La procédure d’expropriation pour risques majeurs ne peut être engagée que sur un risque naturel

La procédure d’expropriation pour risques majeurs est prévue par l’article L.561-1 du Code de l’environnement. Cet article dispose ainsi que :

Sans préjudice des dispositions prévues au 5° de l’article L. 2212-2 et à l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, lorsqu’un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d’affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d’avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines, l’Etat peut déclarer d’utilité publique l’expropriation par lui-même, les communes ou leurs groupements, des biens exposés à ce risque, dans les conditions prévues par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s’avèrent plus coûteux que les indemnités d’expropriation.

Ces dispositions ne s’appliquent pas aux cavités souterraines d’origine naturelle ou humaine résultant de l’exploitation passée ou en cours d’une mine.

La procédure prévue par les articles L. 521-1 à L. 521-8 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est applicable lorsque l’extrême urgence rend nécessaire l’exécution immédiate de mesures de sauvegarde.

Toutefois, pour la détermination du montant des indemnités qui doit permettre le remplacement des biens expropriés, il n’est pas tenu compte de l’existence du risque. Les indemnités perçues en application du quatrième alinéa de l’article L. 125-2 du code des assurances viennent en déduction des indemnités d’expropriation, lorsque les travaux de réparation liés au sinistre n’ont pas été réalisés et la valeur du bien a été estimée sans tenir compte des dommages subis.

Comme le relève la CAA de Bordeaux, cet article vise expressément des risques ayant une origine naturelle.

Confronté à une affaire où le Préfet avait refusé d’adopter une telle expropriation suite a un effondrement, le juge a considéré que l’expropriation était illégale dans la mesure où le fait générateur dudit effondrement relevait d’une activité humaine (et non d’un événement naturel seul).

Plus précisément, suite à un forage profond d’un puit d’arrosage domestique sur une parcelle privée, il y eut un effondrement sur 1km2 (provoquant au demeurant la mort d’une personne). L’évènement était donc en lui-même assez conséquent.

Un propriétaire voisin avait demandé au Préfet à être exproprié pour risques majeurs, et donc indemnisé. Le préfet avait rejeté sa demande (rejet attaqué devant le Tribunal administratif puis en appel).

Se fondant sur les travaux parlementaires — mais le texte est déjà en lui-même assez clair — le juge à hauteur d’appel a confirmé la décision du tribunal administratif et considéré que l’expropriation pour risques majeurs pouvait seulement être mise en œuvre lorsque la “menace est exclusivement imputable aux éléments naturels”. En l’espèce bien qu’il y ait donc eu un enchainement de circonstances, le fait générateur principal de l’effondrement n’était pas lié aux cavités naturelles mais à l’activité humaine :

4. En l’espèce, il ressort des expertises versées au débat que l’effondrement qui a affecté la propriété de Mme S== D== a été occasionné par les travaux de forage réalisés sur un terrain voisin de la parcelle dont elle est propriétaire. L’expertise réalisée par M. Guitard précise que la méthode de forage choisie, à savoir l’injection d’un fluide sans tubage, n’était pas adaptée à ce terrain karstique, en raison des vides, fissures et cavités existants par lesquels le fluide d’injection peut s’échapper, ce qui risque de provoquer des éboulements, surtout en présence d’une nappe d’eau. Et l’expertise de M. Lacroix du 15 janvier 2008 indique que « c’est l’approfondissement du forage à 37 mètres qui a déclenché le sinistre (…) constaté ». Il n’est donc pas établi que ce serait la présence de cavités naturelles en profondeur sur le site qui aurait été le seul élément déterminant du dommage, lequel ne peut donc être regardé comme exclusivement imputable à des éléments naturels. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement refuser de faire droit à la demande d’expropriation formulée par Mme S== D== sans méconnaître les dispositions précitées de l’article L. 561-1 du code de l’environnement.

Il convient de relever si l’on s’arrête à ce seul “considérant” une légère ambiguïté : après avoir cherché si la cause naturelle a été déterminante dans l’évènement, la CAA évoque l’absence d’un élémentexclusivement imputable à des éléments naturels”. La nuance entre déterminant ou exclusif n’est pas neutre :

  • Soit on considère que la cause naturelle doit être déterminante (mais pas exclusive) et alors l’expropriation serait légale dès lors que les éléments non naturels n’ont pas eu de rôle majeur dans l’évènement (mais pu l’aggraver par exemple)
  • Soit on considère que l’élément naturel doit être la cause exclusive de l’évènement et alors la présence d’éléments non naturels viendraient exclure la possibilité de recourir à cette procédure.

Compte tenu de la formulation du L.561-1, des débats parlementaires relevés par le juge lui-même, on doit retenir la seconde lecture, plus restrictive, le juge rappelant :

Il résulte des travaux préparatoires de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement ayant créé l’expropriation des biens exposés à des risques naturels que le recours à cette procédure est une simple faculté offerte à l’État, dont l’opportunité s’apprécie au regard du coût de la mesure d’acquisition par rapport à la mise en œuvre d’autres moyens de protection, en cas de menace grave pour les vies humaines « exclusivement imputable aux éléments naturels ».

source : CAA Bordeaux, 15 décembre 2016, Mme D., n° 15BX01289, C+ >

 

Voir aussi sur ce même arrêt :

Risques naturels majeurs : l’expropriation n’est que facultative (et ne s’applique que si le risque est à 100 % naturel sans intervention humaine)