Ceux qui lèvent la TEOM ont été marqués en 2014 par la fameuse « jurisprudence Auchan ». Il en résulta un séisme de forte magnitude pour les services en charge des ordures ménagères (et autres déchets non dangereux)… et en réalité pour bien d’autres services (eau et assainissement par exemple). Et ce séisme ne cesse de donner lieu à des mini-répliques de plus ou moins fortes ampleur. A preuve : par 23 jugements du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon confirme sa position habituelle sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Contrairement à ce que quelques optimistes excessifs avaient pu croire (nous ne citerons personne), non les lois de finances de la fin de 2015 n’ont pas tout réglé. Loin s’en faut.
I. un problème réglé : celui de la RS
Nombre d’acteurs ont interprété cet arrêt comme étant le rappel qu’il fallait instaurer la « redevance spéciale » (RS) en sus de la TEOM… En effet, le Conseil d’Etat a précisé (CE, 31 mars 2014, Auchan, n°368111) que :
« la taxe d’enlèvement des ordures ménagères n’a pas pour objet de financer l’élimination des déchets non ménagers, alors même que la redevance spéciale n’aurait pas été instituée »
et que
« l’instauration de la redevance spéciale est obligatoire en l’absence de redevance d’enlèvement des ordures ménagères, »
Et tous de célébrer — légitimement — la fin de la RS obligatoire avec les lois de finances adoptées fin 2015.
Voir :
Quel avenir pour la redevance spéciale ?
Mais cela n’éteignait pas les difficultés pour les collectivités.
II. un problème non réglé : celui de l’interdiction d’avoir un budget excédentaire en OM… voire pour d’autres services
IIA. un principe strict même pour de faibles dépassements
C’était faire fi trop vite de l’autre apport, plus important en fait, et toujours valable, de cette jurisprudence « Auchan » : le juge exerce un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur l’équilibre du budget. Il estime, au moins implicitement, que la TEOM est une ressource dédiée et affectée aux OM et qu’il est interdit d’avoir une TEOM trop excédentaire. Et si la notion de contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation devrait laisser une certaine latitude… dans l’affaire « Auchan » concernant Lille Métropole, le juge a censuré un excédent… de 2,5 % du budget ! Soit un niveau correspondant à une marge de sécurité.
Voir sur ce point :
1/ notre article en date du 17 août 2017
2/ et ce jugement qui était alors commenté dans cet article de 2016, concernant cette fois le Grand Lyon… où un excédent de 15,5 % avait été considéré par le juge comme étant « manifestement disproportionné ». Voici ce jugement :
Et voici la conclusion que nous en tirions à l’été 2016 au risque d’avoir l’indélicatesse nombrilisme de se citer soi-même :
Si vous avez une TEOM excédentaire, améliorez votre comptabilité analytique pour bien y rattacher des charges très indirectes, afin d’avoir une ligne de défense. Et commencez à doucement baisser la TEOM quitte à augmenter les autres impôts.. ce qui est politiquement très négatif, nul ne l’ignore. Mais ce sera encore pire si, sous la contrainte du juge, vous avez à le faire… en 2019 par exemple.
IIB. un maintien de cette jurisprudence après les lois de finances adoptées fin 2015
Ces règles de prudence s’avèrent toujours d’actualité comme en témoigne un jugement du TA de Montreuil rendu à la diligence, comme souvent, de la même société Auchan. Voici le résumé fait par ce tribunal de son propre jugement :
« Les collectivités locales doivent fixer un taux de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) qui n’est pas manifestement disproportionné par rapport au montant des dépenses
« La taxe d’enlèvement des ordures ménagères, définie à l’article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, n’a pas pour objet de financer l’élimination des déchets non ménagers, alors même que la redevance spéciale mentionnée à l’article L. 2333-78 du même code n’aurait pas été instituée. Elle n’a pas plus le caractère d’un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères, non couvertes par des recettes non fiscales. Dès lors, son produit et, par voie de conséquence, son taux ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de ces dépenses, tel qu’il peut être estimé à la date du vote de la délibération fixant ce taux.
« Tel n’est pas le cas des taux adoptés par la métropole européenne de Lille au titre des années 2011 et 2012. Le tribunal constate qu’en soustrayant aux produits de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères le coût des seuls déchets ménagers, auquel doivent être déduites les recettes non fiscales, cette métropole a dégagé des excédents représentants, respectivement, 8,83 % et 8,05 % des produits de la taxe. Le tribunal en déduit qu’au titre des deux années en litige, le taux voté par la métropole procédait d’une erreur manifeste d’appréciation et, par voie de conséquence, décharge la société requérante des cotisations de taxe d’enlèvement des ordures ménagères en litige.»
Autant dire qu’un excédent même de précaution sera vite considéré comme excessif par les magistrats… Sic.
Source : TA Montreuil, 18 mai 2017, n°s 1434675 et 1439146, Groupe Auchan SA – un pourvoi en cassation est pendant contre ce jugement :
1434675-1439146
IIC. une confirmation en décembre 2017 avec des censures d’excédents limités et, même, géographiquement partiels, avec un contrôle poussé du juge en termes de comptabilité analytique
La jurisprudence Auchan a fait encore des siennes ensuite : par 23 jugements du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon confirme sa position habituelle sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Mais avec des apports aussi intéressants qu’inquiétants :
- le juge a poussé très loin ses exigences de comptabilité analytique pour requalifier un déficit en excédent
- il n’a pas censuré, mais il a tenu compte, d’un excédent par zone (mais si le juge s’aventure à aller encore plus loin dans cette voie faudra-t-il faire des TEOM zonées ? le juge n’est pas, pas encore, allé aussi loin et gageons qu’il n’ira pas plus loin en ce domaine)
Voir TA Lyon, 4 décembre 2017, n°1506949 et 1605089, N° 1507006 et 1507008, n°1507046, n°1507047, etc.
Jugements TEOM
Misère des poubelles et de leur financement sans même la possibilité d’une marge financière de sécurité…
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.