Mise à jour voir : Un don aux écoles de la commune, médiatisé et pré-électoral, fait par une association présidée par un candidat… est-ce un don prohibé ? Peut-il justifier, en retour, une vive polémique électorale ? [suite et fin]
Juste avant les élections, un don médiatisé d’une association présidée par un candidat aux écoles de la commune…. est-ce un don d’une personne morale à un candidat ? Le candidat adverse peut-il en dernière minute, juste avant les élections, répliquer très vivement ? A ces deux questions, et dans le cas d’une commune de moins de 9000 habitants (où les comptes de campagne ne sont pas à tenir), le TA de Grenoble répond doublement par la négative, points qui tous deux (surtout le premier) eussent pu être débattu…
Mme BA…, candidate aux municipales (commune de Vif, dans l’Isère), pose 15 jours avant le second tour des élections municipales en train de remettre un chèque en taille géante, aux écoles de la commune, à la suite de la dissolution d’une association présidée par Mme BA… (association qui dès lors reversait son solde lors de sa dissolution).
Un adversaire répond à cette opération de communication par un tract particulièrement vif lui-aussi.
Le TA, saisi, estime que la dissolution de l’association et l’opération de communication qui s’en suivit n’était pas une aide prohibée au candidat (au sens de l’article L. 52-8 du Code électoral), ce qui d’ailleurs n’allait pas de soi. Le TA affirme ainsi que :
« La circonstance que Mme BA… ait médiatisé le don effectué par l’association dont elle était la présidente ne caractérise pas des manœuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin au sens de l’article L. 118-4 du code électoral. »
.. ni un don prohibé d’une personne morale, donc. Ce qui, encore une fois, en droit, pouvait donner lieu à débats.
NB : point important, la commune en question a (de peu) moins de 9000 habitants. Il n’y a pas eu donc de question sur la prise en compte, ou non, de ces sommes dans un compte de campagne. Sinon, gageons que la réponse du juge eût pu différer.
Et le TA pose aussi que :
« au égard au contenu essentiellement descriptif de l’article de presse [décrivant ce don], le comportement de Mme BA… à cette occasion ne saurait justifier la rédaction d’un tract suggérant de façon abusive l’achat de voix et surtout sa diffusion massive et délibérée pendant les derniers jours de la campagne électorale alors que les faits à l’origine de ce tract remontaient au 12 juin 2020, soit avant même le début de la campagne électorale officielle. En effet, s’il était possible à Mme BA… d’y répondre avant la fin de la clôture de la campagne électorale le 27 juin à minuit, il lui était en revanche difficile, avant cette échéance, d’organiser une réponse aussi massive. A cet égard, le message publié par Mme BA… sur la page Facebook de la liste « L’essentiel pour Vif » est sans commune mesure avec la diffusion de l’attaque dont elle avait été l’objet dans le tract litigieux et ne peut être considéré en l’espèce comme une réponse appropriée. Dès lors, la large diffusion de ce tract doit être regardé en l’espèce comme revêtant le caractère d’une manœuvre électorale qui, eu égard à l’écart de trois de voix séparant les deux listes arrivées en tête, a eu une influence de nature à altérer la sincérité du scrutin. »
Bref, les candidats n’étaient plus à armes égales (voir sur ce point les articles L. 48-2, L. 52-1 et L. 49 du code électoral), d’autant que ce tract a donné lieu ensuite à des interviews dans la presse et autres éléments juste avant le scrutin.
Dès lors, « compte tenu du très faible écart de voix séparant les listes conduites respectivement par M. H… et Mme BA… » ces éléments ont été de nature à fausser les résultats du scrutin.
Source : TA Grenoble, 8 octobre 2020, n° 2003543 :
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