Marchés publics et transaction : pas de possibilité de renoncer aux intérêts moratoires !

Dans une décision n° 443153 du 18 mai 2021, le Conseil d’Etat rappelle les règles concernant l’interdiction de la renonciation aux intérêts moratoires.

La commune de Liévin avait confié à une société immobilière de construction  l’aménagement d’une friche sur le territoire communal. Le contrat a été repris par la communauté d’agglomération de Liévin et par une SEM.

Par une délibération, la collectivité a décidé la clôture de l’opération d’aménagement et a arrêté son déficit en  habilitant le président de la communauté d’agglomération à conclure une transaction avec la société afin de procéder au paiement d’une somme égale au déficit.

En contrepartie, le contrat de transaction stipulait que la société renonçait à réclamer des intérêts moratoires ainsi qu’à toute action relative à l’exécution du contrat.

Des élus de l’assemblée délibérante de la collectivité ont saisi le tribunal administratif de Lille d’une demande tendant à annuler le protocole transactionnel et, après un passage devant la CAA de Douai qui a annulé la transaction, les parties au contrat se sont pourvus en cassation.

Le Conseil d’Etat cite tout d’abord les dispositions de la loi du 8 août 1994 selon lesquelles

« est réputée non écrite toute renonciation au paiement des intérêts moratoires exigibles ». Cette disposition s’applique « à toute clause de renonciation conclue à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi ».

Le Conseil d’Etat en déduit l’interdiction de renoncer aux intérêts moratoires dans les marchés publics. Il précise que cette règle s’applique alors même que le contrat litigieux aurait été conclu avant l’entrée en vigueur de la loi.

Le juge rappelle ensuite la définition du marché public et précise qu’un contrat confiant à un tiers la réalisation d’opérations d’aménagement prévues par le code de l’urbanisme, est soumis aux règles de la commande publique s’il entre dans le champ de l’article 1 du code des marchés publics, applicable en l’espèce.

Le Conseil d’Etat estime que, bien que formellement conclu en qualité de concession d’aménagement au sens du code de l’urbanisme, le contrat litigieux est un marché public dès lors que le risque financier est entièrement supporté par la collectivité publique.

Le contrat est donc bel et bien soumis aux dispositions de la loi de 1994.

Le Conseil d’Etat précise enfin et très classiquement le traitement par le juge des vices entachant la validité d’un contrat. Il détaille les différentes hypothèses, de la poursuite de l’exécution à la fin du contrat en passant par la régularisation.

Il énonce que si les irrégularités ne peuvent être régularisées, le juge doit prononcer « après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général », la résiliation ou, si le contrat a un contenu illicite, l’annulation du contrat. En l’occurence, il juge que la méconnaissance de la règle interdisant la renonciation aux intérêts moratoires constitue une illicéité justifiant l’annulation du protocole transactionnel.

 

Attention cet arrêt est aussi intéressant en matière de requalification de concessions d’aménagements en marchés publics (sous l’empire certes d’anciennes formulations des codes alors applicables), faute de prise de risque pour le concessionnaire. Voir :