Allez dans cette actualité déjà si gaie, voici une petite et nouvelle interrogation, histoire de bien plomber définitivement le moral de chacun.
La question est : est-il bien conforme à la dignité humaine que, de nos ultimes cendres, puissent désormais être extraits et valorisés les métaux qui s’y trouvent ? Et à supposer que la dignité humaine n’y trouve rien à redire, de toute manière (et là on descend encore d’un cran dans la joie et la bonne humeur) , ne serions nous pas (nous ou nos ayant-droits) propriétaires, même post-mortem, desdits métaux ?
Réponses à venir, de la part du Conseil constitutionnel, via une QPC qui vient d’être transmise par le Conseil d’Etat …
La loi 3DS n° 2022-217 du 21 février 2022 avait, au milieu de myriades d’autres mini-réformes, inséré un article L. 2223-18-1-1 du CGCT sur le sujet, ô combien délicat, de la récupération des métaux issus de la crémation (récupération possible par le gestionnaire pour cession, à titre gratuit ou onéreux ; avec usage pour les obsèques des indigents ou pour des dons à des associations d’intérêt général ou à des fondations d’utilité publique… en cas de produit de cession) :
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- Voici l’article législatif qui en résulte :
- « Art. L. 2223-18-1-1.-I.-Sans considération de leur origine, les métaux issus de la crémation ne sont pas assimilés aux cendres du défunt. Ces métaux font l’objet d’une récupération par le gestionnaire du crématorium pour cession, à titre gratuit ou onéreux, en vue du traitement approprié pour chacun d’eux.
« II.-Le produit éventuel de la cession prévue au I est inscrit en recette de fonctionnement au sein du budget du crématorium où les métaux ont été recueillis. Ce produit éventuel ne peut être destiné qu’aux opérations suivantes :
« 1° Financer la prise en charge des obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes, mentionnées à l’article L. 2223-27 ;
« 2° Faire l’objet d’un don à une association d’intérêt général ou à une fondation reconnue d’utilité publique.
« III.-Les dispositions des I et II figurent sur tout document de nature contractuelle prévoyant la crémation du défunt et sont affichées dans la partie des crématoriums ouverte au public.
« IV.-Un décret en Conseil d’Etat précise les conditions d’application du présent article. » ;
- « Art. L. 2223-18-1-1.-I.-Sans considération de leur origine, les métaux issus de la crémation ne sont pas assimilés aux cendres du défunt. Ces métaux font l’objet d’une récupération par le gestionnaire du crématorium pour cession, à titre gratuit ou onéreux, en vue du traitement approprié pour chacun d’eux.
- Sur ce point, le décret n° 2022-1127 du 5 août 2022 est venu encadré ces modalités de valorisation des métaux issus la crémation d’un défunt, étape qui suit éventuellement leur récupération. Il prévoit une information des familles et des autorités délégantes sur la destination de ces métaux. Voici l’article réglementaire qui en résulte :
- « Art. R. 2223-103-1. – I. – Lorsqu’il est fait application du 1o du II de l’article L. 2223-18-1-1, le gestionnaire du crématorium verse le produit de la cession des métaux récupérés à l’issue de la crémation à une ou plusieurs communes, qui ne peuvent affecter la somme correspondante qu’à la prise en charge des frais d’obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes.
« II. – Le don mentionné au 2o du II de l’article L. 2223-18-1-1 ne peut être effectué qu’auprès d’une association d’intérêt général ou d’une fondation reconnue d’utilité publique, figurant sur une liste établie par l’organe délibérant de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent pour la création et la gestion du crématorium.
« Lorsque le crématorium fait l’objet d’une gestion déléguée, la commune ou l’établissement de coopération intercommunale consulte le délégataire préalablement à la délibération établissant cette liste.
« III. – Les dispositions des I et II de l’article L. 2223-18-1-1 sont reproduites dans le devis relatif à la crémation. Ces dispositions figurent également, le cas échéant, dans le contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance lorsqu’il stipule le recours à la crémation.
« IV. – Le gestionnaire du crématorium affiche dans la partie publique de l’établissement une information concernant la destination des métaux issus de la crémation et l’utilisation du produit éventuel de leur cession. Cette information comprend :
« 1o Les dispositions des I et II de l’article L. 2223-18-1-1 ;
« 2o La liste des communes bénéficiaires des versements mentionnés au I du présent article et la liste des associations d’intérêt général et des fondations reconnues d’utilité publique établie sur le fondement du II du présent article.
« V. – Le gestionnaire du crématorium publie chaque année les montants et les bénéficiaires des financements et dons éventuellement effectués en application de l’article L. 2223-18-1-1.
« Le gestionnaire met gratuitement à disposition un exemplaire papier de cette publication dans la partie publique de l’établissement. Cette publication est également mise à disposition, sous forme électronique, sur le site internet du gestionnaire lorsqu’il existe.
« Lorsque le crématorium fait l’objet d’une gestion déléguée, cette publication est transmise à l’autorité délégante. »
- « Art. R. 2223-103-1. – I. – Lorsqu’il est fait application du 1o du II de l’article L. 2223-18-1-1, le gestionnaire du crématorium verse le produit de la cession des métaux récupérés à l’issue de la crémation à une ou plusieurs communes, qui ne peuvent affecter la somme correspondante qu’à la prise en charge des frais d’obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes.
- Voici l’article législatif qui en résulte :
Sur tout ceci :
- voir mon article : Droit funéraire : la mort prend un coup de jeune (loi 3DS puis décret 2022-1127)
- et cette petite vidéo : https://youtu.be/PqnRhsbrzrY
- Sources complémentaires sur le volet funéraire de la loi 3DS :
- l’analyse de l’AMF (voir ici pour une analyse de toute la loi 3DS et là pour un article au sujet du funéraire par Mme Myriam Morin-Bargeton, Conseillère technique au Département Administration et Gestion Communales de l’AMF)
- la note de la DGCL sur la partie de funéraire de la loi 3DS
- l’article, précité, fort bien fait, de M. Philippe Dupuis, Consultant au Cridon, Chargé de cours à l’université de Valenciennes, in Résonance funéraire, à lire ici)
Reste que cette affaire de récupération des métaux demeure gênante. Moralement, elle peut se débattre. Symboliquement, elle rappelle de mauvais souvenirs.
Aussi, dans le cadre d’un recours contre le décret 2022-1127, précité, n’est-il pas très surprenant que le Conseil d’Etat ait accepté de transmettre une QPC à ce sujet, sur la base du point ainsi rédigé par la Haute Assemblée :
« Les moyens tirés de ce qu’elles portent atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine découlant du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et au droit de propriété soulèvent une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée. »
Bon le moyen relatif au droit de propriété est lui-même de nature à interroger moralement mais le résultat est là : la passe est faite au Conseil constitutionnel qui aura à connaître de cet étrange commerce, effectué au profit de bonnes causes certes, mais avec des moyens qui interrogent la diversité de nos consciences.
Source :
A l’heure où j’écris, cette affaire n’a pas encore de n° de QPC sur le site du Conseil constitutionnel et les dates limites de réception des demandes en intervention ne sont pas encore connues. Ce sera indiqué ici :
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