Toute mesure de police restreignant les libertés publiques doit être publiée assez en amont pour permettre le dépôt d’un référé-liberté

Une mesure de police restreignant les libertés publiques devait être publiée dans un délai permettant un accès utile au juge du référé liberté, selon une ordonnance du TA de Paris rendue à propos des mesures prises par la préfecture de police de cette ville en matière d’encadrement des manifestations contre la réforme des retraites. 


 

L’association de défense des libertés constitutionnelles, la Ligue des droits de l’homme et trois autres requérants, personnes physiques, ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (référé-liberté).

Sur ce type de référé, voir notamment :

 

La requête en référé-liberté avait un angle d’attaque habile : que le juge enjoigne  notamment au préfet de police de publier, avant leur entrée en vigueur, sur le site internet de la préfecture ses arrêtés portant mesures de police applicables à Paris à l’occasion d’appels à manifester.

Les requérants soutenaient que la méconnaissance par le préfet de police des exigences de publicité adéquate posée par l’article L. 221-2 du code des relations entre le public et l’administration porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à un recours effectif.

NB : la notion de droit à un recours effectif est un renvoi clair aux stipulations des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. 

Le juge des référés du tribunal administratif de Paris, en formation collégiale, a, par ordonnance du 4 avril 2023, fait droit à la requête.

Il a posé qu’une une mesure de police restreignant les libertés publiques devait être publiée dans un délai permettant un accès utile au juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

« […] sauf motif impératif d’urgence lié au maintien et la sauvegarde de la sécurité publique dans une situation grave, une mesure de police restreignant les libertés publiques doit être publiée dans un délai permettant un accès utile au juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.»

 

 

Or, de tels retards de publication à cette aune sévère n’étaient pas rares en l’espèce :

« 7. Par des arrêtés en date des 17 mars, 18 mars, 20 mars, 21 mars, 22 mars, 23 mars, 24 mars, 25 mars, 26 mars, 27 mars, 28 mars et 30 mars 2023, le préfet de police a interdit, chaque soir de 17 heures à 3 heures le lendemain, tous les cortèges, défilés et rassemblements annoncés ou projetés non déclarés dans plusieurs secteurs de la capitale. Il résulte de l’instruction que certains de ces arrêtés n’ont pas été publiés avant leur application effective ou ont été publiés au recueil des actes administratifs postérieurement à la fin de l’interdiction édictée. Par ailleurs, si certains ont été publiés au recueil le jour-même, il n’est pas contesté que ce recueil n’est mis en ligne qu’à 17 heures. »

 

Le juge des référés, après avoir constaté que de précédents arrêtés pris, en mars 2023, par le préfet de police de Paris portant interdiction de cortèges, défilés et rassemblements non déclarés dans plusieurs secteurs de la ville de Paris pour des durées limitées n’avaient pas été publiés avant leur application ou avaient fait l’objet d’une publication tardive, a donc jugé qu’eu égard à la nature de ces arrêtés qui restreignent l’exercice du droit de manifester et la liberté d’aller et venir et qui sont susceptibles d’entraîner des poursuites pour les contrevenants, le défaut de publicité adéquate imposée par l’article L. 221-2 du code des relations entre le public et l’administration ainsi que leur publication tardive, faisant obstacle à l’exercice du référé liberté, portaient une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’exercer un recours effectif.

Le juge des référés a également considéré que la condition d’urgence était remplie dès lors que les précédents arrêtés pris par le préfet de police n’avaient pas fait l’objet d’une publicité adéquate et que de nouveaux arrêtés allaient être pris dans les prochains jours.

Les deux conditions prévues par les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative étant remplies, le juge des référés a ordonné au préfet de police, compte tenu notamment de la durée limitée des arrêtés en cause, de les publier avant leur entrée en vigueur et sur le site internet de la préfecture, mesure permettant la sauvegarde de la liberté fondamentale qu’est le droit d’exercer un recours effectif.

Source :

TA Paris ord., 4 avril 2023, n° 2307385/9

Crédits : photo. coll. pers. depuis mon domicile 18/10/22