Créances de traitements d’un agent public : le taux d’intérêt légal s’applique.

Par un arrêt Mme C. c/ recteur de l’académie de Montpellier en date du 18 octobre 2022 (req. n° 22MA01696), la cour administrative d’appel de Marseille a rappelé que l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, qui prévoit que le taux de l’intérêt légal est, en toute matière, fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie, distingue entre un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas. Or, pour l’application de ces dispositions, elle a considéré que les créances de traitements détenues par un agent public sur son employeur public doivent être considérées comme des créances de personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels, et doivent donc se voir appliquer le premier des deux taux que ces dispositions prévoient.

Par un arrêt du 28 février 2018, la Cour, après avoir annulé diverses décisions refusant de reconnaître l’imputabilité au service de congés de maladie de Mme C…, professeure certifiée hors classe, victime d’un accident de service le 14 décembre 2000, a enjoint au recteur de l’académie de Montpellier, dans le délai de quatre mois à compter de la notification de l’arrêt, de réexaminer et de régulariser la situation administrative de l’intéressée en vue de procéder à la liquidation de son traitement à compter du 2 décembre 2007, majoré des intérêts au taux légal ainsi que de leur capitalisation, et dans le même délai, de réexaminer et de régulariser la situation de Mme C… en la plaçant en congé pour accident de service, en fixant la date de consolidation au 14 décembre 2002 pour le trouble somatomorphe, en déterminant le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) correspondant à 10 %, en fixant le taux d’IPP à 7 %, au titre des coccycodynies, soit un taux global d’IPP à 17 %.

Par ce même arrêt, la cour a condamné l’État à verser à Mme C… la somme de 10 000 euros en réparation de ses troubles dans les conditions d’existence, augmentée des intérêts et de leur capitalisation et a laissé à l’État la charge des frais et honoraires des deux expertises judiciaires ordonnées, par arrêts avant dire droit, les 13 juillet 2015 et 7 mars 2017. Or, dans le dernier état de ses écritures, Mme C… demande à la Cour de faire assurer l’exécution complète de cet arrêt.

La cour administration d’appel a alors considéré :

« 13. Aux termes de l’article 1153-1 du code civil, devenu l’article 1231-7 du même code : ” En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement (…) “. Aux termes de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier : ” En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire “. L’article L. 313-2 du même code dispose quant à lui que : ” Le taux de l’intérêt légal est, en toute matière, fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie. /Il comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas “. Pour l’application de ces dernières dispositions, les créances de traitements détenues par un agent public sur son employeur public doivent être considérées comme des créances de personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels, et doivent donc se voir appliquer le premier des deux taux que ces dispositions prévoient.

  1. L’arrêt du 28 février 2018 prescrivait que le recteur procède à la liquidation du traitement de Mme C… à compter du 2 décembre 2007, majoré des intérêts au taux légal à compter du 31 août 2012 pour les sommes échues à cette date et au fur et à mesure des échéances pour les sommes postérieures et précisait que les intérêts échus le 31 août 2013 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seraient capitalisés. 
  2. D’une part, il résulte de l’instruction et plus particulièrement des éléments de justification produits par le ministre chargé de l’éducation nationale au soutien de ses dernières écritures, que seuls les intérêts produits sur les traitements dus à Mme C… au titre de la période du 2 décembre 2007 au 1er juin 2013, et correspondant à la somme de 22 462,81 euros, lui ont été versés, par décision de la rectrice de l’académie de Montpellier du 9 septembre 2019, sans tenir compte pour leur calcul, en méconnaissance des motifs énoncés au point 5 du présent arrêt, des traitements du 2 juin 2013 au 1er mars 2014. 
  3. D’autre part, les mêmes éléments de justification versés au dossier d’instance montrent que la somme de 22 462,81 euros ainsi versée a été calculée suivant le taux d’intérêt légal applicable aux créanciers personnes physiques agissant pour leurs besoins professionnels, alors que, ainsi qu’il a été dit au point 13, ce taux n’est pas applicable aux créances au principal de Mme C…, qui sont des créances de traitements. 
  4. Enfin, en vertu des dispositions de l’article 1231-7 du code civil, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts jusqu’à son exécution, c’est-à-dire, en principe, et sous réserve d’un délai anormalement long entre la liquidation et le paiement effectif, jusqu’à la date à laquelle l’indemnité est liquidée. 
  5. Il résulte de l’instruction que les créances en principal ont été liquidées, suivant la décision de la rectrice de l’académie de Montpellier du 9 septembre 2019, en octobre 2019. Si Mme C… affirme sans être contredite que la somme ainsi liquidée a été effectivement payée le 27 novembre 2019, il n’en est pas résulté un délai anormalement long entre la liquidation et le paiement effectif. Les intérêts dus sur cette somme ont donc cessé de courir à compter du 9 septembre 2019. En affirmant que la somme de 22 462,81 euros, correspondant aux intérêts de retard produits par ces créances en principal ne lui a été versée que le 25 septembre 2019, alors que la liquidation de celle-ci a été décidée le 9 septembre 2019, Mme C…, qui ne précise pas la nature des intérêts dont elle critique de la sorte le paiement effectif, n’assortit pas ses allégations des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
  6. Il résulte néanmoins de ce qui précède que si l’état de l’instruction ne permet pas de déterminer, par le présent arrêt, le montant exact des intérêts de retard, des intérêts majorés et de leur capitalisation dus sur l’ensemble des sommes qui auraient dû être versées à Mme C…, en exécution de l’arrêt du 28 février 2018, il incombe au recteur de l’académie de Montpellier, pour assurer sa complète exécution, de procéder à la liquidation de ces intérêts, conformément aux motifs énoncés aux points 13 à 18.

Sur les intérêts produits par la condamnation à verser une indemnité de 10 000 euros : 

  1. Lorsqu’un débiteur, s’étant acquitté de sa dette en principal, a interrompu le cours des intérêts mais ne les a pas payés, la capitalisation des intérêts qui sont dus au créancier jusqu’au jour du paiement du principal et de ceux qui continuent à courir sur ces intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, avant comme après le paiement du principal. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu’il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière. Une nouvelle capitalisation intervient à chaque échéance annuelle de la date d’effet de cette demande.
  2. L’arrêt de la Cour du 28 février 2018 a condamné l’Etat à verser à Mme C… la somme de 10 000 euros en réparation de ses troubles dans les conditions d’existence et a précisé que cette somme produirait intérêts à compter du 31 août 2012 et que ces intérêts produiraient eux-mêmes des intérêts à compter du 31 août 2013.
  3. Il résulte de l’instruction que la somme correspondant à cette indemnité a été mise en paiement par décision du 9 juillet 2018. S’il est en outre constant qu’une première somme correspondant aux intérêts et à leur capitalisation, d’un montant de 365,15 euros, a été versée à Mme C… le 19 juillet 2018, le ministre chargé de l’éducation nationale produit la décision de mise en paiement d’une somme de 1 101,65 euros, signée le 9 septembre 2019 et prise au titre des intérêts au taux légal à valoir sur l’indemnité allouée par l’arrêt du 28 février 2018.»

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CAA/decision/2022-10-18/22MA01696