Nos blogs ont souvent traité de la question de l’illégalité d’arrêtés préfectoraux en matière de prélèvements d’eau pour irrigation ou pour des bassines, notamment quand le juge estime que ces ceux-ci sont excessifs au regard des besoins pour les autres usages de l’eau (continuité écologique, pêche, alimentation en eau potable…) pour contraires aux prescriptions des SAGE ou des SDAGE :
- Annulation des autorisations pluriannuelles de prélèvement d’eau pour l’irrigation dans les bassins du Marais Poitevin et de la Charente (TA Poitiers, 9 mai 2019, n° 1701657. )
- CAA Bordeaux – 23 février 2021 – Syndicat départemental des collectivités irrigantes de Lot-et-Garonne – n° 19BX02219 (Retenues à fins d’irrigation et compatibilité avec le SDAGE)
- TA Montpellier, 29 novembre 2022, n°2100138 (Cours d’eau : quand le juge réajuste, lui-même, le débit minimal à laisser à l’aval immédiat d’une prise d’eau…)
- Réserves d’eau à usage d’irrigation : comment le juge fait-il respecter les prescriptions des SDAGE ? Avec combien d’années à titre de références ? (TA Poitiers, 6 juin 2019, n° 1702668)
- Conseil d’État, 25 septembre 2019, n° 418658, aux tables du recueil Lebon (Un nouvel arrêt important sur la force juridique des SDAGE et des SAGE)
- Arrêt n° 20BX02357 – 21 février 2023 – 5ème chambre – Syndicat mixte des réserves de substitution de la Charente-Maritime (SYRES 17)
- voir aussi par analogie : TA Grenoble, 4 mai 2021, n°1902805
- etc. (voir ici notre vidéo par exemple, sur la question de la force juridique des SAGE/SDAGE)
La CAA de Bordeaux, en ce domaine, vient de censurer de nouveau un arrêté, illustrant la rigueur croissante des juges à l’heure où les conflits d’usage et les évolutions nécessaires des pratiques agricoles apparaissent de plus en plus centraux.
Par un arrêté interdépartemental du 10 août 2017, les préfets de la Charente-Maritime et de la Charente avaient autorisé la chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, organisme de gestion collective de l’eau pour l’irrigation agricole, à procéder à des prélèvements d’eau sur les sous-bassins de l’Antenne-Rouzille, de l’Arnoult, du Bruant, de Charente-aval, de la Gères-Devise et de la Seugne. Destinés à pallier les effets de la sècheresse sur les exploitations agricoles qui en bénéficient, des prélèvements de plusieurs millions de mètres cubes d’eau ont ainsi été programmés sur une période de dix ans.
A la demande de l’association Nature Environnement 17, de la Ligue pour la protection des oiseaux et de la fédération de la Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu aquatique, le tribunal administratif de Poitiers, par un jugement du 8 octobre 2020, a annulé l’arrêté du 10 août 2017 avec un effet différé au 1er octobre 2022 et a plafonné les prélèvements d’eau autorisés jusqu’à cette date.
La CAA de Bordeaux a annulé ce jugement de 1e instance, pour insuffisance de motivation, mais elle juge à son tour illégale l’autorisation délivrée à la chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine.
Ainsi que la cour le rappelle, les dispositions du code de l’environnement ont notamment pour objet d’assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau. A cet effet, la détermination des volumes d’eau prélevés doit notamment tenir compte de la ressource en eau disponible dans la zone où s’effectue les prélèvements et ne pas perdre de vue l’objectif d’amélioration de l’état de la ressource en eau.
La cour relève l’insuffisance structurelle des ressources en eau dans les zones concernées par l’autorisation délivrée à la chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine et l’impact non négligeable des prélèvements agricoles sur la qualité de l’eau. Après avoir constaté l’importance des volumes autorisés définis sans réelle prise en compte de l’objectif d’amélioration de l’état de la ressource en eau, allant pour certains d’entre eux jusqu’à dépasser la moyenne des volumes consommés les années précédentes, la cour juge que les dispositions du code de l’environnement n’ont pas été respectées par l’arrêté du 10 août 2017 qui est donc annulé.
Les effets de l’annulation sont différés au 1er octobre 2023 en vue de permettre l’instruction d’une nouvelle demande d’autorisation et, jusqu’à cette date, les prélèvements sont plafonnés en tenant notamment compte des volumes consommés par les irrigants.
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