La CEDH valide le principe des inéligibilités touchant les personnes condamnées au pénal, er ce par deux décisions rendues ce jour concernant l’Italie.
Dans sa décision rendue dans l’affaire Galan c. Italie (requête no 63772/16), la Cour européenne des droits de l’homme déclare, à l’unanimité, la requête irrecevable.
L’affaire concerne la déchéance du requérant de son mandat de député en raison du constat par le Parlement de l’existence d’une cause d’inéligibilité consécutive à une condamnation pour corruption.
La Cour accorde du poids à l’approche de la Cour constitutionnelle italienne, dont la jurisprudence a établi que l’interdiction de se porter candidat et la déchéance du mandat ne sont ni des sanctions ni des effets de la condamnation relevant de la sphère pénale. L’élu déchu de ses fonctions est exclu de l’assemblée élective dont il relève parce qu’il a perdu l’aptitude morale, condition essentielle pour pouvoir continuer à siéger en tant que représentant des électeurs. La Cour estime que l’interdiction de se porter candidat aux élections et la déchéance litigieuses ne sauraient être assimilées à des sanctions pénales au sens de l’article 7 de la Convention. Ce grief est incompatible avec les dispositions de la Convention et doit donc être rejeté.
La Cour considère que l’application immédiate de l’interdiction de se porter candidat aux élections est cohérente avec le but affiché par le législateur, c’est-à-dire écarter du Parlement les élus condamnés pour des délits graves et protéger ainsi l’intégrité du processus démocratique. Cette interdiction de se porter candidat aux élections ne peut être jugée arbitraire ou disproportionnée.
Enfin, eu égard aux garanties prévues par la procédure parlementaire de « triple validation » – Comité permanent des incompatibilités, des inéligibilités et des déchéances, Junte des élections et Chambre des Députés -, la Cour considère que la Convention ne saurait exiger un contrôle juridictionnel d’une décision adoptée par le Parlement dans le cadre d’une réserve constitutionnelle de compétence.
CEDH, 17 juin 2021, n° 63772/16, Giancarlo GALAN contre l’Italie
L’arrêt de chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, rendu ce jour dans l’affaire Miniscalco c. Italie (requête no 55093/13), concerne quant à lui un requérant (Marcello Miniscalco) qui se plaignait de l’interdiction de se porter candidat aux élections régionales de 2013 en raison de sa condamnation pour le délit d’abus de pouvoir devenue définitive en 2011. Cette interdiction résultait de l’entrée en vigueur, en janvier 2013, du décret législatif no 235/2012.
M. Miniscalco estimait que l’application des dispositions de ce décret à sa candidature avait entraîné l’infliction d’une nouvelle peine, en sus de celle ayant résulté de sa condamnation définitive de 2011, et qu’il s’agissait d’une norme pénale rétroactive plus sévère. Il invoquait à ce titre l’article 7 (pas de peine sans loi) de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 3 du Protocole n° 1 (droit à des élections libres) à la Convention.
La Cour déclare le grief tiré de l’article 7 (pas de peine sans loi) irrecevable. Elle estime que l’interdiction de se porter candidat aux élections régionales ne saurait être assimilée à une sanction pénale au sens de l’article 7 de la Convention.
La Cour dit ensuite, à l’unanimité, qu’il y a eu non-violation de l’article 3 du Protocole no 1 (droit à des élections libres), jugeant que la mesure d’interdiction de se porter candidat aux élections régionales n’était pas disproportionnée par rapport au but légitime poursuivi par les autorités italiennes (assurer de manière générale le bon fonctionnement des administrations publiques).
La Cour considère en particulier que, dans ce contexte national, l’application immédiate de l’interdiction de se porter candidat aux élections régionales est cohérente avec le but affiché par le législateur, c’est-à-dire écarter des procédures électorales les personnes condamnées pour des délits graves et protéger ainsi l’intégrité du processus démocratique. La Cour accepte le choix du législateur italien, qui a pris comme base, pour l’application de l’interdiction, la date à laquelle la condamnation pénale devient définitive et non la date de la commission des faits poursuivis. En appliquant la mesure à toute personne condamnée pour les délits mentionnés dans le décret législatif no 235/2012, après l’entrée en vigueur de celui-ci, le législateur italien entendait clairement compléter et renforcer l’arsenal législatif pour lutter contre l’illégalité dans l’administration publique.
CEDH, 17 juin 2021, AFFAIRE MINISCALCO c. ITALIE, n° 55093/13