Elections partielles (lato sensu) : pas de report préfectoral sans justification précise, très locale, de l’état sanitaire, nonobstant l’intervention des lois du 24 décembre 2020

Deux lois (loi ordinaire n° 2020-1670 et loi organique organique n° 2020-1669) du 24 décembre 2021, dont nous à avions ici annoncé l’imminence, ont reporté les élections partielles à venir, et ce au 13 juin 2021, s’il faut y procéder (municipales, arrondissement, législatives ou sénatoriales…) avec un régime d’ailleurs adapté (double procuration notamment).

NB et pour les départementales et régionales, voir ici. 

Voici l’article que nous avions alors publié avec ces lois en version intégrale :

 

Le I et IV de la loi ordinaire sont ainsi rédigés :

  • « I. – Pour l’application des articles L. 224-30, L. 251, L. 258, L. 270 et L. 436 du code électoral, de l’article L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales et de l’article L. 122-5 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, les vacances survenues avant le 13 mars 2021 au sein d’un conseil municipal ou du conseil de la métropole de Lyon donnent lieu à une élection partielle organisée dès que la situation sanitaire le permet, et au plus tard le 13 juin 2021.

    […]
    IV. – Tout électeur peut saisir l’autorité administrative compétente en vue de la convocation des électeurs pour une élection partielle mentionnée au présent article.
    Le silence gardé par l’autorité administrative pendant quinze jours vaut rejet de la demande de convocation des électeurs.
    Tout électeur peut contester la décision de l’autorité administrative devant le juge des référés, dans les conditions prévues à l’article L. 521-2 du code de justice administrative. »

     

N.B. ; on notera l’ambiguïté de la notion d’élection partielle, qui ici semble s’appliquer y compris aux élections dans les communes où l’élection a en son entier été annulée (signification donc s’étendant aux élections complètes intervenues hors renouvellement général des conseils municipaux), ce qui est plus extensif que l’acception usuelle (portant, elle, sur les élections complémentaires à organiser, dans certains cas, pour compléter un conseil municipal). 

Or, ce régime vient de connaître une spectaculaire et sévère application par le TA de Toulouse.

A l’origine, le 30 septembre 2020, ce tribunal avait annulé intégralement les élections municipales de la commune de Vaour.

En application des articles L. 2121-35 et L. 2121-38, la commune a été placée sous délégation spéciale, chargée des actes de pure administration conservatoire et urgente. Par ailleurs, si le budget de la commune n’est pas régulièrement voté avant le 15 avril 2021, en vertu de l’article L. 1612-2 du code général des collectivités territoriales, une proposition de règlement du budget est formée par la chambre régionale des comptes.

De nouvelles élections avaient été initialement prévues les 10 et 17 janvier 2021, les électeurs ayant été convoqués par un arrêté préfectoral du 16 novembre 2020.

Puis par arrêté du 18 décembre 2020 — avant la loi donc —, la préfète du Tarn a retardé les élections municipales partielles de la commune en raison des « circonstances exceptionnelles » dues à la crise sanitaire et a donc retiré l’arrêté du 16 novembre 2020 convoquant les électeurs de la commune les 10 et 17 janvier 2021.

Le TA de Toulouse a été saisi en référé liberté.

Certes un acte administratif s’apprécie-t-il usuellement à la date de son adoption, mais en référé (surtout en référé liberté) on tient compte (au titre de l’urgence notamment) de tous les paramètres, y compris donc de l’article 1er de la loi du 24 décembre 2020, qui a permis de reporter jusqu’au 13 juin 2021 le processus électoral en raison de la crise sanitaire.

Toutefois, rappelle le TA de Toulouse, ce report n’est possible qu’à la condition que la situation sanitaire locale, appréciée notamment au regard des données épidémiologiques locales rendues publiques par l’ARS tous les quinze jours, ne permette pas l’organisation du suffrage.

Or, le juge note :

  • d’une part, à la date de l’arrêté contesté du 18 décembre 2020, aucune disposition législative n’autorisait la préfète du Tarn à retirer son arrêté convoquant les électeurs pour les deux tours de la nouvelle élection municipale.
    Une telle illégalité porte une atteinte grave et manifestement illégale au principe de libre administration des collectivités territoriales, ce d’autant que l’arrêté contesté n’a pas fixé de dates pour une nouvelle convocation et qu’en l’attente de l’élection d’un nouveau conseil municipal régulièrement élu, seules les affaires courantes peuvent être traitées.

 

  • d’autre part, la préfète du Tarn, pour prendre l’arrêté litigieux, s’est fondée sur la situation sanitaire en Occitanie, qui compte 13 départements. Le juge des référés a relevé qu’au surplus ni la situation épidémiologique du Tarn, stable pour la période du 18 décembre 2020 au 22 janvier 2021, ni celle de la commune rurale de Vaour, qui compte 308 électeurs, ne justifiait de l’impossibilité de tenir le scrutin à la date prévue dans le respect des consignes sanitaires.

 

NB : bien sûr, la préfète eût été sans doute mieux inspirée de retirer son arrêté, attaqué, et d’en reprendre un autre après l’entrée en vigueur de la loi avec une date buttoir pour les élections

 

Le juge a donc annulé l’arrêté du 18 décembre 2020 de la préfète du Tarn et enjoint le réexamen de la situation sanitaire de la commune afin de déterminer si le processus électoral peut se tenir dans le respect des consignes sanitaires.

 

 

TA Toulouse, 2 février 2021, n° 2100355 :

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