Aménagement commercial : un refus communal de permis de construire, induit par un avis négatif de la CNAC… pourra presque toujours être attaqué, en Justice, par l’EPCI à FP

En matière d’aménagement commercial, un EPCI à fiscalité propre aura presque toujours intérêt à agir contre la décision d’une commune membre prise sur avis conforme de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), même s’il s’agit d’un refus de permis pour cause d’avis défavorable de ladite CNAC. 

 


 

 

Les articles L. 752-17 du code de commerce et L. 425-4 du code de l’urbanisme listent les demandeurs pouvant introduire un recours devant la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) contre l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC), à savoir :

  • le demandeur,
  • le représentant de l’Etat dans le département,
  • tout membre de la commission départementale d’aménagement commercial (dont le maire du lieu ou son représentant, ainsi que le président de l’établissement de coopération intercommunale à fiscalité propre dont est membre la commune d’implantation ou son représentant, puisque ceux-ci siègent à ladite en vertu des dispositions de l‘article L. 751-2 du code de commerce)
  • tout professionnel dont l’activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d’être affectée par le projet
  • toute association les représentant (voir CE, 20 septembre 1991, n° 121065, aux tables).

 

Il en résulte que ceux-ci peuvent avoir intérêt à agir ensuite contre l’avis de la CNAC…. ou plus précisément contre la décision de la commune prise ensuite dudit avis (sur ce point voir CE, 25 mars 2020, n°409675 et CAA Nancy, 30 juin 2022, n° 19NC02037).

NB 1 : il faut penser aussi aux cas d’auto-saisine de la CNAC (article L. 752-17 du Code de commerce et CE, 20 juin 2022, Ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, req., n° 441707).

NB 2 : voir aussi « Aménagement commercial : que se passe-t-il si la CNAC statue sur un dossier avant puis après l’entrée en vigueur de la loi de 2014 ? »

Cette liste n’est pas limitative d’ailleurs, puisque peut s’y ajouter par exemple l’autorité qui délivre le permis de construire (CAA Nantes, 15 septembre 2017, n° 16NT00526).

Dès lors, les communes (CE, 12 novembre 1997, n° 151821, aux tables ; pour les communes voisines qui peuvent agir dans certains cas voir : CAA Versailles, 3 novembre 2020, Commune d’Arpajon, n°19VE00438), ainsi que les intercommunalités (CE, 16 mai 2011, Communauté agglomération bassin d’Aurillac et Cne Aurillac, n° 336104, aux tables), disposent d’un intérêt à agir contre une décision de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) autorisant la création ou l’extension d’un équipement sur leur territoire.

NB : voir en sens contraire pour les intercommunalités l’étrange décision CAA Nantes , 13 janv. 2019, Communauté agglomération Chartres métropole, n° 17NT03849).

Il en résulte même une étrangeté, quand la commune se retrouve à devoir attaquer en Justice sa propre décision en matière d’urbanisme (puisque l’avis de la CNAC doit être suivi par la commune !) : CE, 24 janvier 2022, Société Année Distribution et autres, req., n° 440164. 

C’est donc sans surprise, dans la foulée notamment de la décision n° 336104 précitée, que la CAA de Nantes a décidé que, si un EPCI à fiscalité propre ayant la compétence économique peut attaquer en Justice un permis de construire pris sur avis conforme de la CNAC, concernant cet EPCI (au titre de ses compétences économiques, généralisées depuis 2017 en application de la loi NOTRé)… alors ledit EPCI (une communauté de communes en l’espèce) dispose, tout autant, d’un intérêt à agir à l’encontre d’un refus de permis induit par l’avis défavorable émis par la CNAC statuant sur le recours formé par un concurrent :

« 4. D’autre part, la communauté de communes Pays de Falaise, dont le président avait d’ailleurs siégé à la réunion de la CDAC du 14 avril 2021, a notamment pour compétence, en vertu du 2° du I de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales et de ses statuts, les actions de développement économique en matière de  » création, aménagement, entretien et gestion de zones d’activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale « . Or le terrain d’assiette du projet, dont elle est au surplus propriétaire, se situe dans la zone d’activités  » Expansia « , au nord de Falaise, qu’elle a créée en 2017 et dont elle a la charge. Elle justifie ainsi d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision attaquée qui refuse l’implantation d’un commerce sur le territoire de la commune de Falaise dans la zone d’activités dédiée. Dans ces conditions, la société Alfage et la CNAC ne sont pas fondées à soutenir que la communauté de communes Pays de Falaise ne disposerait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision attaquée.»

Attention : un EPCI à fiscalité propre qui ne serait pas propriétaire du terrain et qui aurait subdélégué à un syndicat mixte les compétences économiques correspondantes pourrait perdre ledit intérêt à agir….

Source :

CAA de NANTES, 10/03/2023, 21NT03693

Voir aussi les Cahiers de ladite juridiction avec un exposé par la Cour et un commentaire de Me Céline Camus: