Quand la jurisprudence Danthony s’invite dans une procédure d’enquête publique…

Le désormais célèbre arrêt Danthony continue de faire parler de lui…Rappelons que selon cette décision du Conseil d’Etat rendue en 2011, tout vice de forme ou de procédure  n’entraîne pas nécessairement l’illégalité de la décision adoptée par l’administration :

« Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie » (CE, Assemblée, 23 décembre 2011, Danthony, req. n° 335033 ; dans le même sens, voir : CE, 17 février 2012, Société CHIESI SA, req. n° 332509).

La Cour administrative d’appel de Bordeaux vient d’appliquer cette jurisprudence lors d’une procédure d’adoption d’un SCOT par une Communauté de communes. En l’espèce, à l’issue d’une première enquête publique, la Communauté de communes a décidé d’organiser une seconde enquête publique afin de pouvoir apporter des modifications substantielles au projet de SCOT initialement arrêté. Mais cette formalité s’est déroulée sans décision préalable de l’organe délibérant et sans qu’une nouvelle consultation des personnes publiques associées et des communes membres ait lieu, contrairement à ce que prévoient les dispositions du Code de l’environnement et du Code de l’urbanisme.

Aux yeux de la Cour, de telles omissions ne sont pas suffisantes pour entacher le SCOT d’irrégularité :

“En premier lieu, à l’issue de la première enquête publique qui s’est déroulée du 29 juillet 2013 au 6 septembre 2013, une enquête complémentaire a été organisée sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 123-14 du code de l’environnement pour apporter au projet de schéma de cohérence territoriale des changements qui en modifient l’économie générale. Il est vrai que l’organisation de cette seconde enquête publique n’a pas été précédée d’une délibération du conseil communautaire qui, dès lors, ne s’est pas prononcé sur la mise en œuvre de la possibilité ouverte par les dispositions de l’article L. 123-14 du code de l’environnement de modifier l’économie générale du projet alors qu’il était seul compétent pour arrêter le projet de schéma et, par suite pour y apporter des modifications affectant son économie générale, avant de le soumettre à enquête publique. Toutefois, à l’issue de cette seconde enquête, le conseil communautaire a approuvé, à l’unanimité des votants, le schéma de cohérence territoriale tel qu’il avait été initialement arrêté par le conseil le 6 décembre 2012, modifié par les compléments apportés par le dossier soumis à la seconde enquête publique. Dans ces conditions, l’omission de l’arrêt par le conseil communautaire des modifications à apporter au projet de schéma de cohérence territoriale après la première enquête publique, qui n’a pas pour effet d’affecter la compétence des auteurs de la délibération d’approbation de ce schéma, n’a ni privé les membres du conseil communautaire d’une garantie ni été de nature à exercer en l’espèce une influence sur le sens de la décision prise. Le dossier d’enquête publique comportait une note de présentation de 59 pages qui présentait suffisamment les modifications apportées par rapport au projet initial. Dans ces conditions la population susceptible de participer à l’enquête publique n’a pas non plus été privée d’une garantie. Enfin, si la SEPANSO Landes soutient qu’il a été porté atteinte à la garantie que comporte l’arrêt du projet par le conseil communautaire dès lors que les communes membres n’ont, dès lors, pas pu être consultées, la seule circonstance que le projet modifié n’ait pas été arrêté par le conseil communautaire ne faisait pas en elle-même obstacle à ce que les communes membres soient consultées avant la seconde enquête publique. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l’article L. 122-8 du code de l’urbanisme relatives à la compétence du conseil communautaire pour arrêter le projet de schéma de cohérence territoriale doit être écarté.
18. En second lieu, il est constant que la procédure consultative à l’égard des personnes publiques associées, et des communes membres de la communauté de communes, prévue par l’article L. 123-8 du code de l’urbanisme, n’a pas été mise en œuvre. D’une part, les modifications apportées au projet initial de schéma à l’issue de la première enquête ont justement pour objet de répondre aux interrogations et aux insuffisances pointées par les personnes publiques associées dans leurs avis sur la version initiale. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n’est même allégué, que ces modifications soient insuffisantes pour répondre à ces avis. Dans ces conditions, l’absence de consultation des personnes publique associées n’a pu, en l’espèce, les priver d’une garantie, ni avoir une influence sur le sens de la décision prise par les auteurs du schéma de cohérence territoriale qui ne sont pas liés par la teneur des avis de ces personnes publiques associées. D’autre part, si l’article L. 122-9 du même code ouvre la possibilité aux communes consultées qui estiment que l’un de leurs intérêts essentiels est compromis par les dispositions du projet de schéma de saisir le préfet, et en cas d’avis favorable de celui-ci sur les modifications nécessaires à la défense de leurs intérêts non suivi d’effets, de se retirer de l’établissement public de coopération intercommunale, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n’est même allégué, que les modifications apportées au projet de schéma de cohérence territoriale après la première enquête publique auraient porté atteinte aux intérêts essentiels des communes membres et qu’ainsi le vice résultant de l’absence de consultation des communes sur ces modifications les aient privées d’une garantie. Il ne ressort pas davantage du dossier ni n’est d’ailleurs allégué que ce vice ait eu, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise par le conseil communautaire, composé de représentants des différentes communes membres. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de l’absence de consultation des personnes publiques associées et des communes membres doit être écarté”.
Certains trouveront cette décision bien indulgente pour la Communauté de communes ; d’autres la trouveront sévère pour les communes membres puisqu’elle considère que leur consultation lors d’une procédure d’élaboration d’un SCOT ne constitue pas forcément une formalité substantielle. A chacun de se faire son opinion…
Ref. : CAA Bordeaux, 19 décembre 2017, Sepanso Landes, req., n° 15BX04019. Pour lire l’arrêt, cliquer ici.