Par un jugement Mme B. c/ université des Antilles en date du 10 février 2023 (req. n° 2200225), le tribunal administratif de la Martinique a rappelé que la protection fonctionnelle ne se borne pas à la prise en charge des frais d’avocat, mais peut également comprendre des mesures matérielles visant à protéger l’agent d’une confrontation avec la personne qu’il accuse de harcèlement.
Mme B., maîtresse de conférences à l’université des Antilles, s’est vu accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle par décision du président de l’université des Antilles du 18 août 2021, à raison des faits de harcèlement moral dont elle expose être victime de la part de M. Y., professeur des universités et directeur xxxxx, devenu par la suite doyen de xxxx.
Par un jugement du 18 octobre 2021, dont M. Y. a interjeté appel, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a condamné celui-ci à une peine d’emprisonnement de trois mois avec sursis et au versement de la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour des faits de harcèlement moral commis à l’encontre de Mme B. du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2020.
Le 11 décembre 2021, Mme B. a demandé au président de l’université́ des Antilles de prendre des mesures concrètes de mise en œuvre de la protection fonctionnelle qui lui a été précédemment accordée. Le silence gardé sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet le 11 février 2022. Mme B. a alors saisi le tribunal administratif de la Martinique d’une demande d’annulation de cette décision et d’enjoindre au président de l’université́ des Antilles d’adopter des mesures de protection effectives lui permettant de ne plus être confrontée à M. Y. dans le cadre de ses fonctions.
Pour faire droit à la requête de Mme B., le tribunal administratif de la Martinique rappelle tout d’abord qu’il résulte des dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 (aujourd’hui codifiées aux articles L. 134-1 et suivants du CGFP) qu’ il « est loisible à l’agent auquel le bénéfice de la protection fonctionnelle a été accordé de contester devant le juge de l’excès de pouvoir une décision prise par l’administration sur les modalités de cette protection, au motif qu’il en résulte, y compris en tenant compte d’autres mesures de protection mises en œuvre par ailleurs, une protection insuffisante au regard de son objet. »
Or, constate le tribunal, « il ressort des pièces du dossier que, par décision du 18 août 2021, le président de l’université́ des Antilles a accordé́ à Mme B. le bénéfice de la protection fonctionnelle. L’administration a pris en charge, à ce titre, les frais d’avocat et de procédure engagés par Mme B. dans le cadre des poursuites pénales intentées contre M. Y. devant le tribunal judiciaire de Fort-de-France. Le 11 décembre 2021, Mme B. a demandé au président de l’université́ des Antilles de prendre, en exécution de la décision du 18 août 2021 lui accordant la protection fonctionnelle, des mesures concrètes de nature à faire cesser le harcèlement moral auquel elle est exposée. Cette demande a toutefois fait l’objet d’une décision implicite de rejet le 11 février 2022. A l’appui de sa requête, Mme B. soutient, sans être contredite, que l’université́ des Antilles ne lui a pas assuré une protection effective dans l’exercice quotidien de ses fonctions. Il ressort, en l’espèce, des pièces du dossier que Mme B. demeure quotidiennement confrontée à M. Y. qui, en sa qualité́ de directeur du xxx puis de celle de doyen xxx, intervient régulièrement dans la gestion de sa situation administrative, notamment s’agissant des demandes d’autorisation d’absence qu’elle sollicite. Par ailleurs, la requérante fait valoir, toujours sans être contredite, que le harcèlement moral exercé par M. Y. s’est notamment traduit par un traitement inéquitable de la répartition des enseignements, dès lors qu’elle s’est vu retirer une part importante des cours qu’elle dispensait, la direction de l’université́ des Antilles n’étant pas intervenue pour rétablir sa situation. Il ressort également des pièces du dossier que, malgré́ les demandes effectuées par Mme B., celle-ci est toujours confrontée à M. Y. dans l’exercice de ses fonctions, notamment dans le cadre de diverses réunions de travail ou de jurys de délibération. Enfin, il n’est pas davantage contesté en défense que M. Y. a refusé, pendant plusieurs années, d’ouvrir au concours un poste de professeur des universités au sein du département xxxx, afin d’empêcher toute perspective d’évolution de carrière de Mme B.. Par suite, en ne prenant aucune mesure concrète permettant de protéger Mme B. des agissements de harcèlement moral qu’elle expose subir de la part de M. Y., alors que la protection fonctionnelle lui a été accordée, le président de l’université́ des Antilles a commis une erreur d’appréciation de nature à justifier l’annulation de la décision implicite du 11 février 2022, et ce alors même que le jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Fort-de-France du 18 octobre 2021 fait l’objet d’un appel, cette circonstance ne suffisant pas, par elle-même, à justifier qu’il soit mis fin à la protection fonctionnelle »
Ce jugement peut être consulté à partir du lien suivant :