Temps de parole dans les médias durant la campagne pour les législatives : EN MARCHE ! gagne devant le Conseil constitutionnel (décision de ce matin, 31 mai 2017)

Il y a quelques jours, le tout jeune parti politique La République En Marche saisissait, avec succès, le Conseil d’Etat au titre d’une QPC :

Temps de parole dans les médias : EN MARCHE ! prend le chemin du Conseil constitutionnel (ordonnance du CE de ce jour)

 

Parce qu’il n’a pas de groupe parlementaire constitué à l’Assemblée Nationale, ce parti se retrouvait en effet avec un minuscule temps de parole dans les médias audiovisuels (7 mn sur un total de trois heures pour le premier tour par exemple !).

Il a donc en référé saisi le Conseil d’Etat, en brandissant une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) à cet effet. Pari réussi : le Conseil d’Etat vient par la décision ci-dessous de renvoyer cette QPC  au Conseil constitutionnel.

Cet essai vient d’être à l’instant transformé devant les sages de la rue de Montpensier…

Le Conseil constitutionnel a en effet estimé qu’il y avait bien matière à accueillir cette QPC.

Ce dernier avait été saisi de la constitutionnalité de l’article L. 167-1 du code électoral.

Ces dispositions fixent les conditions dans lesquelles les partis et groupements politiques ont accès aux antennes du service public de radiodiffusion et de télévision pour la campagne officielle en vue des élections législatives.

Elles distinguent deux situations.

Les partis et groupements représentés à l’Assemblée nationale par un groupe parlementaire bénéficient d’une durée totale d’émission de trois heures au premier tour et d’une heure trente au second tour. Ces durées sont réparties en deux séries égales entre les partis et groupements qui appartiennent à la majorité et ceux qui ne lui appartiennent pas.

Les partis et groupements qui ne sont pas représentés par un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale peuvent, pour leur part, se voir attribuer des durées de sept minutes au premier tour et de cinq minutes au second tour.

Le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur pouvait prendre en compte la composition de l’Assemblée nationale à renouveler et, eu égard aux suffrages qu’ils avaient recueillis, réserver un temps d’antenne spécifique à ceux des partis qui y sont représentés.

Toutefois, le législateur doit également déterminer des règles propres à donner aux autres partis des durées d’émission qui ne soient pas manifestement hors de proportion avec leur représentativité.

En l’espèce, les dispositions contestées donnent aux partis disposant d’un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale des durées de trois heures et une heure trente quel que soit le nombre de ces groupes. Les durées attribuées aux autres partis sont, par comparaison, très réduites. En outre, des durées d’émission identiques sont accordées aux partis et groupements qui ne sont pas représentés à l’Assemblée nationale, sans distinction selon l’importance des courants d’idées ou d’opinions qu’ils représentent.

Le Conseil constitutionnel en a déduit que les dispositions contestées peuvent conduire à l’octroi de temps d’antenne sur le service public manifestement hors de proportion avec la participation à la vie démocratique de la Nation de ces partis et groupements politiques. Il a donc jugé qu’elles méconnaissent l’article 4 de la Constitution et affectent l’égalité devant le suffrage dans une mesure disproportionnée.

Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, déclaré contraires à la Constitution les dispositions des paragraphes II et III de l’article L. 167-1 du code électoral.

Le Conseil constitutionnel a cependant reporté au 30 juin 2018 la date de l’abrogation de ces dispositions afin de laisser le temps nécessaire au législateur pour les remplacer.

Cependant, afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée, et en vue des élections législatives des 11 et 18 juin 2017, le Conseil constitutionnel a formulé une réserve d’interprétation transitoire.

En cas de disproportion manifeste, au regard de leur représentativité, entre le temps d’antenne accordé aux partis et groupements représentés à l’Assemblée nationale et le temps d’antenne accordé à ceux qui n’y sont pas représentés, cette réserve transitoire impose que l’importance du courant d’idées ou d’opinions représenté par ces derniers soit prise en compte au moyen de deux critères :
– d’une part, le nombre de candidats présentés ;
– d’autre part, la représentativité de ces partis ou groupements, appréciée notamment par référence aux résultats obtenus lors des élections intervenues depuis les précédentes élections législatives.

Ainsi, en cas de disproportion manifeste, les durées d’émission accordées aux partis et groupements non représentés à l’Assemblée nationale peuvent être modifiées à la hausse, au-delà des sept et cinq minutes prévues par la loi. Toutefois, la durée supplémentaire susceptible d’être accordée à chaque parti et groupement auquel une hausse serait accordée ne peut dépasser un plafond fixé à cinq fois sept minutes pour le premier tour et cinq fois cinq minutes pour le second tour.

 

Voici la décision n° 2017-651 QPC du 31 mai 2017, Association En Marche !

2017651QPC2017651qpc