Quelle rémunération pour le salarié privé transféré à une personne publique dans le cadre d’un SPA ?

Par un arrêt Mme B… c/ CCAS de la commune d’Hyères en date du 1er juillet 2022 (req. n° 444792), le Conseil d’État précise que, pour l’application de l’article L. 1224-3 du code du travail (reprise d’une activité d’un prestataire privé par une administration dans le cadre d’un service public administratif), il appartient de proposer aux salariés privés concernés un contrat de public avec maintien de la rémunération si cela est conforme aux règles du droit de la fonction publique y afférentes. Pour comparer l’ancienne et la nouvelle rémunération des salariés transférés à une personne publique, il convient de prendre en compte le montant brut de toutes les primes et indemnités liées à l’exercice normal des fonctions :

– d’une part, qui, au moment de la reprise d’activité par une personne publique, lui étaient versées par son employeur à échéances régulières ;

– d’autre part, qui sont prévues par le contrat de droit public proposé, qu’il s’agisse des primes fixes, comme l’indemnité de résidence, ou des primes variables que l’agent est susceptible de percevoir.

En l’espèce, le centre communal d’action sociale (CCAS) de la commune d’Hyères (Var) a repris, à compter du 1er janvier 2012, les activités périscolaires et extrascolaires réalisées par l’association Comité de vacances et de loisirs. En conséquence de cette reprise d’activité et à compter de cette date, le CCAS a recruté Mme B… A…, précédemment salariée de cette association, pour exercer, par un contrat de droit public à durée indéterminée conclu le 6 décembre 2012, des fonctions d’animation avec une rémunération calculée sur la base du 8ème échelon du grade d’adjoint d’animation de 2ème classe et du régime indemnitaire afférent à ce grade.

Contestant le montant de cette rémunération, Mme A… a, notamment, demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler la décision du 26 mars 2013 du président du CCAS de la commune d’Hyères rejetant son recours gracieux tendant à son reclassement à un indice majoré supérieur à celui qui est stipulé par ce contrat.

La cour administrative d’appel de Marseille ayant par un arrêt du 22 juillet 2020, rejeté la requête de Mme A…, cette dernière s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État.

Le litige portait sur l’application du deuxième alinéa de l’article L. 1224-3 du code du travail lequel dispose :

« Lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. / Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu’elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération (…) ».

Tout d’abord, le Conseil d’État rappelle sa jurisprudence Manolis (avis, 21 mai 2007, req. n° 299307, Rec. 214), en vertu de laquelle, il appartient à l’autorité administrative compétente de fixer la rémunération de l’agent en tenant compte, notamment, des fonctions occupées par celui-ci, de sa qualification et de la rémunération des agents de l’État de qualification équivalente exerçant des fonctions analogues. Autrement dit, le salarié privé n’a droit en tant qu’agent public au maintien de sa rémunération privée que si celle-ci correspondant à celle à laquelle il peut prétendre en tant que contractuel de droit public, à savoir celle dont bénéficierait un fonctionnaire placé dans une situation analogue.

A cette fin, le Conseil d’État avait déjà précisé que la rémunération antérieure et la rémunération proposée doivent être comparées en prenant en considération les primes éventuellement accordées à l’agent et liées à l’exercice normal de ses fonctions, dans le cadre de son ancien comme de son nouveau contrat. S’agissant d’un contrat de droit public, il convient de tenir compte du régime indemnitaire découlant des règles générales applicables aux agents de la personne publique, sans qu’y fasse obstacle la circonstance qu’il n’en serait pas fait mention par ce contrat (CE, 24 mai 2013, Syndicat intercommunal pour le développement social des cantons d’Aramon et de Villeneuve-lès-Avigon, req. n° 354905).

Par le présent arrêt, il précise encore les choses en indiquant que « pour l’appréciation du montant de la rémunération résultant de l’ancien contrat de droit privé, le montant brut des primes accordées à l’agent et liées à l’exercice normal des fonctions comprend toutes les primes et indemnités qui, au moment de la reprise d’activité par une personne publique, lui étaient versées par son employeur à échéances régulières, y compris celles qui, à l’instar des primes d’ancienneté ou de déroulement de carrière, ne rémunèrent pas directement la prestation de travail. Pour l’appréciation du montant de la rémunération résultant du nouveau contrat de droit public, le montant brut des primes accordées à l’agent et liées à l’exercice normal des fonctions comprend toutes les primes et indemnités contractuellement prévues, qu’il s’agisse des primes fixes, comme l’indemnité de résidence, ou des primes variables que l’agent est susceptible de percevoir. S’agissant en particulier des primes variables, telles que l’indemnité d’exercice de missions des préfectures et l’indemnité d’administration et de technicité, elles doivent ainsi être prises en compte, eu égard aux modalités de leur détermination, pour leur montant de référence ou tout autre montant servant de base aux modulations individuelles, tel que ce montant est arrêté par la collectivité concernée dans le cadre du régime qui les détermine. »

Dès lors, poursuit la Haute Assemblée, « en jugeant qu’eu égard à leur nature de primes accordées à l’agent et liées à l’exercice normal des fonctions, les montants de l’indemnité d’exercice de missions des préfectures et de l’indemnité d’administration et de technicité, perçues par l’intéressée à compter de son recrutement par le centre communal d’action sociale de la commune d’Hyères, devaient être intégrés dans la rémunération résultant du nouveau contrat de droit public et en en déduisant que Mme A… devait être regardée comme recevant une rémunération brute d’un montant équivalent à celle qu’elle percevait antérieurement dans son emploi privé, la cour administrative d’appel de Marseille, qui a porté une appréciation souveraine sur les stipulations contractuelles en débat sans les dénaturer, n’a pas commis d’erreur de droit. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000046005085?juridiction=CONSEIL_ETAT&juridiction=COURS_APPEL&juridiction=TRIBUNAL_ADMINISTATIF&juridiction=TRIBUNAL_CONFLIT&page=1&pageSize=10&query=444792&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat