Manifestation : la liberté s’impose… même au bénéfice des ennemis de la liberté

« Pas de liberté pour les ennemis de la liberté »… osa Saint-Just en défense d’un régime pourtant fort peu libéral.
La Justice, celle d’aujourd’hui, affirme au contraire avec constance que la liberté s’applique à tous.
La privation d’une liberté aussi importante que celle de manifester s’apprécie à l’aune, exigeante, des dangers qu’il s’agit d’obvier et des moyens dont dispose l’administration pour les limiter.
Le juge des référés du tribunal administratif de Paris suspend l’arrêté du préfet de police interdisant la manifestation intitulée « marche aux flambeaux en hommage à Sainte Geneviève, patronne de Paris » qui porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester.

Oui il y avait ce jour là d’autres manifestations. Oui cette marche aux flambeaux est organisée par des proches de Génération identitaire (voir ici, et encore de ce côté-ci).

Mais la liberté de manifester est sacrée.

Le TA de Paris a donc rappelé la règle sacro-sainte qui s’impose à tout pouvoir de police qui, certes doit adopter :

« les mesures qu’exige le maintien de l’ordre, il doit concilier l’exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté » (de réunion ou de manifestation)

Source canonique : Conseil d’État, 19 mai 1933, Benjamin, n° 17413, au recueil Lebon

Voici le communiqué du TA de Paris, lequel s’avère fort complet :

«L’association « La création parisienne Paris fierté » a déposé une déclaration de manifestation auprès du préfet de police pour une marche aux flambeaux en hommage à Sainte Geneviève, patronne de Paris le 7 janvier 2023 de 18 heures à 20 heures 30.
« 
Par un arrêté du 4 janvier 2023, le préfet de police a interdit la manifestation aux motifs que la manifestation en cause risquait de causer des troubles à l’ordre public et qu’en raison des autres manifestations prévues à Paris le même jour, les risques générés par cette manifestation ne pourraient être contenus par les forces de l’ordre.
« 
Saisi le 5 janvier 2023 par l’association « La création parisienne Paris Fierté » estimant que cet arrêté portait atteinte à la liberté de manifester, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, par ordonnance du 7 janvier 2023, suspendu l’arrêté contesté.
« 
Le juge des référés a, tout d’abord, estimé que le préfet de police n’établissait pas les risques de troubles à l’ordre public en se fondant sur les agressions qui ont pu avoir lieu en marge d’une précédente marche en hommage à Sainte Geneviève ayant eu lieu le 15 janvier 2022, alors même que certains membres d’organisations de la mouvance identitaire pouvaient assister à la manifestation du 7 janvier 2023.
« 
Le juge des référés a, ensuite, considéré qu’il n’était pas établi que la manifestation en cause, compte-tenu de son objet, risquerait d’entraîner des troubles à l’ordre public de la nature de ceux intervenus en marge de la demi-finale de la Coupe du Monde de football et liés à l’attaque survenue le 23 décembre 2022 au centre culturel kurde Ahmet-Kaya.
« 
Enfin, le juge des référés a considéré que le préfet de police n’établissait pas que l’organisation d’autres manifestations à Paris le même jour mobiliserait des forces de l’ordre au point de ne pas permettre la surveillance de la marche aux flambeaux en hommage à Sainte Geneviève, patronne de Paris.»

 

Voici cette décision :

TA Paris, ord., 7 janvier 2023, n°2300303_07012023

Photo coll pers. ; photo d’un des tableaux de nos locaux, couloir entre les 7e et 8e étages (tableau Liberté, Égalité, Fraternité du street-artiste Obey [i.e. Shepard Fairey] ; rappel de l’origine de l’oeuvre : peinture murale à Paris au croisement du bd Vincent-Auriol et de la rue Nationale, peinte après les attentats du 13 novembre 2015).