Quel est le délai d’exclusion d’une procédure de passation, dans le cas où un candidat à un marché public à fait l’objet d’une condamnation au pénal ?

Dans cette affaire, une société de rénovation s’est vu exclure par un département de la procédure de passation d’un marché public en vue de la construction d’un collège sur le fondement de l’article L. 2141-8 du Code de la commande publique.

Pour rappel cet article prévoit que :

« L’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes qui :
1° Soit ont entrepris d’influer indûment sur le processus décisionnel de l’acheteur ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du marché, ou ont fourni des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution ;
2° Soit par leur participation préalable directe ou indirecte à la préparation de la procédure de passation du marché, ont eu accès à des informations susceptibles de créer une distorsion de concurrence par rapport aux autres candidats, lorsqu’il ne peut être remédié à cette situation par d’autres moyens ».

En l’espèce, le département a exclu la société de rénovation au motif que son associé majoritaire avait été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Marseille du 2 décembre 2022 pour des faits de corruption commis lors de procédures récentes de la commande publique, alors qu’il était gérant de la société.

La société a d’abord obtenu l’annulation de cette décision en référé précontractuel devant le tribunal administratif de Marseille, qui a notamment admis l’ancienneté des faits (déroulés au cours des années 2012 à 2016) ayant entrainé la condamnation.

Le département, a alors contesté ce motif dans le cadre d’un pourvoi.

Quel est le délai d’exclusion d’une procédure de passation, dans le cas où un candidat à un marché public à fait l’objet d’une condamnation pour des faits de nature à remettre en cause son professionnalisme et sa fiabilité ?

Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle le cadre juridique applicable, à savoir l’article 57 de la directive marché (2014/24/UE) aux termes duquel l’obligation d’exclure un opérateur économique doit s’appliquer dans les cas où la personne condamnée par jugement définitif est un membre de l’organe administratif, de gestion ou de surveillance dudit opérateur.

Aux termes du paragraphe 7 du même article :

« Par disposition législative, réglementaire ou administrative et dans le respect du droit de l’Union, les Etats membres arrêtent les conditions d’application du présent article. Ils déterminent notamment la durée maximale de la période d’exclusion si aucune des mesures visées au paragraphe 6 n’a été prise par l’opérateur économique pour démontrer sa fiabilité. Lorsque la durée de la période d’exclusion n’a pas été fixée par jugement définitif, elle ne peut dépasser cinq ans à compter de la date de la condamnation par jugement définitif dans les cas visés au paragraphe 1 et trois ans à compter de la date de l’événement concerné dans les cas visés au paragraphe 4 ».

 Selon le Conseil d’État, les dispositions de droit national doivent être interprétées à la lumière de cette directive :

« 5. Il résulte de ces mêmes dispositions, qui doivent être interprétées à la lumière des dispositions de l’article 57 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 qu’elles transposent en droit national, lesquelles limitent à trois ans la période pendant laquelle un opérateur peut être exclu dans les cas visés au paragraphe 4 de cet article, que l’acheteur ne peut pas prendre en compte, pour prononcer une telle exclusion, des faits commis depuis plus de trois ans. Toutefois, lorsqu’une condamnation non définitive a été prononcée à raison de ceux-ci, cette durée de trois ans court à compter de cette condamnation ». 

Ainsi, la période pendant laquelle un opérateur peut être exclu est plafonnée à trois ans. L’acheteur ne peut pas tenir compte de faits antérieurs pour prononcer cette exclusion. Toutefois, si une condamnation non définitive est rendue pour ces mêmes faits, le délai de trois ans débute à partir de la condamnation.

En l’espèce le Conseil d’État annule l’ordonnance du tribunal administratif, il juge que la condamnation du tribunal correctionnel du 2 décembre 2022 constituait le point de départ de l’exclusion. L’exclusion de la société est alors en l’occurence bien fondée.

Conseil d’État, 16 février 2024, n°488524

 

*article rédigé avec la collaboration de Lou Préhu, juriste

 


 

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Voici également une vidéo de 5 mn 51, présentée par Me Evangelia Karamitrou et par votre serviteur, Eric Landot, qui sommes tous deux avocats associés au cabinet Landot & associés :

https://youtu.be/AF-4fSaFqhQ