Quand vos communiqués et discours sont-ils attaquables devant le juge administratif ? [ARTICLE MISE À JOUR AU 22/4/24 + vidéo]

Version mise à jour au 22 avril 2024 en raison d’une décision, plutôt amusante d’ailleurs, du Conseil d’Etat en date du 19 avril 2024 (où une fois de plus on apprend qu’il ne faut pas attaquer trop tôt un projet encore vague…)

Les annonces publiques, celles des exécutifs locaux ou nationaux notamment, faites aux médias et/ou aux français, notamment les déclarations publiques et autres communiqués de presse, sont-ils des actes susceptibles de recours ?

A cette question, une réponse nuancée s’impose, comme le démontre plusieurs intéressantes décisions du Conseil d’Etat. 

  • I. Encore faut-il que l’acte soit attaquable (i.e. qu’il soit « susceptible d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre », d’une part, et que ce ne soit pas une simple mesure préparatoire — ni une mesure d’ordre intérieur —, d’autre part)
  • II. Application, délicate, aux actes de la communication gouvernementale voire locale 
    • II.A. La décision SEITA, mètre-étalon de la frontière entre mesures préparatoires et décisions attaquables s’agissant des annonces gouvernementales
    • II.B. Les subtiles distinctions du Conseil d’Etat opérées en 2021, concernant le Garde des Sceaux
    • II.C. Un mode d’emploi affiné en 2022 (annonces covidiennes du Ministre de la Culture) 
    • II.D. Application aux annonces du Président de la République, en 2022, s’agissant du nucléaire (décision du Conseil d’Etat du 9 août 2023)
    • II.E. La décision « associations  » Les Patriotes  » et  » VIA La Voix du Peuple  » » du 19 avril 2024… où de l’importance de ne pas attaquer, trop tôt, des décisions pour l’instant encore trop floues. Sauf à prendre une pose de chien de chasse mais à finir, pour la postérité, en Ran-Tan-Plan. 
  • III. Voici une vidéo à ce sujet (à jour de décembre 2023, et qui donc n’est en rien obsolète)

 

 

I. Encore faut-il que l’acte soit attaquable (i.e. qu’il soit « susceptible d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre », d’une part, et que ce ne soit pas une simple mesure préparatoire — ni une mesure d’ordre intérieur —, d’autre part)

 

Rappelons à titre liminaire que toute décision publique sera un acte attaquable, sauf régime spécial, même s’il prend la forme vaporeuse des actes de droit souple (« documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif», dont des cartes, des guides…) :

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    s’il est « susceptible d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre »
    Sources : CE, 12 juin 2020, GISTI, n° 418142 ; pour les circulaires, voir le célèbre arrêt Duvignères (CE, S., 18 décembre 2002, n° 233618 ; voir aussi CE, 20 juin 2016, n° 389730) ; pour les directives de droit national, voir CE, S, 11 décembre 1970, Crédit foncier de France, rec. p. 750 ; pour le droit souple des autorités de régulation, voir les décisions d’Assemblée du contentieux du CE du 21 mars 2016, Fairvesta International, n° 368082, et Société Numéricable, n° 390023 ; s’agissant du refus d’une autorité de régulation d’abroger un acte de droit souple, voir CE, Section, 13 juillet 2016, Société GDF Suez, n° 388150, p. 384 ; sur les recours contre les actes de droit souple susceptibles d’avoir des effets notables sur les intéressés, voir CE, Ass., 19 juillet 2019, n° 426389. A comparer avec CE, 21 octobre 2019, n°419996 419997 ; pour le cas des décisions des autorités administratives indépendantes non décisoires mais pouvant avoir une influence, voir CE, 4 décembre 2019, n° 416798 et n°415550 (voir aussi CE, 30 janvier 2019, n° 411132 ; CE, 2 mai 2019, n°414410) ; pour les guides voir CE, 29 mai 2020, n° 440452 ; sur l’état du droit quant aux lignes attaquables ou non avant ce nouvel arrêt GISTI voir CE, 3 mai 2004, Comité anti-amiante Jussieu, n° 245961. Voir aussi l’intéressante quoique désormais datée étude annuelle du Conseil d’Etat, « Le droit souple », 2013.
    Voir : Directives, lignes directrices de gestion, circulaires, droit souple… la grande unification [MINI VIDEO] ; voir aussi « Droit souple » : quel impact pour « mon » administration ? [VIDEO] . Pour une synthèse récente, voir : Droit souple : peut être attaquable une réponse à une FAQ 
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    MAIS ENCORE FAUT-IL QUE CE SOIT UNE DÉCISION, ET NON UNE ANNONCE DE FUTURE DÉCISION OU UNE MESURE PRÉPARATOIRE… la frontière entre les deux étant parfois très incertaine.
    En témoignent :

