Quel est l’office du juge lorsqu’un compte de campagne fait apparaître un solde positif ne provenant pas de l’apport des candidats ?

Dès lors qu’un compte de campagne fait apparaître un solde positif ne provenant pas de l’apport des candidats, il appartient au juge de fixer le montant de la somme devant faire l’objet d’une dévolution en application de l’article L. 52-6 du code électoral (de l’excédent ne provenant pas de l’apport personnel) vient de poser le Conseil  d’Etat. 

 

Aux termes du dernier alinéa de l’article L. 52-6 du code électoral :

« Au terme de son mandat, le mandataire remet au candidat un bilan comptable de son activité. Lorsqu’un solde positif ne provenant pas de l’apport du candidat apparaît, il est dévolu, sur décision du candidat, soit à une association de financement ou à un mandataire financier d’un parti politique, soit à une ou plusieurs associations déclarées depuis trois ans au moins et dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts ou inscrites au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, soit au fonds pour le développement de la vie associative. A défaut de décision de dévolution dans les conditions et délais prévus au présent article, l’actif net est versé au fonds pour le développement de la vie associative. Il en va de même lorsque la dévolution n’est pas acceptée.»

Il y a un an, dans une affaire de comptes de campagnes tenus par des pieds nickelés, le Conseil d’Etat avait eu à traiter du mode de calcul du solde positif (reversable) d’un compte de campagne… quand par ailleurs le candidat a exposé des dépenses électorales non retracées dans son compte (notamment pour les bulletins de vote et circulaires).

Voir pour cette affaire intéressante des doubles points de vue du juridique et du drolatique :

 

Le mode d’emploi alors fixé par le Conseil d’Etat était le suivant selon lequel pour établir le montant devant faire l’objet d’une dévolution (soit à une association de financement d’un parti politique, soit à un ou plusieurs établissement reconnus d’utilité publique ; mais le candidat pouvant récupérer son apport personnel), le juge prend en compte :

  1. les dépenses exposées en vue de la campagne électorale par le mandataire
  2. les dépenses exposées en vue de ladite campagne par le candidat s’il n’en résulte aucun enrichissement personnel (bref hors de question de récupérer des sommes issues des dons bien sûr)… ces sommes étant restituées donc au candidat au titre du remboursement de son apport personnel dans les limites du solde positif et sous réserve du point suivant.
  3. MAIS ce à l’exception des dépenses irrégulièrement faites par ledit candidat  et qu’il a omis de porter sur le compte de campagne qu’il a déposé dans les conditions fixées par l’article L. 52-12.

Ce mode d’emploi vient d’être précisé et complété par le Conseil d’Etat.

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne de M. A… et Mme C…, binôme de candidats dans la circonscription de Chambéry-1 (Savoie).

Ce compte de campagne faisait apparaître un solde positif de 1 247 euros résultant de la différence entre le total des recettes égal à 1 745 euros et le total des dépenses égal à 498 euros.

Le TA de Grenoble a censuré la position de la CNCCFP car pour ce tribunal une règle simple s’appliquait, que le Conseil d’Etat résume ainsi

« après avoir constaté que le montant des apports personnels des candidats s’élevait à la somme de 530 euros pour un plafond de dépenses fixé à 20 340 euros pour le canton, le tribunal administratif s’est borné à en déduire qu’il y avait lieu de fixer à 530 euros le montant du remboursement forfaitaire des dépenses électorales du binôme de candidats. »

Toutefois, le compte de campagne faisait apparaître un solde positif de 1 247 euros résultant de la différence entre le total des recettes égal à 1 745 euros et le total des dépenses égal à 498 euros.

Ce solde est supérieur de 717 euros au montant de l’apport personnel des candidats.

Le TA de Grenoble n’avait donc pas respecté, selon le Conseil d’Etat, l’obligation qui était la sienne de déterminer le montant de l’excédent ne provenant pas de l’apport personnel (au sens donc de l’art. L. 56-2 du code électoral).

La grille fixée alors par le Conseil d’Etat dans cette nouvelle décision est la suivante :

  • le remboursement forfaitaire de 47,5% du plafond légal des dépenses électorales (de l’article L. 52-11-1 du code électoral) est accordé aux candidats aux élections auxquels l’article L. 52-4 du code est applicable aux deux conditions (cumulatives) suivantes :`
    • les candidats doivent avoir obtenu plus de 5% des suffrages exprimés
    • lorsque des dépenses de leur compte de campagne ont été réglées sur leur apport personnel.

Lorsque le solde de leur compte de campagne est positif, il n’y a lieu à un remboursement forfaitaire :

  • que si le solde du compte est inférieur au montant de leur apport personnel,
  • et dans cette seule mesure.

Dès lors qu’un compte de campagne fait apparaître un solde positif ne provenant pas de l’apport des candidats, il appartient au juge de fixer le montant de la somme devant faire l’objet d’une dévolution en application de l’article L. 52-6 du code électoral.

Source :

Conseil d’État, 14 décembre 2022, n° 463964, au recueil Lebon