Par un jugement M. A… c/ ministre de l’intérieur en date du 2 février 2023 (req. n° 2102509), le tribunal administratif de Versailles a considéré que la proportionnalité d’une sanction discplinaire doit s’apprécier au regard de la qualité de syndicaliste de l’agent ayant commis la faute.
En l’espèce, M. A… gardien de la paix titulaire, exerçait ses fonctions au sein du service de renseignement territorial de Versailles qui relève de la direction départementale de la sécurité́ publique des Yvelines. Il était par ailleurs secrétaire général du syndicat VIGI – ministère de l’intérieur.
Or, le 8 janvier 2020, M. A… a mis en ligne sur le site internet du syndicat VIGI – ministère de l’intérieur un tract qui comportait une photo du directeur général de la police nationale avec une bulle énonçant : « après 110 suicides depuis ma prise de fonctions, de la fraude aux élections pro, la répression de la liberté syndicale, la falsification des chiffres de la délinquance, je pars épuisé́ en retraite anticipée, trois ans en avance », en dessous du dessin d’une tache de sang et d’une banderole en anglais indiquant « scène de crime, ne pas franchir». A la droite de ce photomontage, figurait le titre suivant, en caractères bleus de grande taille : « Nous avions demandé sa démission, mais le DGPN a choisi la fuite ». Ce tract mettait également de manière nominative en cause le ministre de l’intérieur et le préfet de police.
A la suite de cette publication, des poursuites disciplinaires ont été engagées à l’encontre de l’intéressé, en sa qualité de responsable des publications du syndicat. Le 12 mars 2021, le ministre de l’intérieur a ainsi révoqué M. A… de ses fonctions de gardien de la paix au motif qu’il aurait, par la publication en cause, sciemment outrepassé les limites de la liberté d’expression syndicale, manqué à son devoir d’exemplarité, de réserve et de loyauté et porté atteinte à l’image de la police nationale
M. A… alors saisi le tribunal administratif de Versailles d’une demande l’annulation ou, à titre subsidiaire, la réformation, de l’arrêté du 12 mars 2021 le révoquant.
Dans son jugement, le tribunal a tout d’abord rappelé, conformément à une jurisprudence constante, que « si les agents publics qui exercent des fonctions syndicales bénéficient de la liberté́ d’expression particulière qu’exigent l’exercice de leur mandat et la défense des intérêts des personnels qu’ils représentent, cette liberté́ doit être conciliée avec le respect de leurs obligations déontologiques et des contraintes liées à la sécurité́ et au bon fonctionnement du service. En particulier, des propos ou un comportement agressifs à l’égard d’un supérieur hiérarchique ou d’un autre agent sont susceptibles, alors même qu’ils ne seraient pas constitutifs d’une infraction pénale, d’avoir le caractère d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. »
Or, poursuit le tribunal, le tract litigieux non seulement a porté atteinte au crédit et à la réputation de la police nationale, mais encore a outrepassé la liberté d’expression particulière des agents publics qui exercent des fonctions syndicales et méconnu le devoir de réserve qui s’imposent à eux. Par conséquent, M. A… a bien commis une faute disciplinaire.
En revanche, a considéré le tribunal, dans la mesure où en sa qualité de représentant syndical, M. A… bénéficiait d’une « liberté d’expression renforcée » de nature à atténuer la gravité de la faute commise, la sanction de révocation, qui constitue la sanction la plus sévère qui puisse être infligée à un fonctionnaire, était disproportionnée au regard des fautes commises.
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