    • le célèbre avis contentieux du Conseil d’Etat à propos du non moins fameux logiciel Vauban, (CE, avis ctx, 25 juin 2018, n° 419227, au rec. : s’agissant en l’espèce de lettres par laquelle l’administration informait un militaire qu’il devait rembourser une somme indument payée… si la lettre informe son destinataire qu’en l’absence de paiement spontané de sa part, un titre de perception lui sera notifié, elle est seulement une mesure préparatoire de ce titre et n’est pas susceptible de recours. Mais si elle l’informe qu’en l’absence de paiement spontané de sa part, la somme sera retenue sur sa solde, il s’agit d’une décision susceptible de faire l’objet d’un recours de plein contentieux). Voir aussi CE, 29 décembre 2020, Université de Savoie Mont-Blanc et ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, n° 425728-429165. Ceci dit, en ce domaine, voir quelques évolutions récentes ici).
    • le droit des marchés publics, au titre duquel un AAPC est un acte préparatoire non susceptible de recours (au contraire des délibérations lançant les DSP). Voir par exemple : CE 17 février 2010, n° 325520 ; CE, 10 mai 1996, n° 162856 (par analogie) ; CE, 23 juin 1997, n° 167865…Voir plus récemment dans le même sens, CE, 4 avril 2018, n° 414263.
    • le droit de l’intercommunalité pour qui un arrêté de projet de périmètre (en création, ou de fusion, ou d’extension de périmètre) est un acte préparatoire insusceptible de recours (TA Nancy, 5 décembre 2017, n° 1601532 et 1603672 ; TA Orléans, Ord,  2 mai 2012, Sieur Pédard et autres, n°1201198 ; CAA Douai, 2 novembre 2004, Mme Annick X, req. n° 03DA00631 ; CE, 27 octobre 1999, Syndicat départemental d’électrification d’Ille-et-Vilaine, req. n° 160469, CE, 3 juillet 1998, Société Sade, req. n° 154234). Il en va de même lorsqu’il s’agit de proposer la création d’une commune nouvelle (voir Peut-on faire un recours contre une délibération demandant la création d’une commune nouvelle ?).A noter cependant qu’au moins une CAA a eu la fantaisie de se forger une opinion contraire (CAA de Marseille, 12 juin 2001, Ministère de l’Intérieur, n° 01MA00070, et al.).
    • le droit de l’urbanisme pour qui l’adoption schéma d’aménagement de plage n’est qu’une mesure préparatoire (CE, 9 octobre 2017, n°396801).NB : et naturellement ne seront pas non plus attaquables les simples mesures d’ordre intérieur (MOI ; voir par exemple CE, Sect., 25 septembre 2015, n° 372624); mais en ce cas il y aura rarement communication urbi et orbi à grand renfort de trompettes de la part des exécutifs… 

 

 

II. Application, délicate, aux actes de la communication gouvernementale voire locale

 

Donc une communication gouvernementale sera attaquable si, cumulativement :

  • elle est « susceptible d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre »
  • elle n’est pas une simple mesure préparatoire à d’autres actes à venir… ou un autre acte insusceptible de recours comme les MOI

Soit deux données de bon sens, bien connues des juristes désormais… mais ces deux paramètres s’avèrent tout de même malaisés à utiliser au cas par cas, car ils reposent sur des éléments tout de même assez subjectifs.

L’application aux données de communication gouvernementale en ressort à tout le moins délicate.

 

II.A. La décision SEITA, mètre-étalon de la frontière entre mesures préparatoires et décisions attaquables s’agissant des annonces gouvernementales

Une référence jurisprudentielle vient spontanément aux juristes publicistes en ce domaine ; la décision SEITA (Conseil d’Etat, Assemblée, du 3 mars 1993, 132993, publié au recueil Lebon). La Première Ministre Edith Cresson avait annoncé par communiqué, au nom du CIAT (comité interministériel d’aménagement du territoire) qui venait de se réunir à Paris le 7 novembre 1991 :

Sont arrêtées les délocalisations suivantes :
– I – Organismes et établissements sous tutelle unique :
[…]
– Ecole Nationale d’Administration……… à Strasbourg.

