On le savait depuis des années :
- quand des personnes publiques créent une structure qu’ils contrôlent en commun, les prestations qui en résultent peuvent ne pas être assujetties aux règles de la commande publique à la condition que soient réunies les conditions des prestations de services intégrées (« in house »)…
Source : CJCE, 11 janvier 2005, Stadt Halle, aff. C-26/03 ; CJCE,18 novembre 1999, Teckal, Rec. CJCE 1999, p. 8121 ; CJCE, 10 novembre 2005, Commission c/ Autriche, aff. C-29/04 ; CJCE, 6 avril 2006, ANAV c/ Comune di Bari, aff. C-410/04 ; CJCE, 11 mai 2006, Carbotermo SpA Consorzio Alisei c/ Comune di Busto Arsizio AGESP SpA, aff. C-340-04 ; CJCE, 21 juillet 2005, Coname c/ Comune di Cingia de Botti, aff. C-231-03 ; CJCE, 13 octobre 2005, Parking Brixen GmbH, aff. C-458/03. Sur le fait que le juge français est plus exigeant que ce qu’impose le juge européen en ce domaine, comparer CJUE, 13 novembre 2008, Coditel Brabant, C-324/07 et CE, 6 novembre 2013, commune de Marsannay-la-Côte, n°365079. Voir aussi CAA paris, 30 juin 2009, Ville de Paris, n°07PA02380. Concernant, les syndicats mixtes, un tribunal administratif a admis la convention in house entre agences ayant la forme de syndicats et leurs communes membres (TA de Pau, 14 octobre 2008, Préfet des Pyrénées Atlantiques c/ commune d’Ilharre, n°0800537 ; TA de Pau, 6 janvier 2009, Préfet des Pyrénées Atlantiques c/ commune de Labontant, n°081005).
Pour les GIP, le Conseil d’Etat a admis la possibilité de recourir à une convention in house (CE, 10 novembre 2010, Société Carso laboratoire santé hygiène environnement, n°319109). - et quand ces personnes publiques conviennent de telles prestations, mais sans créer en commun une personne morale (cas des prestations entre voisins ou des ententes [non dotées de la personnalité morale] ou cas des conventions de mutualisation ascendantes), il n’y a pas non plus assujettissement aux règles de la commande publique sous trois conditions posées par l’important et célèbre arrêt Déchets de Hambourg (CJCE, 9 juin 2009, X c/ RFA, aff. C‑480/06 ; voir aussi CE, 3 février 2012, CdA d’Annecy et Commune de Veyrier du lac, n° 353737) :
- pas de personne privée au sein du dispositif (et une gouvernance administrative démocratique)
- des économies d’échelles, oui, mais pas de bénéfice
- une réciprocité possible.
C’est dans ce second cadre qu’est intervenu une décision intéressante du TA d’Orléans (et qui est une application des arrêts Déchets de Hambourg et Veyrier du lac, précités).
Voici le résumé fait par ledit TA de cette décision :
Il résulte des dispositions de l’article L.5221-1 du code général des collectivités territoriales qu’une commune peut accomplir les missions de service public qui lui incombent en concluant, hors règles de la commande publique, une convention constitutive d’une entente pour exercer en coopération avec des communes, établissements publics de coopération intercommunale ou syndicats mixtes, de mêmes missions, notamment par la mutualisation de moyens dédiés à l’exploitation d’un service public, à la condition que cette entente ne permette pas une intervention à des fins lucratives de l’une de ces personnes publiques, agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel. En l’espèce, la convention litigieuse avait pour objet de permettre à la commune de S… de bénéficier des équipements du service de restauration scolaire de la commune de M… pour assurer la restauration des élèves de son école. L’entente tend ainsi à l’exploitation d’un même service public de restauration scolaire. Si la livraison des repas à la commune de S… est assurée par la commune de M…, la première met à la disposition de la seconde du personnel dont les conditions de mobilisation sont définies en fonction du nombre de repas estimé et constaté à la fin de chaque année scolaire et dont les horaires, l’emploi du temps et les missions sont fixés conjointement par les deux communes. La convention prévoit une participation financière de la commune de S… aux dépenses de fonctionnement dont le montant est calculé chaque année au prorata des repas livrés aux élèves de son école et que le prix du repas correspond à une part forfaitaire du coût des denrées alimentaires. Il s’ensuit que la convention définit des engagements réciproques, fussent-ils d’ampleurs différentes, et ne provoque pas de transferts financiers entre collectivités autres que ceux résultant strictement de la compensation des charges d’exploitation du service mutualisé. Dès lors, la commune de M… ne peut être regardée comme agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel.
En conséquence, la convention litigieuse, conclue à des fins de coopération entre personnes publiques dans le cadre de relations qui ne sont pas celles du marché, n’est pas soumise aux règles de la commande publique et, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence prévues par le code des marchés publics doit être écarté.
TA Orléans, 5ème chambre, 15 juin 2017, n° 1602194