Reprise d’activité d’une CCI par une société privée : le personnel consulaire qui refuse son transfert ne peut être licencié que si le contrat privé proposé ne reprend pas les éléments essentiels de son engagement public.

Par un arrêt Mme B… c/ Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Normandie, en date du 7 février 2023 (req. N° 22NT00489), la cour administrative d’appel de Nantes a considéré que, conformément aux dispositions de l’article L. 712-11-1 du code de commerce, lorsqu’une société privée reprend une activité d’une CCI, ladite société propose au personnel titulaire affecté à cette activité un contrat de droit privé reprenant les éléments essentiels du contrat ou de l’engagement dont l’agent public est titulaire. Si la CCI peut licencier l’agent qui refuse le contrat proposé, cela n’est cependant légal qu’à la condition que la société ait bien proposé une reprise de l’intégralité des éléments essentiels de l’engagement de l’agent public.

Mme B… a été engagée, à compter du 24 août 1995, par la chambre de commerce et d’industrie territoriale (CCIT) de … pour exercer des fonctions de professeur de … au sein de l’institut consulaire d’enseignement professionnel-centre de formation des apprentis (…), dont la CCI détenait les actifs. L’intéressée, qui relevait du statut des personnels administratifs des CCI, a été titularisée dans ses fonctions au 1er septembre 1999. A compter du 1er janvier 2013, en application des dispositions de l’article 40 de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, son contrat de travail a été transféré à la CCI régionale (CCIR) de Basse Normandie, laquelle est devenue au 1er janvier 2016, la CCIR de Normandie. Par une délibération du 17 avril 2020, l’assemblée générale de la CCIT de …, sur avis conforme de la CCIR de Normandie, employeur de Mme B…, a décidé du transfert de l’activité et des personnels de … vers une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), dont elle est l’unique associée.

Or, Mme B… ayant refusé de signé le contrat de travail proposé par cette société privé, a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement. Puis, par une du 25 août 2020, le président de la CCIR de Normandie a prononcé son licenciement pour refus de transfert. Débouté en première instance, Mme B…  a interjeté appel. La cour administrative d’appel de Nantes lui a donné raison.

Le litige portait ainsi sur l’application des dispositions de l’article L. 712-11-1 du code de commerce qui prévoit que « lorsqu’une personne de droit privé ou de droit public reprend tout ou partie de l’activité d’une chambre de commerce et d’industrie, quelle que soit la qualification juridique de la transformation de ladite activité, elle propose aux agents de droit public employés par cette chambre pour l’exercice de cette activité un contrat de droit privé ou un engagement de droit public. / Le contrat de travail ou l’engagement proposé reprend les éléments essentiels du contrat ou de l’engagement dont l’agent de droit public est titulaire, en particulier ceux qui concernent la rémunération. Les services accomplis au sein de la chambre de commerce et d’industrie sont assimilés à des services accomplis au sein de la personne privée ou publique d’accueil. / En cas de refus de l’agent public d’accepter le contrat ou l’engagement, la chambre de commerce et d’industrie employeur applique, selon des modalités prévues par décret, les dispositions relatives à la rupture de la relation de travail prévues par le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie mentionné à l’article 1er de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l’établissement obligatoire d’un statut du personnel administratif des chambres d’agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers. »

En l’espèce, la cour relève le contrat de travail proposé à Mme B… « ne fait état d’aucune proposition relative aux dispenses de service pour les enseignants, prévues par l’article 48-6 bis du statut adapté localement […]. » Ainsi, « en s’abstenant de proposer à Mme B… toute dispense de service, le nouveau contrat de droit privé n’a pas repris l’un des éléments essentiels du contrat ou de l’engagement dont cet agent de droit public était titulaire. » Si la CCI de Normandie, poursuit la cour, « fait à cet égard valoir que, durant la période d’application du système antérieur de dispenses, dont le calendrier était défini par la direction, les formateurs restaient à la disposition de l’établissement et que, depuis le mois de septembre 2020, …“fonctionne avec des coupures pédagogiques, pendant lesquelles les formateurs peuvent prendre des congés ou bien travailler à domicile sur des activités de recherche, de préparation”, ces modalités ne sont pas équivalentes au système antérieur de dispense de service.

Et de conclure, « dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que la proposition de contrat qui lui a été adressée ne reprenait pas l’un des éléments essentiels de son contrat de travail ou engagement antérieur et qu’elle pouvait ainsi légitimement refuser de le signer sans que cela n’entraîne la rupture de la relation de travail prévue par l’article L. 712-11-1 du code de commerce. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CAA/decision/2023-02-07/22NT00489