[…]
– Société nationale d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes…. à Angoulême.
[…] »
Pour voir le texte de ce communiqué :

Le régime des actes de droit souple n’était pas ce que nous connaissons à ce jour et, de toute manière, ce n’était pas la question posée en l’espèce. Mais cette décision a été l’occasion d’importantes précisions sur le point de savoir si nous étions, en ce domaine, au stade d’un acte préparatoire ou non (et si la négative l’emportait, de savoir si la Société nationale d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA) pouvait ainsi être transférée par décision de la Première Ministre ou dudit CIAT… ou pas.

La réponse du Conseil d’Etat, pour la SEITA, fut aussi tranchée que logique (et, à quelques mois des législatives, politiquement néfaste pour le Gouvernement, même si ce dernier avait entre temps changé de tête, au profit de Pierre Bérégovoy) :

« Considérant que si le ministre du budget soutient que le décret susvisé du 19 novembre 1960 ne donne compétence au comité interministériel pour l’aménagement du territoire que pour préparer les décisions du gouvernement en matière d’aménagement du territoire, il ressort des pièces du dossier et notamment tant du compte rendu du comité interministériel qui s’est tenu le 7 novembre 1991 que du communiqué publié par le Premier ministre, que celui-ci, à l’issue de ce comité interministériel, a bien entendu décider le transfert de la Société d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes à Angoulême ; que si le Premier ministre a prévu d’arrêter ultérieurement le calendrier du transfert de cette société, il n’a pas entendu subordonner la réalisation effective de ce transfert à l’intervention d’une autre décision ; que le ministre chargé du budget a, au contraire, immédiatement donné instruction au président-directeur général de la société de prendre les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de la décision de transfert ; qu’ainsi, la décision du Premier ministre prise lors de la réunion du comité interministériel qui s’est tenue le 7 novembre 1991 et rendue publique par un communiqué du même jour ne constituait pas une simple mesure préparatoire mais avait le caractère d’une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre du budget doit être écartée ; »
Conseil d’Etat, Assemblée, du 3 mars 1993, 132993, publié au recueil Lebon

Il faut dire que la Première Ministre (dont le sens de la nuance était bien méconnu) et ses services avaient eu l’imprudence de commencer le communiqué de presse par la formule « Sont arrêtées »… Difficile de faire moins décisoire. Ou comment carboniser sa décision de transfert de la SEITA en deux mots.

 

 

 

II.B. Les subtiles distinctions du Conseil d’Etat opérées en 2021, concernant le Garde des Sceaux

 

En 2021, le Conseil d’Etat a poursuivi avec une distinction subtile, mais logique. Il a en effet posé que :

  • la décision du Garde des sceaux de saisir l’inspection générale de la justice d’une enquête sur le comportement de certains magistrats n’est pas susceptible de recours.
    Sources antérieures, et dans le même sens : CE, Section, 25 février 2005, Syndicat de la magistrature, n° 265482, rec. p. 80. Voir aussi CE, Section, 23 mars 2018, Syndicat Force ouvrière Magistrats et autres, n°s 406066 et autres, rec. p. 75.
  • contrairement au communiqué de presse rendant publiques cette saisine et l’appréciation selon laquelle les magistrats nommément désignés sont susceptibles d’avoir commis des « manquements au devoir de diligence, de rigueur et de loyauté », qui est de nature à produire des effets notables pour les intéressés (l’on retrouve la notion d’acte de droit souple précitée).

Source : Conseil d’État, 15 décembre 2021, n° 444759, à mentionner aux tables du recueil Lebon

 

II.C. Un mode d’emploi affiné en 2022 (annonces covidiennes du Ministre de la Culture)

 

En 2022 le Conseil d’Etat a repris, voire affiné, ce  mode d’emploi pour un autre communiqué de presse, concernant cette fois la pandémie covidienne qui avait été riche en décisions administratives prises, ou au moins prises en premier lieu, par communiqués de presse.

Par un communiqué de presse du 18 février 2021, la ministre de la culture avait annoncé « le cadre dans lequel pourront se tenir les festivals en 2021 ».

Il s’agissait, après l’annulation des festivals de l’année 2020, de « donner de la visibilité » aux organisateurs qui devaient « en ce début d’année, décider de la tenue et du format de leur édition 2021 » malgré les « incertitudes » liées à la pandémie de Covid 19.

Un cadre sanitaire, des jauges, etc. étaient annoncés, détaillés, sans attendre les textes.

On peut brocarder aisément cette méthode. On peut aussi la louer en ce qu’elle donnait aux acteurs de terrain des informations aussi vite que possible, quitte à avoir un peu d’avance sur les textes dès qu’on en connaissait la future teneur.

