Collectivités territoriales et subventionnement des associations d’aide aux migrants en mer : suite [et pas fin]

Mise à jour de notre article avec deux arrêts intéressants de la CAA de Toulouse (voir ci-après II.A.2.) , qui vont dans le même sens que la CAA de Bordeaux et que 4 TA, à rebours de la position de la CAA de Paris… sauf si l’on estime que la CAA de Paris censurait un positionnement trop « politicien » sur le fond du Conseil de Paris.
En tous, cas, merci à notre confrère Romain GEOFFRET (cab. CGCB) qui nous a transmis ces arrêts de la CAA de Toulouse, gagnés par son cabinet. 

 

Au moins 4 TA et 2 CAA ont admis la légalité des aides des collectivités aux « bateaux recueillant des migrants en Méditerranée »… à la faveur non pas du régime général des subventions des collectivités, mais dans le cadre des actions de coopération (dite décentralisée) que peuvent conduire ces collectivités en vertu des dispositions de l’article L. 1115-1 du CGCT.

Reste que pour valider ces aides, le juge était obligé d’en passer par une interprétation particulièrement souple de cet article sur au moins deux points. 

A rebours de cette position, se trouve celle d’une CAA, celle de Paris, reprenant un raisonnement proche de celui tenu il y a longtemps par un TA, va en sens contraire, refusant ces aides (et ce d’une manière qui semble proche de la formulation des textes et des jurisprudences plus traditionnelles), mais dans un cadre qui était un peu différent (la censure de la délibération du Conseil de Paris ayant probablement son origine dans le fait que celle-ci était objectivement beaucoup plus politicienne que les autres, ce qui en droit correspond à une autre « ligne rouge », frontière entre actes légaux et illégaux pour une collectivité territoriale). 

Il devient en tous cas urgent que le Conseil d’Etat donne une ligne claire entre le légal et l’illégal à ce sujet qui s’avère singulièrement vif politiquement, sur fond d’urgence humanitaire, et qui en droit soulève de très intéressants débats. 

 

 

 

I.  Paramètres à prendre en compte pour assurer la légalité de telles aides

 

Les actions des collectivités territoriales ont toujours, par vagues, été limitées par le juge, lorsqu’on sortait trop nettement de l’intérêt public local. A quelques exceptions et régimes particuliers près.

 

I.A. Paramètre général des compétences de la collectivité territoriale

 

Premier paramètre : les collectivités locales n’ont pas à prendre part aux débats politiques nationaux sur des sujets de société qui échappent à leurs compétences, pas plus qu’aux conflits du travail ou aux relations internationales, par exemple.

Mais le juge ne leur interdit pas non plus tout intérêt sur les débats de société, la gestion sociale des crises du travail ou les échanges internationaux, par exemple.  

Il en résulte naturellement qu’il ne faudrait pas que ces limitations quant aux compétences des collectivités territoriales puissent être contournées via un subventionnement d’associations militantes… 

 

Il est à rappeler qu’en droit la commune doit toujours conserver une certaine distance face aux conflits politiques internationaux ou face aux débats politiques qui ne peuvent se rattacher directement aux compétences communales. Le Conseil d’Etat a toujours censuré des actes (subventions ou actes symboliques) qui allaient trop loin en ce sens :

 

… et il y a le régime de la coopération décentralisée, reposant principalement sur les dispositions de l’article L. 1115-1 du CGCT… et pour lequel le Conseil d’Etat a rendu  une importante décision n° 368342 le 17 février 2016. Voir :

 

L’intervention au profit des associations ne se fait pas dans ce cadre, mais dans celui évoqué ci-après en « I.B. ». Mais il suffit que la délibération litigieuse de la collectivité prenne une tournure très politique pour que la ligne rouge des jurisprudences précitées devienne franchie, et que l’aide, d’humanitaire qu’elle est censée être, soit considérée comme politique, voire politicienne, et donc illégale (voir par analogie TA Dijon, 20 octobre 2020, n°1902037 ou CE, 11 octobre 1989, Commune de Gardanne et autres, rec. p. 188 ; CE, 12 octobre 1990, Cne de Champigny-sur-Marne, rec. tables p. 607, décisions précitées).

C’est sans doute LA ligne rouge franchie par le Conseil de Paris et censurée par l’arrêt de la CAA de Paris (arrêt qui sera traité ci-après, n° 22PA04811 du 3 mars 2023).

