Attention article à destination uniquement des amateurs de mauvais jeux de mots et autres lecteurs de l’Almanach Vermot
Les motards étaient contre le contrôle technique. Mais très vite, ils seront contre… tout contre. C’est le Conseil d’Etat qui nous l’a dit… en deux temps d’abord (logique pour une moto). En 4 temps désormais !
Soit une petite sortie de piste finale qui eût mérité d’être dans Easy rider. Jouons à se la jouer façon Vermot pour ces décisions Moto où l’Etat prend gadin sur gadin.
1er temps du moteur : en mai le Conseil d’Etat fît ce qui lui plait
Vieux motard que j’aimais, il va falloir débéquiller le contrôle technique et aller au garage (Oh désespoir, oh vieilles pièces toutes pourries…)
Coté Gouvernement, face à la fronde des deux roues contre le contrôle technique, en ces temps pré-électoraux, la maxime était « Abondance de freins ne nuit pas ».
Ou plutôt ne nuisait pas. Car le contrôle technique des deux roues ne pouvait guère rester plus longtemps sur la béquille : c’était contraire au droit européen.
D’où une première suspension par le Conseil d’Etat : dès lors, nulle possibilité de tergiverser… le frein (juridique) justifiait les moyeux.
Source : CE, ord., 17 mai 2022, 462679
2e temps du moteur : le Palais Royal oblige (en juillet 2022) le Gouvernement à débéquiller
Mais le Gouvernement restait calé sur ses positions.
Alors, fin juillet 2022, non seulement le Palais Royal a censuré le décret du 9 août 2021 au fond, mais il a annulé le calendrier alternatif décidé en 2021 ainsi que la décision informelle (communiqué de presse, acte de droit souple) du 12 août 2021 du ministre des transports « suspendant » ce décret :
On y gagnera en respiration. Et pour les vieux motards (que j’aimais… ; Il faut bien que vitesses se passent) il importera sans doute d’un peu plus entretenir les vieux véhicules (Au garage ! Oh désespoir, oh vieilles pièces toutes pourries…).
La bonne nouvelle fut que cela allait lancer, pour de bonnes causes (accidentologiques et environnementales) une nouvelle filière économique (le moteur des uns fait le malheur des autres et réciproquement).
3e temps : Un dérapage très contrôlé au JO ? Avec une suppression sans borne (to be wild) ?
Mais, fort opportunément, entre la date d’audience et celle de lecture de l’arrêt précité, se trouvait garée l’abrogation de ce décret 2021-1062, (décret n° 2022-1044 du 25 juillet 2022… avec une suppression pure et simple du contrôle technique. Pour l’Etat, c’est carrément Borne to be wild.
Sauf que l’Etat va sans doute revoir sa copie pour utiliser au mieux les dérogations du droit européen justement :
4e temps : une sortie de route ce jour, de nouveau, place du Palais Royal
Mais les délinquants de la route peuvent se révéler multirécidivistes. Avec à chaque fois la même sanction. Car il n’est de meilleur comique que de répétition.
Le décret précité, du 25 juillet 2022, vient d’être jugé illégal par le Conseil d’Etat au titre d’une décision au fond.
Avec une double censure puisque la Haute Assemblée pose que les mesures proposées depuis par le Gouvernement pour déroger à l’obligation européenne du contrôle technique ne sont pas conformes aux exigences de la directive 2014/45/UE du 3 avril 2014 puisque :
- d’une part celles-ci (ou certaines d’entre elles) sont seulement à l’état de projets
- d’autre part car celles-ci « ne permettent pas d’améliorer de façon suffisamment efficace et significative la sécurité des motards sur la route.»
Le Conseil d’État relève que les mesures alternatives proposées par le Gouvernement, et qui ont justifié l’abrogation du contrôle technique obligatoire, ne peuvent être regardées comme des mesures de sécurité routière efficaces au sens du droit européen. En effet, certaines des mesures mises en avant poursuivent des objectifs légitimes, mais qui ne sont pas ceux prévus par les dispositions de la directive régissant la faculté de déroger au contrôle technique, par exemple la réduction des nuisances sonores ou des émissions de polluants. D’autres mesures ne peuvent être utilement prises en compte, car elles sont encore à l’état de projets ou constituent de simples réflexions. Enfin, les mesures concernant spécifiquement la sécurité routière sont en nombre restreint et ne peuvent être regardées comme suffisamment efficaces au regard des exigences de la directive, qui poursuit un objectif de réduction de la mortalité liée à l’utilisation des deux-roues motorisés. Or les statistiques de sécurité routière disponibles font état d’une mortalité routière particulièrement élevée en France pour les conducteurs de deux-roues motorisés, en valeur absolue comme par rapport aux autres États européens.
A ceci s’ajoutent d’autres moyens de légalité externe :
- le Conseil d’État a relevé que le Gouvernement avait choisi l’obligation de contrôle technique et non la mise en œuvre de mesures alternatives, ce qui l’obligeait à faire débuter ce contrôle technique dès le 1er janvier 2022, pour respecter le droit européen.
- la suppression du contrôle technique opérée par le décret du 25 juillet 2022 aurait dû être soumise à consultation du public, compte tenu de son incidence directe et significative sur l’environnement.
Et puis pour couronner le tout, le Conseil d’Etat refuse toute modulation dans le temps de sa censure (pas d’application de la jurisprudence AC!)
… ce qui au total, en langage moto, s’appelle « faire un pèlerinage à Sainte-Gamelle »… Et un beau.
Par la décision rendue ce jour, le décret initial du Gouvernement d’août 2021, qui a instauré le contrôle technique des « deux-roues », rentre de nouveau en vigueur… sauf que ce dernier avait été censuré. Histoire de bien épuiser aller au bout de ce voyage en roue arrière en parfaite absurdie.
On n’est plus, là, en dérapage contrôlé, mais en vraie sortie de route..
Signé : Almanach Vermot
Voici cette nouvelle décision :
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