Toujours est-il que cela a donné prise à recours. Ce qui en soit déjà peut donner matière à réflexion… Mais passons.

Sans immense surprise, le Conseil d’Etat a posé, en termes de recevabilité, pour citer le résumé de la base Ariane qui préfigure celui des tables du rec., que :

« Si, en principe, l’annonce publique de l’intention du Gouvernement d’édicter un acte réglementaire ne constitue pas en elle-même un acte susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, il en va différemment lorsque cette annonce a pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent pour leur permettre de se préparer au futur cadre juridique auquel elles seront soumises. »

On retrouve le mode d’emploi normal de ces actes de droit souple, de l’arrêt Gisti notamment, précité.

Bien évidement, sur le fond, les associations Hellfest et autres furent renvoyées aux enfers des recours carbonisés. Leurs mânes peuvent cependant encore se deviner à la lecture de cette décision :

 

 

II.D. Application aux annonces du Président de la République, en 2022, s’agissant du nucléaire (décision du Conseil d’Etat du 9 août 2023)

 

A l’occasion d’un déplacement dans le Territoire de Belfort, le 10 février 2022, le Président de la République a prononcé un discours intitulé « Reprendre en main notre destin énergétique ! », retranscrit sur le site internet du Gouvernement, par lequel a été annoncé l’engagement de deux « chantiers » :

  • le premier portant sur une réduction de la consommation d’énergie,
  • le second tendant à favoriser une production d’électricité davantage décarbonée, afin de diminuer la consommation d’énergie fossile.

 

Dans les passages contestés de son discours, le Président de la République a annoncé avoir :

« pris deux décisions fortes. La première est de prolonger tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l’être sans rien céder sur la sûreté. (…) S’il est nécessaire d’être prudent sur la capacité à prolonger nos réacteurs, je souhaite qu’aucun réacteur nucléaire en état de produire ne soit fermé à l’avenir compte tenu de la hausse très importante de nos besoins électriques ; sauf, évidemment, si des raisons de sûreté s’imposaient. Si les premières prolongations au-delà de quarante ans ont pu être effectuées avec succès depuis 2017, je demande à EDF d’étudier les conditions de prolongation au-delà de cinquante ans, en lien avec l’autorité de sûreté nucléaire (…). La seconde (…) : lancer dès aujourd’hui un programme de nouveaux réacteurs nucléaires. (…) Je souhaite que six [nouveaux réacteurs de type] EPR2 soient construits et que nous lancions les études sur la construction de huit EPR 2 additionnels. (…) nous allons engager dès les semaines à venir les chantiers préparatoires : finalisation des études de conception, saisine de la Commission nationale du débat public, définition des lieux d’implantation des trois paires [de réacteurs], montée en charge de la filière. Une large concertation du public aura lieu au second semestre 2022 sur l’énergie, puis des discussions parlementaires se tiendront en 2023 pour réviser la programmation pluriannuelle de l’énergie. Nous visons le début du chantier à l’horizon 2028, pour une mise en service du premier réacteur à l’horizon 2035 ».

D’où une possible ambiguïté sur le point de savoir si cette communication formait, ou non, un acte attaquable (et dans l’affirmative, si le Président de la République avait ou non la compétence pour de pareilles décisions).

En effet :

  • d’un côté, le Président de la République a parlé de « chantiers » ce qui annonçait donc que sa décision n’était que le lancement de ces procédures (ce qui annonce donc une mesure préparatoire), et ce d’autant que dans son discours E. Macron avait bien rappelé les étapes à venir
  • d’un autre il était bien question de « décisions »… mais comme lancer un AAPC ou délibérer sur un projet de périmètre sont des décisions… sans n’être rien de plus que des mesures préparatoires.

 

L’association Greenpeace France a demandé l’annulation pour excès de pouvoir de certaines déclarations prononcées à l’occasion de ce discours.

Sans grande surprise, le Conseil d’Etat a estimé qu’il ne s’agissait que d’une mesure préparatoire, d’autant que le Président de la République avait lui-même rappelé les étapes décisoires à venir (il s’agit donc juste de la décision de lancer ces chantiers, et donc d’entamer des procédures qui, elles, vont conduire à des actes attaquables) :

