Caméras individuelles des gardes champêtres : après la loi un brin floue, puis le décret précis, voici la circulaire accommodante

Après la loi puis le décret, voici la circulaire, copieuse mais souple, en matière de caméras individuelles des gardes champêtres. 

 

I. La loi

La loi « sécurité globale » n° 2021-646 du 25 mai 2021 a donné lieu à moult commentaires, souvent focalisés sur la possibilité, ou non, de photographier les forces de l’ordre. Un sujet certes sensible, mais qui est un détail à côté des très nombreux, et importants, aspects de cette importante loi.

Dans ce cadre aussi sensible que biaisé, voir par exemple la table ronde organisée par notre cabient sur le volet local de cette loi (1h32) :

https://youtu.be/AAQMbp1Z43s

Dans cette loi et, plus largement, dans au fil des réformes ou jurisprudences récentes, les gardes champêtres ont eu peu de victoires. Voir toutefois :

 

Reste que cette loi prévoyait entre autres mesures, en son article 46, un régime de caméras piéton (« caméras individuelles » désormais) pour les gardes champêtre

I. – A titre expérimental, dans l’exercice de leurs missions de police des campagnes, les gardes champêtres peuvent être autorisés par le représentant de l’Etat dans le département à procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées.
L’enregistrement n’est pas permanent.
Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions des gardes champêtres, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents.
Les caméras sont fournies par le service et portées de façon apparente par les agents. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre de l’intérieur. Les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.
Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de six mois.
L’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent I est subordonnée à la demande préalable du maire.
Lorsque l’agent est employé dans les conditions prévues à l’article L. 522-2 du code de la sécurité intérieure, cette demande est établie conjointement par l’ensemble des maires des communes où il est affecté.
Les modalités d’application du présent I et d’utilisation des données collectées sont précisées par décret en Conseil d’Etat, pris après avis publié et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
II. – L’expérimentation prévue au I s’applique pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur du décret mentionné au dernier alinéa du même I, et au plus tard six mois après la publication de la présente loi.
L’expérimentation est éligible au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance défini à l’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de sa mise en œuvre. Les observations des collectivités territoriales et établissements publics participant à l’expérimentation sont annexées au rapport.

 

II. Le décret

 

A ensuite été publié le décret n° 2022-1235 du 16 septembre 2022 portant application de l’article 46 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés et relatif à la mise en œuvre à titre expérimental de traitements de données à caractère personnel provenant des caméras individuelles des gardes champêtres (NOR : IOMD2129320D) :

 

Ce décret précise les modalités d’autorisation par l’autorité préfectorale de l’emploi des caméras individuelles par les gardes champêtres ainsi que les conditions dans lesquelles les gardes champêtres peuvent procéder à l’enregistrement audiovisuel de leurs interventions.

L’expérimentation prend fin le 24 novembre 2024.

La demande d’autorisation émane du maire ou des maires employeurs (unanimité en ce cas) :

« I. – Le maire, ou l’ensemble des maires des communes lorsque les gardes champêtres susceptibles d’être équipés de caméras individuelles sont employés dans les conditions prévues à l’article L. 522-2 du code de la sécurité intérieure, présentent au préfet de département une demande d’autorisation, accompagnée des pièces suivantes :
1° Un dossier technique de présentation du traitement envisagé précisant le cas échéant, lorsque la demande est présentée conjointement par l’ensemble des maires des communes où le garde champêtre est affecté, celle des communes dans laquelle est installé le support informatique sécurisé mentionné à l’article 5 ;
2° Le cas échéant, une analyse de l’impact sur la protection des données à caractère personnel des caractéristiques particulières des traitements mis en œuvre qui ne figurent pas dans l’analyse d’impact-cadre transmise par le ministère de l’intérieur à la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;
3° L’engagement de conformité du traitement aux dispositions du présent décret prévu par le IV de l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 susvisée ;
4° Le cas échéant, la convention prévue à l’article L. 522-2 du code de la sécurité intérieure.
Lorsque, en application de l’article L. 522-2 du CSI, les gardes champêtres sont susceptibles d’être affectés sur le territoire de plusieurs départements, la demande est présentée conjointement aux préfets des départements concernés.»

Ce décret autorise, à titre expérimental, la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel issues des enregistrements audiovisuels et notamment leurs finalités, les données enregistrées, les modalités et la durée de leur conservation (6 mois), les conditions d’accès aux enregistrements ainsi que les droits des personnes concernées.

L’arrêté préfectoral mentionne le nombre de caméras et, le cas échéant, le support informatique. Ave  information de la CNIL aux bons soins de la ou des communes :

« II. – L’arrêté du préfet du département autorisant les gardes champêtres à procéder aux enregistrements prévus par le présent décret précise le nombre de caméras, la ou les communes sur le territoire desquelles elles peuvent être utilisées et, le cas échéant, la commune sur laquelle est installé le support informatique sécurisé mentionné à l’article 5.»
« III. – Dès notification de l’arrêté, le maire, ou conjointement l’ensemble des maires des communes concernées, adresse à la Commission nationale de l’informatique et des libertés le dossier technique de présentation du traitement envisagé et l’engagement de conformité ainsi que, s’il y a lieu, l’analyse d’impact sur la protection des données à caractère personnel des caractéristiques particulières des traitements mis en œuvre.»

Chaque commune est responsable du traitement des données à caractère personnel provenant des enregistrements réalisés sur son territoire par les caméras individuelles utilisées par les gardes champêtres. Toutefois, lorsque les gardes champêtres sont recrutés dans les conditions prévues à l’article L. 522-2 du code de la sécurité intérieure, l’ensemble des communes sur lesquelles ils sont affectés peuvent définir, dans les conditions prévues par l’article 132 du décret du 29 mai 2019 susvisé, les modalités d’une responsabilité conjointe du traitement.

Lorsque les gardes champêtres ont procédé à l’enregistrement d’une intervention dans les conditions prévues à l’article 46 de la loi du 25 mai 2021 susvisée, les données enregistrées par les caméras individuelles sont transférées sur un support informatique sécurisé dès leur retour au service.
Les enregistrements ne peuvent être consultés qu’à l’issue de l’intervention et après leur transfert sur le support informatique sécurisé. Aucun système de transmission permettant de visionner les images à distance en temps réel ne peut être mis en œuvre.

Au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport qui, notamment, appréciera les conditions de déroulement de l’expérimentation et l’impact de l’emploi des caméras individuelles sur le déroulement des interventions réalisées par les gardes champêtres et précisera le nombre de communes ayant participé à l’expérimentation, le nombre de caméras mises en service, le nombre d’enregistrements réalisés ainsi que le nombre de procédures judiciaires, administratives et disciplinaires pour le besoin desquelles il a été procédé à la consultation et à l’extraction de données provenant des caméras individuelles.

III. Et maintenant la circulaire

A ensuite été diffusée la Note d’information du 14 novembre 2022
relative aux modalités de mise en œuvre des caméras individuelles par les gardes champêtres et des traitements de données à caractère personnel provenant de ces caméras individuelles (NOR : IOMD2229341N ) que voici :

NOR IOMD2229341N

Cette circulaire fait prévaloir des interprétations plutôt souples de la procédure, notamment en matière de procédure d’autorisation (demande du maire).