Si le pouvoir de résiliation unilatérale d’un contrat administratif est toujours possible pour la personne publique, même lorsque ledit contrat est silencieux sur ce point, la personne privée cocontractante n’a pas toujours cette faculté.
La Cour administrative d’appel de Marseille a précisé en venant confirmer la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 8 octobre 2014, Société Grenke location : n°370644) que, dans un contrat qui n’a pas pour objet l’exécution même du service public, le cocontractant ne peut le résilier sans que la personne publique n’ait pu être informée au préalable afin de pouvoir éventuellement s’y opposer pour un motif d’intérêt général (CAA de Marseille, 6ème chambre, 30/01/2023, 21MA01807, ).
Dans cette affaire, une maison de retraite sous forme d’établissement public s’était engagée à payer des loyers financiers à une société, en contrepartie de la mise à disposition de divers matériels informatiques. La maison de retraite a cessé progressivement de payer ces loyers en cours d’exécution du contrat, ce qui a mené la société à résilier le contrat. La maison de retraite, qui avait été condamnée à payer la société en première instance, interjette appel.
À cette occasion, la CAA rappelle dans quelles conditions la résiliation unilatérale par le cocontractant privé d’un contrat administratif qui ne porte pas sur l’exécution du service public peut intervenir :
“7. Le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l’administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l’initiative de résilier unilatéralement le contrat. Il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n’a pas pour objet l’exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles. Cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public.”
Ainsi, en cas d’inexécution contractuelle de la part de la personne publique, il convient dans un premier temps d’examiner si le contrat porte sur l’exécution du service public ou s’il est simplement conçu pour la satisfaction des besoins d’un service public.
- S’il porte sur l’exécution même du service public, le contrat, hors cas de force majeure, ne pourra pas être résilié ;
- S’il ne porte pas sur l’exécution du service public, le contrat peut prévoir une clause de résiliation unilatérale par le cocontractant. Celle-ci ne sera toutefois pas un obstacle au pouvoir de l’administration de s’opposer à la résiliation pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public. Lorsqu’un motif d’intérêt général lui est opposé, le cocontractant doit poursuivre l’exécution du contrat. Un manquement de sa part à cette obligation est de nature à entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. Il est toutefois loisible au cocontractant de contester devant le juge le motif d’intérêt général qui lui est opposé afin d’obtenir la résiliation du contrat.
*article rédigé avec la collaboration de Yasmine Chevreul, juriste