Marchés publics : décider sans disposer de l’intégralité des documents exigés des sociétés sous-traitantes… peut être une infraction financière relevant de la CDBF

La CDBF ( voir ici), juridiction rattachée concrètement à la Cour des comptes, peut faire peur : c’est une juridiction, certes administrative, mais répressive. En réalité, son activité (qui frappe les ordonnateurs au titre d’infractions financières, sous certaines limites) reste épisodique et ses sanctions, gênantes médiatiquement (ou pour un déroulement de carrière) restent limitées en montants.

Mais ces arrêts sont en général bien charpentés et instructifs, constitués après une procédure minutieuse (et au contradictoire impeccable) par des magistrats  dotés de vrais pouvoirs d’enquête.

Profitons d’un arrêt rendu ce jour pour exposer le point de vue de la CDBF sur le fait que ne pas sans disposer de l’intégralité des documents exigés des sociétés sous-traitantes… peut être une infraction financière relevant de cette juridiction.
Dans cette décision, la Cour condamne l’ancienne directrice générale de la cohésion sociale, pour avoir attribué un marché de prestation de centre relais téléphonique pour les personnes sourdes ou malentendantes sans disposer de l’intégralité des documents exigés des sociétés sous-traitantes tels que prévus par le code des marchés publics. Elle relaxe en revanche l’ancienne directrice générale adjointe.
Point intéressant : la défense posait que la violation des dispositions du code des marchés publics, notamment celles qui ont trait aux conditions de passation des marchés, n’entraînerait pas systématiquement la commission d’une infraction au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières.
Mais, répond la CDBF :
« les prescriptions du code des marchés publics et les règles applicables en matière de commande publique sont, par nature, des règles non détachables d’une procédure d’exécution des dépenses publiques, sans qu’il y ait lieu d’opérer aucune distinction entre conditions de passation et conditions d’exécution des marchés. En l’espèce le marché ayant donné lieu à des paiements, la méconnaissance des règles applicables lors de la passation de ce marché est ainsi susceptible d’engager la responsabilité des personnes ayant méconnu ces règles sur le fondement de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières. »
La violation du droit de la commande publique qui entraînera la condamnation porte sur les articles 45 et 52 du code des marchés publics alors en vigueur ainsi que sur l’article 3 de 1’arrêté du 28 août 2006, applicable à l’époque des faits. 

 

Or, une société n’avait pas produit, lors du dépôt de sa candidature, l’intégralité des documents exigés des sociétés sous-traitantes (dès l’offre) tels que prévus par ces dispositions.

La CDBF en déduit qu’en :

« conséquence, le pouvoir adjudicateur a effectué un choix alors même qu’il ne disposait pas de tous les éléments juridiquement requis pour apprécier les capacités techniques, professionnelles et financières de la société Z…. »

Ce qui est une infraction aux règles d’exécution des dépenses prévue à l’article L. 313-4 du code des juridictions financières.

D’où une condamnation, qui comme toujours s’agissant de la CDBF s’avère plus dure par la mise au pilori qu’elle entraîne que par la sanction qu’elle inflige (500 €).

CDBF, 14 juin 2021, Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), n° 251-826

 

NB sur la CDBF et sa possible réforme, voir :

 

Voir aussi cette vidéo (de la durée de la table ronde, à savoir 2h30) qui fait le point sur ce sujet qui concerne directement tous les acteurs du monde public.

https://youtu.be/enxYLIv5Xr4