Sens des conclusions : une application de la jurisprudence AC! ne peut être passée sous silence

L’article R. 711-3 du Code de justice administrative impose que les rapporteurs publics informent les parties ou leurs mandataires du sens de leurs futures conclusions.

Le sens desdites conclusions du rapporteur public (RAPU) doit être communiqué aux parties dans un délai raisonnable (CEDH, 4 juin 2013, n° 54984/09), le juge étant assez souple sur le degré de précision à apporter audit sens des conclusions (CE, S., 21 juin 2013, n° 352427 ; CE, 20 octobre 2014, n° 371493), sans pour autant autoriser le rapporteur public à changer d’avis sans en informer les parties (CE, 4 mai 2016, n° 380548). 

En 2020, le Conseil d’Etat a estimé que la communication du sens de conclusions formulées de manière trop floue (en l”espèce « Annulation partielle du jugement – Réformation partielle du jugement ») ne permettait pas de connaître la position du rapporteur public (en l’espèce sur le montant d’une indemnisation) au point de rendre irrégulière la procédure devant la juridiction, ce qui (s’agissant d’un arrêt de CAA) ouvrait ensuite la porte ensuite à un recours en cassation (CE, 10 février 2020, n°427282).

Or, au nombre des décisions que peut prendre le juge si cela lui est demandé, se trouve la possibilité de moduler dans le temps les effets d’une annulation contentieuse (différé d’entrée en vigueur de l’annulation au sens de CE, Ass., 11 mai 2004, Associations AC! , rec. p. 197, GAJA 21e éd. 105)…

En parfaite logique avec l’arrêt CE, 10 février 2020, n°427282 précité, la CAA de Bordeaux vient de poser que le rapporteur public doit (bien sûr…) être un peu précis dans l’annonce du sens de ses conclusions sur ce point s’il envisage de conclure à l’acceptation d’une telle modulation dans le temps des effets de l’annulation. Ce point ne peut, lors de l’information des parties sur le sens de ses conclusions, être passé sous silence :

« 6. Il ressort de l’application ” Sagace ” que le rapporteur public du tribunal a porté à la connaissance des parties, le 18 janvier 2021, le sens des conclusions qu’il envisageait de prononcer dans les termes suivants : ” Annulation partielle de l’arrêté “. Lors de l’audience publique du 20 janvier 2021, le rapporteur public a en outre conclu à ce que les effets de cette annulation partielle soient différés dans le temps, sans en avoir informé préalablement les parties. Dans ces conditions, la modulation dans le temps des effets d’une annulation contentieuse ne revêtant pas un caractère accessoire, les parties ne peuvent être regardées comme ayant été mises en mesure de connaître l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public comptait proposer au tribunal administratif d’adopter, alors même que les parties étaient présentes à l’audience. Par suite, en tant qu’il a différé dans le temps les effets de l’annulation prononcée et qu’il a assorti ce différé de mesures transitoires, le jugement attaqué du tribunal administratif de Pau a été rendu au terme d’une procédure irrégulière. »

Source : CAA Bordeaux, 21 décembre 2021, Syndicat mixte ouvert Irrigadour, n° 21BX01326, 21BX01415. C+ A lire :