Le refus de communiquer le code de déverrouillage d’un téléphone portable peut constituer un délit, vient de poser la Cour de cassation.
L’article 434-15-2 du code pénal dispose que :
« Refuser de donner aux autorités judiciaires la « convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie » susceptible d’avoir été utilisée pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 270 000 € d’amende.
« Si ce refus est opposé alors que cette information aurait permis d’éviter la commission d’un crime ou d’un délit ou d’en limiter les effets, la peine est portée à 5 ans d’emprisonnement et à 450 000 € d’amende.»
Oui mais qu’est-ce qu’un moyen de cryptologie ? Là, c’est l’article 29, al. 1, de la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique qui nous le définit :
« On entend par moyen de cryptologie tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, à l’aide de conventions secrètes ou pour réaliser l’opération inverse avec ou sans convention secrète. Ces moyens de cryptologie visent principalement à garantir la sécurité du stockage ou de la transmission de données, en permettant d’assurer leur confidentialité, leur authentification ou le contrôle de leur intégrité.»
Une personne, arrêtée pour possession de stupéfiants, a refusé en garde à vue (GAV) de donner aux enquêteurs les codes permettant de déverrouiller deux téléphones susceptibles d’avoir été utilisés dans le cadre d’un trafic de stupéfiants.
La cour d’appel a estimé qu’il était sur ce point dans son droit, le code de chiffrage de son téléphone n’étant pas selon elle une telle « convention de déchiffrement d’un moyen de cryptologie » car il ne servait pas à décrypter des données, mais uniquement à débloquer un écran d’accueil permettant d’accéder aux données contenues dans l’appareil.
Commence une longue saga judiciaire, avec une première censure par la chambre criminelle de la Cour de cassation, mais — pour schématiser — la CA a fait de la résistance (si si amis adminîstrativistes, cela existe chez eux).
La Cour de cassation a répliqué en assemblée plénière, formation de jugement la plus solennelle, au sein de laquelle toutes les chambres de la Cour sont représentées.
L’assemblée plénière confirme la jurisprudence de la chambre criminelle. Selon elle, un « moyen de cryptologie » a pour but de rendre des informations incompréhensibles, afin de sécuriser leur stockage ou leur transmission.
Lorsqu’un téléphone portable est équipé d’un « moyen de cryptologie », le code de déverrouillage de son écran d’accueil peut constituer une « clé de déchiffrement » si l’activation de ce code a pour effet de mettre au clair les données cryptées que l’appareil contient ou auxquelles il donne accès.
Dès lors, pose la Cour de cassation, si un téléphone portable doté de ces caractéristiques techniques – comme c’est le cas aujourd’hui de la plupart des téléphones portables – est susceptible d’avoir été utilisé pour la préparation ou la commission d’un crime ou d’un délit, son détenteur, qui aura été informé des conséquences pénales d’un refus, est tenu de donner aux enquêteurs le code de déverrouillage de l’écran d’accueil.
S’il refuse de communiquer ce code, il commet donc l’infraction de « refus de remettre une convention secrète de déchiffrement ».
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