Dans la pratique professionnelle, cela s’appelle une « procédure bâillon » : cette tactique consiste à attaquer presque systématiquement pour diffamation (voire injure) tout auteur, souvent universitaire, qui porte des jugements négatifs au points de porter atteinte à l’honneur ou à la considération dans un article ou un ouvrage.
Oui, mais l’heure est plutôt à la défense de la liberté d’expression surtout quand elle est dans des enceintes dédiées à cet effet comme le monde politique, le monde syndical ou… justement, le monde des idées, à commencer par le monde universitaire.
Voir sur ces points : CEDH, 7 septembre 2017, Req. 41519/12 (voir ici) pour le débat municipal ; CEDH, 23 avril 2015, Req. n° 29369/10 pour le débat juridictionnel ; CEDH, 14 mars 2013, Req. 26118/10 pour le débat politique et la nécessité d’une possibilité de satyre en ce domaine ; voir aussi pour le juge national : Cass. crim., 10 mai 2005, n° 04-84.705, F-P+F N° Lexbase : A4316DIP ; Cass. crim., 9 décembre 2014, n° 13-85.401, F-P+B N° Lexbase : A5891M7C ; pour un cas clair, CA Montpellier, 5 janvier 2012, n° 10/01621 ; voir cependant sur un même traitement quel que soit le cadre d’intervention : Cass. crim., 9 octobre 1984, Bull. crim. 1984, n° 294 et Cass. crim., 16 décembre 1986, Bull. crim. 1986, n° 374).
Conclusion : le juge vient de trancher ce noeud gordien en mettant fin à la menace du baillon.
En l’espèce, un enseignant-chercheur écrivait un article une décision de Justice dans un article au titre accrocheur (et semble-t-il justifié) : « Trafic de déchets dangereux : quand les dépollueurs se font pollueurs ».
La société concernée attaque pour diffamation. Et, par un jugement du 13 janvier 2017, le tribunal avait débouté la société et ses dirigeants, en reconnaissant l’excuse de la bonne foi à cet enseignant chercheur, avec dommages et intérêts à verser à l’auteur de l’article et à la revue juridique qui l’avait publié.
La société Chimirec a fait appel de cette condamnation civile, brandissant le fait qu’elle avait entre temps été partiellement relaxée au pénal.
Et vint la CA de Paris qui, par un arrêt en date du 28 septembre 2017, pose que :
« dès lors que sont ni établies, ni même évoquées, une animosité personnelle de l’auteur – à l’égard de Chimirec et de ses dirigeants – ou l’existence de propos étrangers à la question de droit traitée, le seul fait d’examiner le caractère diffamatoire d’un article tel que celui rédigé par Laurent Neyret est une atteinte à sa liberté d’expression “.» [… l’analyse du commentateur de décision juridictionnelle n’ayant …] « pas pour objet d’être seulement didactique mais [aussi de] nourrir le débat sur les orientations de la jurisprudence, qu’il s’agisse d’y adhérer ou de proposer des évolutions souhaitées “.
Source : CA Paris, 28 septembre 2017, n° 17/00854 (devrait être accessible sur légifrance dans les jours à venir).
Cet arrêt a déjà été amplement commenté depuis deux jours. Voir notamment l’article de Mme Sabrina Lavric au Dalloz en ligne et l’article du Monde daté de ce jour.
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