Depuis la loi NOTRe, un débat fait rage (enfin dans notre petit milieu des juristes …) sur le fait de savoir si les communautés compétentes en matière d’assainissement collectif sont compétentes en matière d’eaux pluviales (rappelons qu’elles auront cette compétence en compétence obligatoire au 1/1/2020 au plus tard … certains la récupérant bien avant soit à l’occasion d’une fusion ou en raison d’une compétence partielle qui serait déjà exercée). A coup de décisions et prises de position du gouvernement on commence à y voir plus clair (encore que …)
Un peu d’histoire …
La loi Grenelle 2 avait rattaché la compétence “eaux pluviales” aux communautés d’agglomération lorsque ces dernières exerçaient la compétence “assainissement collectif”. En effet, l’article L.5215-5 du CGCT disposait désormais qu’au titre des compétences optionnelles la communauté pouvait exercer la compétence :
[…] 2° Assainissement des eaux usées et, si des mesures doivent être prises pour assurer la maîtrise de l’écoulement des eaux pluviales ou des pollutions apportées au milieu par le rejet des eaux pluviales, la collecte et le stockage de ces eaux ainsi que le traitement de ces pollutions dans les zones délimitées par la communauté en application des 3° et 4° de l’article L. 2224-10 ; […]
Alors qu’auparavant la compétence s’intitulait sobrement “assainissement”. La loi prévoyait même pour les communautés d’agglomération un délai de mise en conformité au 1/1/2015.
Toutefois la compétence des communautés de communes demeurait inchangée (elle ne mentionnait pas l’existence d’une compétence assainissement assortie des eaux pluviales).
Rappelons enfin qu’au titre des eaux pluviales on devrait mentionner plutôt les “eaux pluviales urbaines” puisque telle est la compétence des communes (et en raison du principe de spécialité les compétences communautaires découlent nécessairement des compétences des communes) et du zonage mentionné à l’article L.2224-10 du CGCT.
La loi NOTRe
Hélas les lois MAPTAM et NOTRe ont modifié différents textes. La loi précise bien que la compétence eaux pluviales des communes est sur les eaux pluviales urbaines (article L.2226-1 CGCT (voir également le décret N°2015-1039) et qu’il s’agit d’un service public administratif :
” La gestion des eaux pluviales urbaines correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, dénommé service public de gestion des eaux pluviales urbaine”
La nature de service public administratif confirme sa séparation juridique du service public industriel et commercial d’assainissement collectif. Pour autant — au moins en réseau unitaire les deux sont techniquement liés.
Mais la loi NOTRe est revenue sur la rédaction de l’article L.5216-5 du CGCT en réécrivant la compétence assainissement en revenant sur sa sobre rédaction antérieure : “assainissement”.
Dès lors lors communautés étaient-elles compétentes en matière d’eaux pluviales ?
Certains auteurs considéraient que les eaux pluviales étaient implicitement liées à l’assainissement et donc étaient bien dans le giron de la communauté (on reviendra sur ce point).
D’autres auteurs considéraient que les eaux pluviales seront dans le giron des communautés via la fameuse compétence GEMAPI qui sera communautaire finalement au 1/1/2018 : sur ce point nous émettons des doutes puisque l’on parle bien ici des eaux pluviales urbaines (liées à l’imperméabilisation artificielle des sols liées à l’urbanisation) alors que la GEMAPI a plus un lien avec l’état du milieu récepteur naturel même si reconnaissons le la main de l’homme peut être en cause (imperméabilisation liée à certaines activités agricoles par exemple qui modifient la topographie).
Enfin on pouvait aussi considérer que la suppression de la mention était une volonté de sortir du transfert obligatoire les eaux pluviales.
Les communautés auront au minimum un “bout de la compétence” mais probablement l’ensemble des eaux pluviales urbaines
Le juge administratif avait déjà tranché un aspect en considérant que dès lors qu’une communauté gérait un service d’assainissement unifié, elle était de fait compétente en matière d’eaux pluviales sur le réseau unitaire. Pour une fois le pragmatisme l’avait emporté : une communauté compétente sur un réseau d’assassinissement unitaire était de fait compétente en matière d’eau pluviales en réseau unitaire du fait que les ouvrages étaient identiques. Mais de fait l’EPCI gérait alors dans un même ouvrage deux services distincts : l’assainissement collectif (SPIC) et les eaux pluviales (SPA) ce qui suppose aussi des flux financiers adaptés puisque les usagers du SPIC ne peuvent supporter que les charges du service qui leur est rendu (v. par exemple CAA Lyon, Communauté d’agglomération Vichy Val d’Allier, 21 novembre 2013, n° 10LY01322 ; TA Rouen, 9 juin 2015, CAPE, 1303101-4).
