L’occupation irrégulière d’une propriété, sans extinction de ce droit, entraîne un préjudice « évolutif », dont la prescription s’apprécie année par année.

La prescription quadriennale applicable à l’indemnisation des préjudices résultant de l’occupation irrégulière, sans extinction du droit de propriété, d’un bien immobilier par une personne publique… s’apprécie année par année.

Le Conseil d’Etat a posé que, lorsque la responsabilité d’une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d’obtenir l’indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens de l’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, à la date à laquelle la réalité et l’étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés.

NB : sur la compétence du juge administratif à ce stade, voir TC, 9 décembre 2013, M. et Mme c/ commune de Saint-Palais-sur-Mer, n° 3931, rec. p. 376

Oui mais comment la prescription est-elle prise en compte, avec quel point de départ en pareil cas ?

La réponse de la Haute Assemblée est simple et logique :

« La créance indemnitaire relative à la réparation d’un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Pour l’application de ces règles, la créance du propriétaire d’un bien immobilier relative à l’indemnisation des préjudices résultant pour lui de l’occupation irrégulière, sans extinction du droit de propriété, de ce bien par une personne publique présente un caractère continu et évolutif et doit, en conséquence, être rattachée à chacune des années au cours desquelles ces préjudices ont été subis. »
(résumé des futures tables)

On le voit, la solution diffère donc de ce qu’avait posé la Cour de cassation (Civ. 3e, 5 novembre 2007, n° 06-14404) pour qui :

« Le point de départ de la prescription quadriennale prévue à l’article 1 de la loi du 31 décembre 1968 pour un dommage résultant d’une emprise sur un terrain privé est la date du début de l’emprise »
(résumé du Bull.)

Se retrouve là le mode d’emploi (sur le principe plus que sur la prescription stricto sensu) donné par le Conseil d’Etat en cas de préjudice préjudice évolutif  par l’arrêt CE, Section, 3 décembre 2018, M. , n° 412010, rec. p. 438, dont voici un extrait du résumé aux tables :

« b) Le préjudice moral subi par un détenu à raison de conditions de détention attentatoires à la dignité humaine revêt un caractère continu et évolutif…. …c) Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que ce préjudice soit mesuré dès qu’il a été subi…. …3) Il s’ensuit que la créance indemnitaire qui résulte de ce préjudice doit être rattachée, dans la mesure où il s’y rapporte, à chacune des années au cours desquelles il a été subi »

… et qui n’était pas, loin s’en faut, sans précédent. Citons par exemple :

 « considérant […]  que la créance indemnitaire relative à la réparation d’un préjudice présentant un caractère évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi ; »
(source : Conseil d’État, 6 novembre 2013, n° 354931, au recueil Lebon)

NB : voir antérieurement CE, Section, 7 octobre 1966, Ville de Lagny, n° 64564, rec. p. 528 et Ville de Bressuire, n° 61663, rec. p. 529 ; voir a contrario pour un préjudice considéré comme non évolutif : CE, 10 mars 1972, Consorts Couzinet, n° 78595, rec. p. 201.

Source :

Conseil d’État, 6 octobre 2023, n° 466523, aux tables du recueil Lebon