Actualisation du régime de réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce

A été publiée la loi n° 2022-1348 du 24 octobre 2022 visant à actualiser le régime de réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce (NOR : JUSC2228645L) :

Il s’agit à l’origine d’une proposition de loi (centriste) du Sénat, par Mme Nathalie GOULET, déposée au Sénat le 7 juillet 2022, avec vote en une seule navette.

Voici le début du rapport parlementaire de la députée Mme Clara Chassaniol qui résume bien le texte tel qu’il est sorti du Sénat et qu’il a été approuvé par l’Assemblée Nationale :

Depuis 1961, les juges consulaires étaient élus par un collège électoral comprenant les juges consulaires en exercice et les anciens juges, ainsi que des délégués consulaires élus par les commerçants. Le taux d’abstention record des délégués consulaires, couplé à la décrue du nombre de candidats aux élections, conduisait à remettre en cause la légitimité de ce système électoral. La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a donc réformé ce système en instaurant une élection directe par les membres des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA).

Cette réforme, nécessaire, a occasionné d’autres difficultés. En raison d’une rédaction sans doute trop hâtive des dispositions concernées, la loi PACTE n’a pas retranscrit le principe de l’éligibilité, dans le même tribunal ou dans un tribunal de commerce limitrophe, des juges consulaires en exercice. La conséquence en termes de perte de compétences pour les tribunaux de commerce rendait indispensable une intervention rapide du législateur.

La loi n° 2021-1317 du 11 octobre 2021 permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce a cherché à remédier à ces malfaçons en ouvrant le vivier électoral aux juges consulaires en exercice et aux anciens membres des tribunaux de commerce. Ces mesures, bien que nécessaires, se sont révélées insuffisantes pour remédier aux difficultés de recrutement des juges consulaires.

C’est la raison pour laquelle la proposition de loi qui nous est soumise, et qui résulte d’une initiative de Madame la sénatrice Nathalie Goulet, nous propose de parachever l’œuvre de définition du vivier de recrutement des juges consulaires.

D’abord, la proposition de loi doit permettre de corriger plusieurs erreurs formelles, mais aussi une incohérence de rédaction qui figure à l’article L. 723‑4 du code de commerce. Le 1° de cet article déclare éligibles les personnes inscrites à la fois sur les listes électorales des CCI et sur celles des CMA alors que le 5° n’exige l’inscription qu’à l’un des deux registres. Il n’était pas dans l’intention du législateur d’exiger une condition de double inscription qui, si elle était appliquée strictement par les préfectures lors de l’examen de la recevabilité des candidatures aux élections, conduirait à une importante réduction du vivier électoral. Il apparaît donc nécessaire d’éviter toute équivoque en rétablissant au 1° de l’article L. 723‑4 du code de commerce le caractère alternatif de l’inscription à l’un ou l’autre des deux registres.

Ensuite, la proposition de loi propose d’étendre le vivier de recrutement des juges consulaires par deux mesures.

La première consiste à favoriser la mobilité des juges consulaires, en levant l’obligation de résidence ou de domiciliation pour les juges en exercice et les anciens juges ayant exercé pendant six années qui sont candidats aux élections dans le même tribunal, ou dans le ressort d’un tribunal limitrophe. Ces juges pourront également être candidats dans un tout autre ressort, sous réserve de remplir la condition de domiciliation ou de résidence afin de garantir l’immersion du juge consulaire dans le bassin économique de son tribunal.

La deuxième consiste à rétablir l’éligibilité des cadres dirigeants des entreprises aux fonctions de juge consulaire, qui avait été supprimée de manière fortuite par la loi PACTE. Ces cadres apportent aux tribunaux de commerce des compétences précieuses, en particulier sur les contentieux les plus techniques. Il apparaît dès lors indispensable d’adopter cette mesure avant l’organisation des prochaines élections consulaires.

Ces élections ont justement été reportées par décret ([1]) afin que cette loi puisse entrer en vigueur avant leur tenue. Elles débuteront en effet le 21 novembre 2022.

Les délais extrêmement contraints que cela impose ont conduit la commission des Lois du Sénat à recentrer la proposition de loi sur la seule question de l’éligibilité aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce. L’article 2 de la proposition de loi initiale, qui visait à sanctionner le refus de siéger dans un tribunal de commerce par la cessation des fonctions du juge concerné, a donc été supprimé. Il n’apparaît pas opportun de légiférer en urgence sur cette question, alors que la procédure disciplinaire, qui présente des garanties pour le juge concerné, est déjà à la disposition des premiers présidents de cour d’appel pour y faire face. La commission des Lois de l’Assemblée nationale a partagé cette analyse, et propose que cette question soit considérée, avec le temps de réflexion qu’elle mérite, lors de la prochaine réforme de la justice commerciale, annoncée à la suite des États généraux de la justice.

La commission des Lois a adopté sans modification cette proposition de loi, comptant sur son entrée en vigueur rapide pour assurer le déroulement optimal des prochaines élections consulaires.

D’où la loi dont voici le texte :
  • I. – L’article L. 723-4 du code de commerce est ainsi modifié :
    1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
    2° Au 1°, la deuxième occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou » ;
    3° Aux 3° et 4°, après le mot : « procédure », sont insérés les mots : « de sauvegarde, » ;
    4° Au 4° bis, la première occurrence du mot : « fait » est supprimée ;
    5° Au 5°, après le mot : « qualités », sont insérés les mots : « et fonctions » ;
    6° Le dernier alinéa est remplacé par un II ainsi rédigé :
    « II. – Sont également éligibles, s’ils sont âgés de trente ans au moins et satisfont aux conditions prévues aux 2° à 5° du I du présent article :
    « 1° Les membres en exercice des tribunaux de commerce ainsi que les anciens membres de ces tribunaux ayant exercé les fonctions de juge de tribunal de commerce pendant au moins six années et n’ayant pas été réputés démissionnaires. Lorsque ces personnes se portent candidates dans un tribunal non limitrophe de celui dans lequel elles ont été élues, elles doivent être domiciliées ou disposer d’une résidence dans le ressort du tribunal où elles candidatent ou dans le ressort des tribunaux limitrophes ;
    « 2° Les cadres qui exercent des fonctions impliquant des responsabilités de direction commerciale, technique ou administrative au sein des entreprises ou des établissements inscrits au répertoire des métiers ou mentionnés au II de l’article L. 713-1 situés dans le ressort du tribunal de commerce ou dans le ressort des tribunaux limitrophes. Les candidats doivent être employés dans l’un de ces ressorts. »
    II. – A la première phrase du 2° du II de l’article L. 723-4 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du I du présent article, les mots : « répertoire des métiers » sont remplacés par les mots : « registre national des entreprises en tant qu’entreprise ou établissement du secteur des métiers et de l’artisanat ».
    III. – Le II du présent article est applicable à compter du 1er janvier 2023.