La taxe sur les tabacs, nouvel impôt local ? [article de Public avenir ; J.-B. Gaudin et P.-M. Terrien]

Article de notre partenaire Public Avenir (publicavenir@gmail.com); J.-B. Gaudin et P.-M. Terrien

 

La légistique est l’art d’écrire la loi. On ne trouve pas tout dans les guides mais certaines choses relèvent de l’habitus du travail parlementaire. En matière de loi de finances, il existe la miraculeuse « accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services ». Cet impôt indirect sert à rendre un amendement recevable en commission des finances car on ne peut proposer une nouvelle charge ou un moindre produit dans la loi de finances sans proposer une nouvelle recette. Cette année, comme chaque fois, cette hypothèse fleurit en commission des finances. L’imposition sur les tabacs rapporte entre 14 et 15 Milliards d’euros au budget de la sécurité sociale, pour le budget de l’Etat, c’est 50 millions seulement. La modestie de ce montant montre que l’argument théorique de la surtaxe sur les tabacs fonctionne assez peu dans les faits.

Là, par amendement, un plafonnement de l’évolution des valeurs locatives a été voté contre une nouvelle surtaxe sur les tabacs :

De quoi s’agit-il exactement ? La revalorisation annuelle des bases des locaux d’habitation et des locaux industriel est déterminée depuis 2018 par l’inflation constatée entre le mois novembre de l’année et celui de l’année passée (article 1518 bis du code général des impôts). Cette mesure automatique a fait tomber le suspense législatif pendant cinq ans. Mais, cette année, il est proposé de plafonner cette évolution par amendement parlementaire. Le texte propose une compensation intégrale pour les collectivités par majoration de la dotation globale de fonctionnement. Jusqu’ici tout va bien. Le contribuable paierait moins et les collectivités seraient compensées… sauf que cette équation miracle reposerait sur une taxe additionnelle à la fameuse assise sur les tabacs.

Le plafonnement adopté en commission des finances propose de limiter la hausse des bases et des impôts payés par les propriétaires à 3,5 %. Comme l’inflation est anticipée entre 6 et 7 %, on peut donc considérer que les contribuables économiseraient alors environ 3 % de progression de bases (hypothèse médiane). A quoi correspond 3 % de revalorisation économisée pour le contribuable ? En prenant les statistiques issues de la DGCL, sur les 65 Md€ de produits de fiscalité perçues par les collectivités, on peut estimer que plus des deux tiers sont indexés sur cette évolution. En excluant la part des locaux professionnels des taxes d’habitation, foncières, d’enlèvement des ordures ménagères, GEMAPI ainsi que la cotisation foncière des entreprises sur l’industrie, on aboutit à près de 43 Md€ auxquels s’ajoutent les compensations versées par l’Etat au titre de l’allègement sur les bases foncières des industries pour 4 Md€. Ainsi, l’économie pour les contribuables serait de 3 % de 47 Md€ soit environ 1,4 Md€. Financièrement, l’augmentation de + 10 % de la taxe sur les tabacs serait affectée à une majoration de +8 % de la DGF des communes et intercommunalité.

Réalisons donc une petite extrapolation mathématique. Sachant que le projet de loi de finances de la sécurité sociale pour 2023 prévoit une augmentation de l’assise sur les tabacs de 375 millions d’euros qui fera passer le paquet de cigarettes de moyen de 10,16 € à 10,68 €. L’amendement à 1,4 Md€ pour les collectivités devrait donc le faire passer à 12,62 €. A partir de combien de paquets de cigarette le propriétaire moyen fumeur se fait-il enfumer ? Et, surtout, à partir de quel montant cette astuce parlementaire réthorique devient-elle théorique au point de se révéler fumeuse ?