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du II de l’article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : ” (…) II. – La communauté d’agglomération doit (…) exercer au lieu et place des communes au moins trois compétences parmi les (…) suivantes : / (…) 2° Assainissement (…) ” ; qu’aux termes de l’article L. 2224-7 du même code : ” Tout service chargé en tout ou partie de la collecte, du transport ou de l’épuration des eaux usées constitue un service d’assainissement ” ; qu’il résulte de ces dispositions que le transfert à une communauté d’agglomération de la compétence optionnelle de l’assainissement ne porte que sur la collecte, le transport et l’épuration des eaux usées, sauf lorsque le réseau faisant l’objet de ce transfert reçoit, en mélange, les eaux usées, les eaux pluviales et les rejets urbains de temps de pluie, auquel cas l’assainissement des eaux usées présente un caractère indissociable de celui des eaux pluviales et de ruissellement ;
Mais quid des réseaux en séparatif ? on pourrait en débattre.
Le député Damien Abad a ainsi interpellé sur cette question le ministère, ce dernier considère (QE AN n°86284, JOAN 29/12/2015 p. 10744), le Ministère a considéré que :
L’article 64 de la loi no 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), attribue, à titre obligatoire, les compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes à compter du 1er janvier 2020. Avant cette date, les compétences « eau » et « assainissement » demeurent facultatives jusqu’au 1er janvier 2018, puis deviendront optionnelles entre 2018 et 2020. S’agissant de la gestion des eaux pluviales, le Conseil d’Etat l’assimile à un service public relevant de la compétence assainissement, pour un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) exerçant de plein droit les compétences « assainissement » et « eau » (décision no 349614 du 4 décembre 2013). Par conséquent, le transfert, à titre obligatoire, de la compétence « assainissement » aux communautés de communes entraînera également celui de la gestion des eaux pluviales à compter du 1er janvier 2020.
L’Etat a donc arrêté sa position sur ce principe, la compétence est donc pour lui transférée. Reste que de nombreuses incertitudes demeurent : la compétence couvre-t’elle toutes les eaux pluviales ? seulement les eaux pluviales urbaines : à notre sens cette seconde interprétation nous semble préférable puisque les communes ont une compétence limitée.
Quid en cas par ailleurs de réseau séparatif ? la position du gouvernement semble claire. Mais si elle est liée à la compétence assainissement quid en secteur où les eaux pluviales pourraient être collectées mais sans réseau d’assainissement collectif (rappelons que la compétence assainissement couvre le contrôle de l’assainissement non collectif) la sécurité voudrait qu’on adopte probablement une vision extensive : si les eaux pluviales doivent être collectées en raison de l’urbanisation créant une imperméabilisation des sols, elle relève probablement de la compétence de la communauté.
(Référence complète de la décision citée du Conseil d’Etat : CE, 4/12/2013, CU Marseille Provence Métropole, n°349614).
Simplifions nous la vie … et clarifions le droit
En réalité on peut constater qu’au final la législation reste complexe et incertaine alors qu’il y a une finalité clairement affichée de la part de l’Etat de mettre les communautés en position pivot de l’ensemble du cycle de l’eau : l’eau potable, l’assainissement collectif et non collectif, la GEMAPI et a priori les eaux pluviales (quitte ensuite à confier certaines parties du cycle ou son intégralité à un syndicat mixte).
Or ces incertitudes ne sont pas sans incidence, on signalera entre autres :
- l’absence de précision sur les contours des eaux pluviales a pour effet de rendre complexe l’identification du transfert de compétence à la communauté : son contour et donc aussi bien l’amplitude du transfert à opérer, que le calcul des transferts de charge,
- Mais aussi en cascade si la compétence est transférée ou non a un syndicat mixte ? ey si oui lequel : celui compétent en matière de GEMAPI ou d’assainissement (a l’évidence plus cette dernière … mais où se termine la compétence sur les eaux pluviales urbaines, où commencent les eaux pluviales non urbaines et où commence la GEMAPI ?) et donc là encore les flux financiers qui s’y rattachent.
Il serait donc peut être urgent de clarifier l’ensemble du cycle de l’eau et son découpage juridique et technique … même si ces imprécisions ont au moins un mérite : faire travailler et occuper les juristes.
ACTUALISATION SEPTEMBRE 2016 : Depuis la publication du billet la position officielle de l’Etat (dans le même sens que la question écrite citée ci-dessus) a été confirmée par cette circulaire.
Yann Landot