La relation de quasi-régie entre un pouvoir adjudicateur et une personne morale contrôlée, ou in house, permet d’écarter l’obligation de publicité et de mise en concurrence pour les marchés publics passés exclusivement entre eux. L’un de ses critères est que le pouvoir adjudicataire exerce un contrôle analogue à celui qu’elle opère sur ses propres services.
La Cour de justice de l’Union européenne, en répondant à une question préjudicielle, est venue préciser qu’un des éléments permettant de retenir un contrôle analogue était la représentation du pouvoir adjudicateur au sein des organes décisionnels de la personne contrôlée, sous réserve que le membre ait bel et bien un pouvoir de représentation.
Pour rappel, la définition du droit de l’UE d’une quasi-régie a été codifiée à l’article L. 2511-1 du CCP, dont l’un des critères est que « Le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services ». L’appréciation de ce critère est ensuite précisée :
« Un pouvoir adjudicateur est réputé exercer sur une personne morale un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services, s’il exerce une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée. Ce contrôle peut également être exercé par une autre personne morale, qui est elle-même contrôlée de la même manière par le pouvoir adjudicateur. »
L’article L. 2511-3 du CCP concerne quant à lui une formation plus complexe, en étendant la notion de quasi-régie au cas où le pouvoir adjudicataire n’exerce pas sur la personne morale un contrôle dans les conditions prévues à l’article L. 2511-1 du CCP :
« Sont également soumis aux règles définies au titre II les marchés publics conclus par un pouvoir adjudicateur, y compris lorsqu’il agit en qualité d’entité adjudicatrice, qui n’exerce pas sur une personne morale un contrôle dans les conditions prévues à l’article L. 2511-1, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1° Le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée, conjointement avec d’autres pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu’ils agissent en qualité d’entité adjudicatrice, un contrôle analogue à celui qu’ils exercent sur leurs propres services ;
(…) »
La CJUE a été saisie, notamment, pour préciser la notion de contrôle conjoint analogue, en interprétant l’article 12 de la directive 2014/24/UE.
Dans cette affaire (CJUE 22 décembre 2022, aff. C-383/21 et C-384/21), un marché avait été attribué par deux pouvoirs adjudicateurs à une personne morale. Un des élus siégeant au conseil d’administration de l’attributaire siégeait également au sein des deux pouvoirs adjudicataires, en n’étant toutefois chargé d’en représenter qu’un seul au sein de l’attributaire. Le fait que le pouvoir adjudicataire soit représenté au sein des organes décisionnels de l’attributaire étant un élément permettant de retenir l’exigence de contrôle analogue du in house, la Cour a dû examiner s’il s’agissait d’un contrôle conjoint.
Elle a ainsi indiqué que :
« 62. En particulier, l’exigence de représentation visée à l’article 12, paragraphe 3, second alinéa, sous i), de la directive 2014/24 requiert que la participation d’un pouvoir adjudicateur au sein des organes décisionnels de la personne morale contrôlée conjointement avec d’autres pouvoirs adjudicateurs s’effectue par l’intermédiaire d’un représentant de ce pouvoir adjudicateur lui-même. Cette exigence ne peut donc pas être satisfaite par l’intermédiaire d’un membre de ces organes y siégeant seulement en qualité de représentant d’un autre pouvoir adjudicateur. » (CJUE 22 décembre 2022, aff. C-383/21 et C-384/21)
Ainsi, la notion de quasi-régie va s’intéresser aux mandats des membres siégeant dans les organismes décisionnels pour évaluer l’exigence de représentation. La multiplication des mandats des élus ne suffit pas, c’est leur capacité à représenter les pouvoirs adjudicataires au sein de la personne morale contrôlée qui est prise en compte.
Pour aller plus loin :
Contrats publics : la clause exorbitante du droit commun continue de décliner. Mais le pronostic vital n’est pas engagé : https://blog.landot-avocats.net/2022/09/08/contrats-publics-la-clause-exorbitante-du-droit-commun-continue-de-decliner-mais-le-pronostic-vital-nest-pas-engage/
CEREMA : le décret est sorti, visant à en réformer l’organisation et, surtout, à permettre que les collectivités puissent y recourir en « in house » : https://blog.landot-avocats.net/2022/06/17/cerema-le-decret-est-sorti-visant-a-en-reformer-lorganisation-et-surtout-a-permettre-que-les-collectivites-puissent-y-recourir-en-in-house/
Selon une réponse ministérielle, même si les critères de la quasi-régie semblent plus souples, ils ne s’appliquent toujours pas aux SEM ! : https://blog.landot-avocats.net/2020/04/01/selon-une-reponse-ministerielle-meme-si-les-criteres-de-la-quasi-regie-semblent-plus-souples-ils-ne-sappliquent-toujours-pas-aux-sem/
Il y a-t-il mise en concurrence lors des conventions de prestations entre communes et EPCI à fiscalité propre ? https://blog.landot-avocats.net/2019/03/06/il-y-a-t-il-mise-en-concurrence-lors-des-conventions-de-prestations-entre-communes-et-epci-a-fiscalite-propre/
La collectivité territoriale, soumissionnaire ordinaire ? [mise à jour] [VIDEO et article] https://blog.landot-avocats.net/2019/11/21/la-collectivite-territoriale-soumissionnaire-ordinaire-mise-a-jour-octobre-2019-video-et-article-3/
Confirmation : une entente (restauration scolaire entre voisins) peut être conclue sans publicité ni mise en concurrence https://blog.landot-avocats.net/2018/01/23/confirmation-une-entente-restauration-scolaire-entre-voisins-nest-pas-assujettie-aux-regles-de-la-commande-publique/
Transférer une compétence à une personne morale ne revient pas à passer un marché public, selon la CJUE… sous quelques conditions toutefois. https://blog.landot-avocats.net/2017/01/10/transferer-une-competence-a-une-personne-morale-ne-revient-pas-a-passer-un-marche-public-selon-la-cjue-sous-quelques-conditions-toutefois/
In house : une fois de plus, la France est plus rigide que le droit européen : https://blog.landot-avocats.net/2017/01/26/in-house-une-fois-de-plus-la-france-est-plus-rigide-que-le-droit-europeen/
*article rédigé avec la collaboration de Yasmine Chevreul, juriste