Refus par une commune de vendre une de ses parcelles : le contrôle du juge, sur les motifs de ce refus, demeure restreint

Si une commune refuse de vendre une parcelle dont elle est propriétaire, le particulier à qui cet achat est refusé peut attaquer. Mais alors, le contrôle de la pertinence de cette décision, en elle-même (le contrôle des motifs) qui sera alors opéré par le juge demeurera, logiquement, un contrôle restreint.

Ce principe n’est pas nouveau : déjà, en 1980, le Conseil d’Etat avait posé que « le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur la délibération par laquelle le Conseil municipal d’une commune refuse de vendre à un particulier une parcelle appartenant au domaine privé communal » (CE, Sect., 17 octobre 1980, G., n° 23226, rec. p. 378)

Ainsi un conseil municipal avait-il pu se fonder, pour refuser de vendre un terrain « appartenant à son domaine privé à une société souhaitant y construire un supermarché, sur l’existence de demandes antérieures pour le même type d’activité et sur la nécessité de ne pas multiplier les grandes surfaces commerciales sur le territoire de la commune » (CE, Sect., 10 mars 1995, Commune de Digne, n° 108753, rec. p. 124).

Le TA de Châlons-en-Champagne a eu à connaître d’une telle affaire.

En l’espèce, « les époux D…, propriétaires d’une parcelle inscrite au cadastre de la commune d’Herpont […] ont demandé à son maire […] de soumettre au conseil municipal une proposition tendant à acquérir auprès de la commune une parcelle de 24 mètres carrés attenante à leur propriété.»

Le TA fait un contrôle usuel des moyens de légalité externe soulevés, avant que, dans les moyens de contrôle de légalité interne, il n’en vienne au contrôle des motifs.

Il rappelle donc le principe posé par le Conseil d’Etat dans l’arrêt de 1980 précité, un brin reformulé :

« 15. Saisi d’une délibération par laquelle un conseil municipal refuse de vendre à un particulier une parcelle dont la commune est propriétaire, le juge de l’excès de pouvoir exerce sur les motifs de ce refus un contrôle qui se limite à apprécier s’ils ne sont pas étrangers à des préoccupations d’intérêt communal.»

Et en l’espèce, il opère un contrôle restreint en droit, mais plutôt détaillé dans les formulations retenues, sans doute à des fins pédagogiques :

« 16. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de la délibération en litige, que le conseil municipal d’Herpont, pour refuser de vendre aux époux D… une parcelle du domaine communal attenante à leur propriété, a fondé cette décision sur le motif que cette parcelle, qui est située au droit de la « Ruelle de l’église », contribue à en garantir l’accès pour les véhicules qui entendent s’y engager depuis la « Petite rue » dont le tracé est orthogonal à la voie précitée. Ainsi, et indépendamment du statut domanial de cette parcelle, le motif que le conseil municipal d’Herpont a retenu pour justifier le refus de la céder aux époux D… n’est pas étranger à des préoccupations d’intérêt communal.

« 17. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que la « Ruelle de l’église » aurait cessé d’être affectée à la circulation, ni que la parcelle en cause constituerait un délaissé de voirie, au sens des dispositions de l’article L. 112-8 du code de la voirie routière. Enfin, la seule circonstance que le permis de construire qui leur a été délivré en 2012 par le maire d’Herpont a pu entretenir les requérants dans la croyance que la parcelle en cause leur serait cédée par la commune est sans incidence sur la légalité de la délibération en litige.»

D’où le rejet de la requête, avec un autre moyen non démontré de détournement de pouvoir.

Source :

TA Châlons-en-Champagne, 4 juillet 2023, n° 2200181.. à voir ici dans le dernier numéro de la Lettre dudit TA