Voici le “rapport Vernier”, solide mais contesté, globalement pro-consigne et défendant que les collectivités n’y perdraient pas

La question de la restauration ou non la consigne (à l’horizon 2022 ?) ne cesse de donner lieu à polémiques et le débat parlementaire sur le projet de loi économie circulaire et gaspillage promet sur ce point d’être animé :

 

Un rapport intéressant de M. J. Vernier relance ce sujet en défendant la consigne, globalement, ce qui peut se concevoir mais reste très débattu, mais aussi en posant que globalement les collectivités ne verraient pas à cette occasion s’envoler leurs dépenses en valorisation matières (en dépit de la perte de ce gisement connu et qui n’est pas le plus difficile à recycler), ce qui sera très débattu par le monde public du traitement des OM…

Rappelons les épisodes précédents (I) avant d’étudier ce rapport Vernier (II).

 

I. Rappel des épisodes précédents

 

Le débat sur la restauration de la consigne pour les bouteilles ne cesse de donner lieu à polémique.

Certains grands acteurs, comme l’AMF ou l’ADCF, ou la FNADE, acceptent le débat après avoir de prime abord pour le moins renâclé, mais en demeurant très inquiets. En fait, leur réticence est peut-être justifiée, soulignent de plus en plus d’acteurs de terrain et d’experts. 

 

Mais d’autres associations, industriels et éco-organismes y voient l’acmé du recyclage puisque :

  • celui-ci accepterait les bouteilles en plastique, ou les canettes, avec extension des consignes de tri et généralisation de la collecte fibreux/non fibreux…Au détriment, certes, des filières actuelles qui sont déjà souvent en sur-capacité… L’objectif est bien sur de mieux recycler ces produits (seulement 57% des bouteilles en plastique sont collectées ! et ce taux varie beaucoup selon les territoires et les modes de collecte. Mais le délégué général d’Amorce a rappelé dans AEF Info que ces bouteilles ne forment qu’une petite partie des déchets (1 % des déchets ménagers…) et ne sont pas les plus difficiles à recycler (et, encore une fois, les unités de valorisation matières des OM sont en général en sur-capacité, déjà…).
  • ce régime serait une vraie extension de la responsabilité élargie des producteurs (REP) au lieu du régime actuel qui fait largement financer par l’impôt local ou l’usager les coûts de valorisation et d’élimination des déchets ménagers et assimilés. Mais cet argument n’aurait de portée que s’il y a une vraie révolution dans le financement des éco-organismes et des filières de valorisation, ce qui ne sera sans doute pas le cas.

 

Voir le site de CITEO :

 

CITEO et de nombreux grands industriels ou acteurs des filières professionnelles de leur côté ont, ce week-end, signé une grande tribune (publiée notamment au JDD et relatée par le Figaro : voir ici et) qui pose que :

  • «La consigne pour le recyclage des emballages de boissons est nécessaire à une économie vraiment circulaire».
  • «Seuls les pays ayant adopté un système de consigne pour recyclage atteignent, voire dépassent, l’objectif de 90% de collecte. En Finlande, 91% des bouteilles en plastique PET consignées sont retournées; 90% au Danemark et 97% en Allemagne. Cette réalité oblige à étudier sérieusement cette solution pour la France».

 

Au nombre des exemples réussis à réutiliser, il semble par exemple qu’il faille compter le remarquable bilan environnemental de la bouteille en verre consigné « 75 cl Alsace », tel que narré dans ce document (qui semble fiable mais qui n’est pas porté par une analyse d’un acteur public) :

 

Mais la FNADE et la fédération FEDEREC ont plutôt exprimé un mélange de prudence et de scepticisme.

 

L’AMF a, quant à elle, renouvelle son appel au dialogue à ce sujet mais sur fond d’inquiétude et de méfiance. Voir :

 

Idem pour l’ADCF qui a la semaine passée aussi fait part de ses préoccupations et de ses inquiétudes sur ce point :

 

Donc, déjà, à la base, le débat était délicat.

→ Ce débat a été vivement relancé en fin de semaine dernière. En effet, un rapport confidentiel de CITEO a été diffusé par Déchets info (accès abonnés). Voir :

 

… dont il ressort :

  • que le coût total de la consigne serait considérable,
  • qu’il offrirait de véritables opportunités pour les metteurs en marché de boissons
  • mais que son impact global environnemental ne serait pas optimal…
  • et que ce projet aurait été pour l’essentiel préparé par les industriels.

 

Nous ne pouvons que conseiller de lire le dernier Déchets infos à ce sujet : ce dossier est passionnant. 

 

De son côté, l’écho circulaire narre le même dossier avec une approche un brin différente, intéressante à analyser. Là encore, nous conseillons vivement la lecture du lien qui suit :

 

Et nombre d’acteurs de vanter les mérites du régime actuel… à la condition de passer réellement à la redevance incitative (RI).

 

Nombre d’acteurs pensent donc que si la consigne est remise en place, une indemnisation des collectivités pour un sur-coût de la valorisation matières (ce qui est souvent vulgarisé en « augmentation du coût du bac jaune« ) serait à prévoir. Pas sûr que le Gouvernement ne l’entende de cette oreille… 

 

NB : sur les raisons pour lesquelles la France a abandonné la consigne au lieu de certains de nos voisins, dans le passé (et a fait le choix d’une compétence de collectivité locale avec une responsabilité seulement partielle et indirecte des producteurs…) voir :

 

 

II. Le rapport Vernier, de septembre 2019, dans ce cadre

 

Jacques Vernier, haut fonctionnaire et ancien maire de terrain, n’est pas n’importe qui et il ne fait pas trop dans le rapport sur mesure de commande.

Son rapport était donc attendu sans être considéré comme une simple formalité, comme un simple habillage.

Ce rapport se range du côté, nettement, des pro-consigne, mais avec quelques conditions :

  • une consigne élevée, à au moins dix centimes… ce qui semble sage ;
  • des points de collecte nombreux (certes…) ;
  • une vraie responsabilité élargie des producteurs (i.e. des vraies sanctions pour les mauvais élèves au sein du monde des producteurs de déchets)

 

Surtout, J. Vernier a voulu apaiser les acteurs publics de la valorisation matières en rappelant, comme il l’a fait à l’AFP, que :

« Du fait de la loi Grenelle I, elles [les collectivités] ne perdront rien : Citeo (l’éco-organisme chargé des déchets d’emballages) doit toujours aux collectivités 80% du coût de traitement + 20% des recettes de vente de la matière. On perdrait 60 millions d’euros de vente de matière (si bouteilles plastique et canettes sont concernées par la consigne), soit 12 millions pour les collectivités : c’est dans l’épaisseur du trait ! Et d’ailleurs l’Etat pourrait décider de les compenser. »

 

Une perte limitée à l’épaisseur du trait ? Ce n’est pas tout à fait ainsi que les acteurs publics vivent le dossier et les négociations vives qui s’annoncent…

Dans la foulée, le MTES a communiqué comme suit :

 

Reste un rapport solide, vif, sans langue de bois, intéressant (exemples européens, exigences si on s’organise en se contentant de réformer l’existant, etc.).

Voici ce rapport dans sa version provisoire au 11/9/19 :

2019.09.12_pre-rapport_de_jacques_vernier-consigne