loi «séparatisme » (respect des principes de la République ou RPR), arrimée au JO de ce matin
De plus, le juge français et européens (dans un contexte qui n’a rien à voir avec la religion, mais plutôt celui des fans d’un parti politique d’extrême droite), a confirmé que ne pas retirer vite ses propos ou ceux de ses partisans, si ces propos sont diffamatoires ou injurieux ou d’appel à la haine, sur les réseaux sociaux pouvait donner lieu à sanction pénale.
Voir :
II. La décision du TA en décembre 2021
Passez le tout au mixeur et on voit que ne pas retirer, ou le faire très tardivement, de tels propos (prêches, largement diffusés sur les réseaux sociaux de la mosquée, et qui constituent une provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination en lien avec le risque de commission d’actes de terrorisme)… fondent aisément pour le juge administratif, en référé, la fermeture du lieu de culte concerné.
Le 27 décembre 2021, la préfète de l’Oise a prononcé, sur le fondement de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure, la fermeture administrative, pour une durée de six mois, de la Grande mosquée de Beauvais.
L’association socio-culturelle espoir et fraternité (ASCEF), qui gère le lieu de culte, a demandé au juge des référés du tribunal administratif d’Amiens de suspendre l’exécution de cette décision.
Le juge des référés du tribunal a rejeté cette demande.
En l’espèce, le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens estimait alors que les propos tenus par le principal imam de la Grande mosquée de Beauvais dans ses prêches, largement diffusés sur les réseaux sociaux de la mosquée, constituaient une provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination en lien avec le risque de commission d’actes de terrorisme et sont de nature à justifier la fermeture de ce lieu de culte.
Il estimait tout d’abord que le principal prédicateur au sein de la Grande mosquée de Beauvais, a, à plusieurs reprises depuis avril 2021, pendant ses prêches ou lors des réponses aux questions posées par les fidèles, tenu des propos radicaux valorisant le djihad armé, prônant la désobéissance aux lois de la République et appelant à la discrimination. Ces propos, qui s’adressaient également à des mineurs, constituent une provocation à la violence, à la haine et à la discrimination en lien avec le risque de commission d’actes de terrorisme.
L’ASCEF, qui ne pouvait ignorer la gravité de ces propos, les avait diffusés en direct et en différé sur son compte « Facebook » et sur celui de l’un de ses vice-présidents sans les condamner ni les modérer et ne les a retirés des réseaux sociaux que très récemment.
Le juge des référés avait enfin estimé que les mesures prises et envisagées à ce jour par l’ASCEF sont insuffisantes et ne permettent pas de s’assurer qu’elle sera en mesure d’éviter la réitération des graves dérives constatées dans son lieu de culte.
L’ensemble de ces faits et éléments justifiait, selon le juge des référés du tribunal, la fermeture de la Grande mosquée de Beauvais en application de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure.
Le juge des référés avait alors toutefois précisé que l’association allait pouvoir -demander la réouverture du lieu de culte, comme l’avaient d’ailleurs souligné les représentants de la préfète à l’audience, lorsqu’elle estimerait avoir pris les mesures de nature à prévenir la réitération des dysfonctionnements constatés, notamment par le choix de l’imam autorisé à officier et l’adoption de mesures de contrôle des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux placés sous sa responsabilité.
III. La décision du TA rendue hier
Hier, le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens a estimé que les changements intervenus depuis la fermeture de la mosquée, notamment :
- l’éviction du précédent imam,
- l’effacement du contenu de ses prêches et des textes qui y étaient liés sur les comptes des réseaux sociaux de l’association gestionnaire
- et la modification du fonctionnement de cette association…
… justifient la suspension de la décision de la préfète de l’Oise refusant la réouverture du lieu de culte.
TA Amiens, ord., 16 mai 2022, n°2201565
Mais on sait combien peut être fragile une Paix esquissée à Amiens…
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