La jurisprudence Hauchemaille (de 2000), improbable mais incontestable star médiatique de la semaine !

Les deux candidats à l’élection présidentielle restés en lice pour le second tour évoquent tous deux le référendum, l’actuel Président « ne l’excluant pas » s’agissant de la réforme des retraites et Mme M. Le Pen l’envisageant nettement pour des réformes d’une toute autre importance constitutionnelle (notamment pour imposer un principe de « priorité nationale » et la primauté du droit national sur le droit international).

Sauf que… sauf que force est de rappeler quelques données juridiques de base :

  • notre Constitution prévoit le recours possible au référendum soit par son article 11 soit par son article 89
  • l’article 89 (révision de la Constitution) passe par un accord des deux chambres du Parlement (Sénat et A.N.)  alors que l’article 11, bien plus léger sur ce point, se contente d’imposer un simple débat au sein desdites chambres
  •  mais l’article 11 de la Constitution a un champ d’application bien plus limité. Son domaine est limité aux projets de loi « portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.»
  • Donc une vraie modification de la Constitution passe par l’article 89, et donc par l’approbation des deux chambres.
  • certes dans le passé (réforme de 1962 sur l’élection Présidentielle au suffrage universel direct, lequel fut mis en oeuvre la première fois en décembre 1965) il fut possible à l’exécutif de contourner le législatif par recours direct à l’article 11…
  • MAIS c’était avant la décision la jurisprudence Hauchemaille… qui est devenue ces deux derniers jours une véritable star des médias après presque 22 ans de vie plutôt discrète. 

 

Cette décision « Hauchemaille » (attention il y en a plusieurs du même requérant avec des dates et des objets différents) admet pour la première fois la compétence juridictionnelle du Conseil constitutionnel pour connaître d’un acte préparatoire au référendum lorsque l’irrecevabilité qui serait opposée au recours risquerait de compromettre gravement l’efficacité de son contrôle des opérations référendaires, vicierait le déroulement général de vote à intervenir ou porterait atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics.

Cette audace du Conseil constitutionnel était importante pour assurer une réalité de la séparation des pouvoirs, même si cette décision, qui conduit à l’impossibilité de contourner la Constitution pour réviser celle-ci, ne manquera pas, de-ci, de-là, d’être contestée par les tenants du gouvernement plébiscitaire.

Voici cette décision… qui est donc la star de la semaine, puisque Le Figaro, Le Monde, France Inter, Marianne et de très nombreux autres titres se sont emparés de celle-ci depuis lundi soir :

Décision n° 2000-21 REF du 25 juillet 2000 

NB lire par exemple : https://www.conseil-constitutionnel.fr/referendum-sur-le-quinquennat/le-contentieux-des-actes-preparatoires-a-un-referendum

Voir aussi Cons. const. 14 mars 2001, Hauchemaille, CE, Sect. 14 septembre 2001, Marini et 20 septembre 2001, Hauchemaille et Marini, par M. Richard Ghevontian, in  Revue française de droit constitutionnel 2001/4 (n° 48), pages 775 à 778.  Voir aussi H. Savoie, Conclusions sur CE, Ass., 1er sept. 2000, Larrouturou, Meyet et autres, RFD Adm. n° 16, sept-oct. 2000, p. 989. Etc. 

Citons le considérant de principe de cette décision :

« 5. Considérant, cependant, qu’en vertu de la mission générale de contrôle de la régularité des opérations référendaires qui lui est conférée par l’article 60 de la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de statuer sur les requêtes mettant en cause la régularité d’opérations à venir dans les cas où l’irrecevabilité qui serait opposée à ces requêtes risquerait de compromettre gravement l’efficacité de son contrôle des opérations référendaires, vicierait le déroulement général du vote ou porterait atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics ;»

 

Concrètement, cela veut dire que si la candidate est élue, son projet de référendum ne sera pas possible sauf à créer une crise institutionnelle majeure avec l’exécutif organisant un référendum en dépit d’une censure juridictionnelle. Sauf à faire un référendum avec un autre contenu que celui qui est annoncé ce jour.

 

 

 

Voir aussi à ce même sujet :

https://youtu.be/Nhzfe-cmPW4