Fin de détachement sur emploi fonctionnel : quels sont les droits du fonctionnaire qui ne peut être réintégré dans sa collectivité d’origine ?

Par un arrêt centre départemental de gestion (CIG) de la grande couronne de la région Ile-de-France en date du 10 février 2023 (req. n° 443616), le Conseil d’État a considéré qu’un fonctionnaire dont il est mis fin au détachement sur un emploi fonctionnel et qui ne peut être réintégré dans sa collectivité d’origine faute d’emploi vacant correspondant à son grade, peut demander à la collectivité de détachement de bénéficier des dispositions de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 (désormais codifiées aux art. L. 544-1 et L. 544-4 du CGFP). Autrement dit, il peut demander à la collectivité d’accueil qui a mis fin à son détachement un reclassement, un congé spécial ou une indemnité de licenciement.

En l’espèce, par un arrêté du maire de Colombes du 26 décembre 2006, M. A…, directeur territorial en fonction au sein des services de cette commune, a été détaché pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2007 auprès de la communauté d’agglomération Seine-Essonne, le président de cet établissement ayant, par un arrêté du 19 décembre 2006, procédé au détachement de l’intéressé sur l’emploi fonctionnel de directeur général adjoint des services. Toutefois, le président de cet établissement public a par un arrêté du 9 novembre 2007, décidé de mettre fin au détachement de M. A… sur son emploi fonctionnel à compter du 5 janvier 2008, et dit que l’agent serait réintégré à cette date dans sa collectivité d’origine.

Après s’être vu refuser sa réintégration dans sa collectivité d’origine par un courrier du 26 novembre 2007, M. A… a sollicité, par un courrier du 29 novembre 2007, son reclassement dans les effectifs de la communauté d’agglomération sur le fondement des articles 53 et 97 de la loi du 26 janvier 1984. Cette demande a cependant été rejetée par une décision du président de la communauté d’agglomération Seine-Essonne en date du 13 décembre 2007, confirmée les 2 et 29 janvier 2008. M. A… a alors été pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) à compter du 1er avril 2008 puis par le centre interdépartemental de gestion (CIG) de la grande couronne de la région Ile-de-France à compter du 1er janvier 2010.

Par un courrier du 13 septembre 2011 reçu le 19 septembre, M. A… a adressé à la communauté d’agglomération une demande tendant à bénéficier du congé spécial prévu par l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984. Cette demande a été implicitement rejetée par une décision en date du 19 décembre 2011. Ayant continué à assurer la prise en charge de la rémunération de M. A…, le CIG a demandé à la communauté d’agglomération Seine-Essonne, devenue Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart, le remboursement des sommes versées à compter du 1er janvier 2012. Cette demande a été rejetée par le président de la communauté d’agglomération le 3 janvier 2013. Le CIG a alors demandé au tribunal administratif de Versailles d’annuler la décision du 3 janvier 2013 par laquelle la communauté d’agglomération a refusé de lui rembourser les rémunérations qu’il a versées à M. A… au titre de sa prise en charge depuis le 1er janvier 2012 et de la condamner à lui verser la somme de 262 246,43 euros tous chefs de préjudices confondus, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation.

Par un jugement du 12 juin 2017, dont le CIG a relevé appel, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par un arrêt du 2 juillet 2020, la cour administrative d’appel de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif et condamné la communauté d’agglomération à verser au CIG la somme de 254 746,43 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2012. La communauté d’agglomération s’est alors pourvue en cassation contre cet arrêt.

Pour savoir si la communauté d’agglomération était redevable au CIG des sommes réclamées, il convenait de déterminer au préalable si le fonctionnaire dont il est mis fin au détachement sur emploi fonctionnel et qui ne peut être réintégré au sein de sa collectivité d’origine, peut demander à la collectivité de détachement de bénéficier des dispositions de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 (désormais art. L. 544-1 du CGFP), à savoir demander à la collectivité d’accueil qui a mis fin à son détachement un reclassement, un congé spécial ou une indemnité de licenciement.

Sur ce point, le Conseil d’État a répondu par l’affirmative en considérant « que lorsqu’il est mis fin au détachement d’un fonctionnaire territorial sur un emploi fonctionnel mentionné à l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984, à l’initiative de la collectivité ou de l’établissement au sein de laquelle ou duquel il est détaché sur un tel emploi, que cette fin de fonctions intervienne avant le terme normal du détachement ou résulte du non-renouvellement de celui-ci, ce fonctionnaire est en principe réintégré dans son corps ou cadre d’emplois et réaffecté à la première vacance ou création d’emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d’origine en application de l’article 67 de la même loi. Si sa collectivité ou son établissement d’origine n’est pas en mesure, à la date à laquelle la fin du détachement prend effet, de le réaffecter sur un tel emploi, le fonctionnaire est en droit, dans les conditions prévues par l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984, de demander à la collectivité ou à l’établissement dans lequel il occupait l’emploi fonctionnel de bénéficier d’un reclassement, d’un congé spécial ou d’une indemnité de licenciement. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l’article 67 de la loi du 26 janvier 1984 n’est plus applicable à la situation du fonctionnaire territorial qui demande le bénéfice de l’une des facultés qui lui sont offertes par les dispositions de l’article 53 de la même loi. »

Or, en l’espèce, poursuit la Haute Assemblée, « d’une part, que la commune de Colombes avait indiqué, à la date de la fin anticipée du détachement de M. A… en novembre 2007, qu’elle n’était pas en mesure de le réintégrer dans ses effectifs et, d’autre part, que ce dernier, après que le président de la communauté d’agglomération a refusé d’accéder à sa demande tendant à son reclassement dans les effectifs de la communauté d’agglomération, a formulé sa demande de congé spécial, en vertu de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984, auprès de la collectivité dans laquelle il a effectué son détachement, le 13 septembre 2011, soit pendant la période au titre de laquelle il était pris en charge en vertu de l’article 97 de la loi du 26 janvier 1984. Il suit de là que la communauté d’agglomération était tenue de lui accorder le bénéfice du congé spécial, dont il remplissait les conditions, sans qu’il soit besoin de vérifier si la commune de Colombes était en mesure de le réintégrer dans ses effectifs au moment où il a formulé cette demande de congé spécial. »

Dans la mesure où « le congé spécial que la communauté d’agglomération devait accorder à M. A… aurait dû débuter le 1er décembre 2011, comme l’intéressé le demandait, pour s’achever au mois de mai 2015, date à laquelle il avait, d’une part, atteint l’âge légal de départ en retraite et, d’autre part, cumulé 164 trimestres de cotisations, tous régimes confondus, […] le CIG est fondé à demander la condamnation de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart à lui verser la somme de 172 853 euros correspondant aux dépenses qu’il a engagées au titre de la prise en charge de M. A…, pendant la période du 1er décembre 2011 au 31 mai 2015, au cours de laquelle cet agent pouvait prétendre au bénéfice du congé spécial.

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047206366?juridiction=CONSEIL_ETAT&juridiction=COURS_APPEL&juridiction=TRIBUNAL_ADMINISTATIF&juridiction=TRIBUNAL_CONFLIT&page=1&pageSize=10&query=443616&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat