La période qui est la nôtre est propice, comme tous les 5 ans, à l’expression de petits « candidats » qui ne recueilleront jamais plus que quelques unes des précieuses signatures pour pouvoir se présenter, voire qui passeront ce cap mais qui n’auront, ensuite, que peu de voix.
Ont-ils tous droit à la même exposition médiatique ? Et sont-ce les sondages et les médias qui font un premier tri par leurs échos ?
A toutes ces questions, qui vibrionnent de nouveau depuis quelques jours sur les divers médias et réseaux sociaux, rappelons quelques réponses juridiques de base.
La campagne électorale audiovisuelle et sur Internet sont encadrées par la loi organique du 25 avril 2016, laquelle a sur ce point notamment modifié la n° 62-1292 du 6 novembre 1962.
A diverses périodes, correspondent à des règles plus ou moins égalitaires au fil du temps :
- règle de l’équité médiatique au « temps de parole » comme au « temps d’antenne » avant la publication de la liste officielle des candidats par le Conseil constitutionnel,
- puis règle de l’équité médiatique s’applique entre candidats (et non plus la stricte égalité antérieure).
- puis égalité de temps de parole et d’antenne 15 jours avant le premier tour et entre les deux tours.
Voir aussi :
1/ LORS DE LA PÉRIODE DE RECUEIL DES 500 PRÉSENTATIONS (PARRAINAGES), le juge n’impose pas que l’ARCOM (ni auparavant le CSA, son devancier) garantisse une égalité de traitement mais juste « de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion en tenant compte de leur audience relative. »
A des rêveurs un peu vengeurs, le Conseil d’Etat a donc, par une formule plaisamment assassine, rappelé que :
« La mission du CSA [n’est] pas d’assurer à toute personne l’accès aux médias nationaux, mais seulement, dans le respect de la liberté de communication, de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion en tenant compte de leur audience relative. »
et qu’en l’espèce :
« 3. La seule circonstance que le requérant déclare sa volonté de participer à l’élection présidentielle et allègue avoir fondé un parti dont il se borne à justifier de l’existence par la production de l’enregistrement de l’association qui en est le support, sans donner la moindre indication sur les caractéristiques de ce mouvement et l’importance de son action, ne permet pas de regarder l’intéressé comme étant au nombre des candidats, déclarés ou présumés, définis par le CSA dans sa recommandation du 6 octobre 2021, dont se prévaut l’intéressé, comme une » personne qui recueille des soutiens publics et significatifs à sa candidature « . »
Source : Conseil d’État, 22 décembre 2021, n° 459602
2/ PUIS ENSUITE LE JUGE NATIONAL A ADMIS L’EXCLUSION DE « PETITS » CANDIDATS LORS DE L’ORGANISATION DE DÉBATS, QUE L’ON SOIT DANS LA PÉRIODE ÉCOULÉE JUSQU’AU 7 MARS OU DANS CELLE, ACTUELLE, QUI COURT DU 8 AU 27 MARS
Jusqu’au 7 mars, le principe d’équité a prévalu avec un temps de parole dépend du poids politique, estimé à partir de critères variés (résultats antérieurs, sondages, nombre d’élus… mais aussi nécessité pour les médias de traiter de telle ou telle actualité de la campagne de chacun).
Puis du 8 au 27 mars, temps de parole et d’antenne devront être décomptés selon des tranches horaires : 6h-9h, 9-18h, 18-0h et 0h-6h.
Citons ce Ibis de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962., précitée et modifiée :
« I bis. – A compter de la publication de la liste des candidats et jusqu’à la veille du début de la campagne, les éditeurs de services de communication audiovisuelle respectent, sous le contrôle de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, le principe d’équité en ce qui concerne la reproduction et les commentaires des déclarations et écrits des candidats et la présentation de leur personne.
« Dans l’exercice de cette mission de contrôle, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique tient compte :
« 1° De la représentativité des candidats, appréciée, en particulier, en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats ou par les partis et groupements politiques qui les soutiennent et en fonction des indications de sondages d’opinion ;
« 2° De la contribution de chaque candidat à l’animation du débat électoral.
« A compter du début de la campagne et jusqu’au tour de scrutin où l’élection est acquise, les éditeurs de services de communication audiovisuelle respectent, sous le contrôle de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, le principe d’égalité en ce qui concerne la reproduction et les commentaires des déclarations et écrits des candidats et la présentation de leur personne.
« Le respect des principes mentionnés aux premier et cinquième alinéas du présent I bis est assuré dans des conditions de programmation comparables, précisées par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dans une recommandation relative à l’élection présidentielle.
« A compter de la publication de la liste des candidats et jusqu’au tour de scrutin où l’élection est acquise, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique publie, au moins une fois par semaine, dans un format ouvert et aisément réutilisable, le relevé des temps consacrés à la reproduction et au commentaire des déclarations et écrits des candidats et à la présentation de leur personne.»
MAIS DANS CES DEUX PÉRIODES il est possible de pratiquer des débats avec exclusion des « petits candidats ». Ce point a été jugé nettement en 2017 pour les présidentielles précédentes. Voir par exemple :
- au niveau national :
- au niveau local (pour une télévision nationale mais à propos d’un débat municipal)
Pour apprécier une telle égalité de traitement, le juge prendra en compte aussi les recompositions mêmes récentes, au moins pour les plus spectaculaires d’entre elles. Voir :
- Temps de parole dans les médias durant la campagne pour les législatives : EN MARCHE ! gagne devant le Conseil constitutionnel (décision de ce matin, 31 mai 2017)
(décision n° 2017-651 QPC du 31 mai 2017, Association En Marche !)
Petits souvenirs de 2017…
3/ AVEC D’AILLEURS DE POSSIBLES EFFETS SUR LES COMPTES DE CAMPAGNE (VOIRE SUR LA SINCÉRITÉ DU SCRUTIN) EN CAS DE DÉRAPAGE (MAIS CE SERA RARE AU TITRE DES MÉDIAS RELEVANT DU RÉGIME DE LA PRESSE)
Ceci posé, le principe reste bien celui de la liberté des médias, y compris d’ailleurs en droit électoral (sauf si le média est entre les mains d’une personne publique sans réelle autonomie, voir notamment l’article L. 52-1 du Code électoral).
Sources : CE, 29 juillet 2002, El. mun. de Saint-Gaudens, n° 239927 ; CE, 6 mars 2002, Rettig, n° 235950 ; CE, 6 septembre 2002, El. mun. de Toulon, n° 239847 ; CE, 25 octobre 2002, El. mun. de La Seyne-sur-Mer, n° 239259 ; CE, 30 décembre 2002, El. mun. de Saint-Leu, n° 241350; CE, 3 juillet 2009, n° 322430)… y compris pour ce qui est de la télévision (CE, 29 juillet 2002, El. cant. de Saint-Etienne de Tinée, n° 234787).
Ce n’est donc que dans de rares cas que des impartialités des médias (hors médias de la personne publique) entraîneront des annulations d’élections et/ou des imputations dans les comptes de campagne (pour de tels cas, concernant des médias pourtant supposés indépendants, voir : CE, 21 février 1997, Élections municipales Longuyon, n° 171993 ; voir aussi CE, 10 mai 1996, Élections cantonales Malakoff, n° 162872, puis CE, 14 novembre 2008, n° 316708 ; voir aussi CC, 30 janvier 2003, AN, Seine-Saint-Denis, Brard).
Et bien entendu, tout ce régime ne s’applique pas aux débats au sein des assemblées parlementaires…. Voir :
4/ AVANT QUE CECI NE S’ACHÈVE (pour l’élection présidentielle) AVEC UN ÉGALITARISME STRICT PENDANT 15 JOURS (ce qui dans le cas des 12 candidats que nous avons, si l’on compare leurs couleurs politiques à leurs nombres respectifs, revient à sur-représenter, et de beaucoup, les extrêmes), à compter du 28 mars donc
Et là, enfin, la taille ne compte plus ce qui rassurera nombre de candidats :
5/ Et il est possible que d’une manière générale, les exigences de la CEDH soient un peu plus généreuses pour les petits partis, au moins pour imposer une égalité de traitement entre ceux-ci
Voir en effet les exigences de la CEDH en ce domaine :
- CEDH, 31 août 2021, ASSOCIAZIONE POLITICA NAZIONALE LISTA MARCO PANNELLA c. ITALIE 66984:14
- voir notre article : CEDH : les petits partis politiques ont droit à une présence équilibrée sur le petit écran
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