« 3. Si, par ces annonces politiques, le Président de la République a manifesté le souhait de voir prolonger la durée de fonctionnement de certaines centrales existantes et de voir réaliser un programme de construction de nouveaux réacteurs, la mise en oeuvre de ces intentions reste conditionnée à l’adoption de plusieurs mesures et au respect de procédures, que le Président de la République a au demeurant lui-même rappelées. Seules les décisions à venir, prises conformément aux dispositions législatives et réglementaires applicables, seront susceptibles de faire l’objet de recours contentieux. En particulier, la création d’une installation nucléaire de base nécessite une autorisation accordée par décret, dans les conditions définies aux articles L. 593-7 et suivants et R. 593-14 et suivants du code de l’environnement, tandis que la prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires existants est soumise, conformément aux articles L. 593-14 et suivants du même code, à la procédure de réexamen périodique et peut donner lieu à des prescriptions supplémentaires. Il résulte en outre des dispositions de l’article L. 593-19 du même code que les dispositions proposées par l’exploitant lors des réexamens au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement d’un réacteur électronucléaire sont soumises, après enquête publique, à une nouvelle autorisation de l’Autorité de sûreté nucléaire, sans préjudice d’une nouvelle autorisation en cas de modification substantielle.

« 4. Il résulte de tout ce qui précède que les annonces du Président de la République contestées par la présente requête ne révèlent pas l’existence d’un acte susceptible d’être attaqué par la voie du recours pour excès de pouvoir. Il suit de là que la requête est irrecevable et qu’elle doit, dès lors, être rejetée. »

Source :

Conseil d’État, 9 août 2023, n° 462777

 

Source : centrale nucléaire de Doel, près d’Anvers (B) – crédits photographiques Nicolas HIPPERT (sur Unsplash)

II.5. La décision « associations  » Les Patriotes  » et  » VIA La Voix du Peuple  » » du 19 avril 2024… où de l’importance de ne pas attaquer, trop tôt, des décisions pour l’instant encore trop floues. Sauf à prendre une pose de chien de chasse mais à finir, pour la postérité, en Ran-Tan-Plan.

 

Finissons par un bêtisier.

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2024, les associations  » Les Patriotes  » et  » VIA La Voix du Peuple  » ont déposé un référé liberté pour «  suspendre l’exécution de la décision […] du ministère de l’intérieur […] de déployer, à partir du 10 mai 2024, une plate-forme permettant de s’enregistrer en vue d’accéder à certains secteurs de Paris à compter de la semaine précédant le 26 juillet 2024, date de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques ».

De fait, ladite annonce en ce sens soulève d’intéressants débats en termes de libertés publiques, au moins à ce niveau de périmètre.

Ladite décision ministérielle était « révélée » selon ces requérantes « par différentes interviews ».

Sauf que les interviews étaient floues.

Sauf erreur de notre part, l’interview principale et la plus précise était celle-ci :

De fait, cette interview est au futur, pas au conditionnel, avec des éléments précis, sans annonce claire qu’il y aura un acte administratif ensuite (mais il est certain qu’il allait y en avoir un, l’illégalité serait certaine sinon).

Mais bon vraiment on restait quand même dans l’annonce claire d’un dispositif futur, à venir.

Aussi était-il à tout le moins prématuré de s’exposer au double ridicule d’attaquer trop tôt, surtout en référé liberté, tant sur l’existence d’un acte à attaquer… que sur l’urgence qui n’était pas, à trois semaine de l’ouverture de la plate-forme, matérialisée. Bref, le chien de chasse à l’arrêt fait figure de Ran-Tan-Plan quand il reçoit l’ordonnance ainsi rédigée :

« à la date de la présente ordonnance, cette annonce n’a donné lieu à l’intervention d’aucun acte administratif définissant les modalités selon lesquelles une telle plate-forme sera mise en oeuvre. En outre, à supposer même qu’une décision de principe ait été prise, la condition d’urgence particulière à laquelle est subordonné l’usage par le juge des référés des pouvoirs qu’il tient des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, et qui justifie que soit ordonnée à très bref délai une mesure de sauvegarde d’une liberté fondamentale, ne saurait être regardée en l’espèce comme remplie.
« 
3. La requête des associations  » Les Patriotes  » et  » VIA La Voix du Peuple  » doit, par suite, être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l’article L. 522-3 de ce code.»

Ouaf ouaf.

Source :

Conseil d’État, 18 avril 2024, n° 493483

Photo de Karsten Winegeart sur Unsplash

 

III. Voici une vidéo à ce sujet (à jour de décembre 2023, et qui donc n’est en rien obsolète)

 

Voir aussi cette vidéo de 11 mn 09, à jour de décembre 2023, et qui s’avère donc tout à fait à jour (la décision postérieure citée au sein de l’article ci-avant étant confirmative) :

https://youtu.be/nw7cB8FOY6s