 

 

I.B. Paramètre particulier de la compétence pour la coopération dite « décentralisée » (aide aux pays en voie de développement, pour reprendre une expression datée mais qui présente l’avantage de décrire précisément le cadre dont nous parlons)… et sur lequel s’appuient les collectivités qui aident SOS Méditerranée ou autre associations oeuvrant pour le sauvetage en mer des migrants et leur arrivée sur le territoire européen

 

I.B.1. Un régime bâti pour la coopération dite « décentralisée »

 

L’aide aux associations de ce type repose non pas sur l’intérêt public local (« I.A. » ci-avant) mais sur le régime de l’article L. 1115-1 du CGCT (Code général des collectivités territoriales), aux termes duquel :

« Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire. / (…) ».

C’est là que cela devient passionnant.  Car ce régime du CGCT a été fait pour l’aide aux collectivités étrangères des pays en voie de développement, dans le cadre de ce que l’on appelle « la coopération décentralisée ».

L’appliquer en haute-mer n’allait pas de soi, mais c’est conforme après tout à la formulation large de ce premier alinéa de l’article L. 1115-1 du CGCT.

 

I.B.2. La question, tout à fait centrale, de l’obligation ou non qu’une convention soit conclue à cet effet avec une autorité locale étrangère. Une telle convention n’est plutôt pas présentée comme obligatoire dans le texte du CGCT, mais la formulation floue dudit texte ne permet pas de trancher ce point avec certitude. Plus encore, un jugement de TA, clairement (voire deux), ainsi qu’ une décision du CE, à mi-mots cette fois, peuvent être brandis par ceux qui pensent qu’une telle convention s’impose pour toute coopération décentralisée (ce qui ruinerait les défenses de ceux qui veulent aider les associations d’aides aux migrants).

 

L’alinéa suivant de ce même article prévoit à cet effet des conventions avec des collectivités territoriales étrangères, ce qui pourrait sembler donner un sens à cet article excluant son intervention hors de ce cadre « terrestre » et fléché vers des interventions entre collectivités territoriales…

MAIS la formulation dudit second alinéa peut être aussi lue comme n’excluant pas d’autres outils (« le cas échéant ») :

« A cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. Elles entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l’Etat dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1, L. 2131-2, L. 3131-1, L. 3131-2, L. 4141-1 et L. 4141-2. Les articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 leur sont applicables.»

NB notons que, sans que cela ne change les solutions à retenir pour l’essentiel, cet article du CGCT impose désormais de prendre en compte « le programme de développement durable à l’horizon 2030 » de l’ONU. 

Dans le passé, un TA avait par exemple estimé devoir (avec souplesse en l’espèce, s’agissant d’un groupe humain en Amazonie) vérifier que nous étions bien en présence d’une autorité locale étrangère pour valider le recours à ce régime (TA Lyon, 21 janvier 2016, n° 1308206).

Le TA de Paris avait ainsi rejeté une aide à une association (pour le Kurdistan) au motif que la convention n’était pas signée avec une collectivité locale étrangère (pour résumer une décision un peu plus complexe que cela : voir TA Paris, 3 novembre 2011, n° 0917227)…

Force est de constater que certains détails de rédaction de l’arrêt du Conseil d’État, en date du 17 février 2016, n° 368342, publié au recueil Lebon… vont dans le sens de l’exigence d’une convention avec une personne morale étrangère de droit public, à tout le moins, quitte à ce que s’y ajoutent des personnes de droit privé au besoin). Voir :

NB : évidemment si la collectivité peut s’impliquer dans le sauvetage en mer de migrants en signant avec une association, mais aussi avec d’autres collectivités étrangères, sans pour autant donner un caractère illégal à son action (par exemple en évitant toute requalification de son action en aide au trafic clandestin de migrants), alors elle peut obtenir une meilleure sécurisation de son dispositif. Mais au prix d’un montage complexe… 

 

 

I.C. Paramètres de la liberté associative et, surtout, de la liberté d’expression (qui doit rester libre, mais dont le discours militant n’a pas à être financé, alors que les actions d’aides peuvent l’être)

 

Autre paramètre : il ne faudrait pas inversement que les associations subventionnées perdent leur libertés de constitution et d’expression. … NI (et c’est là que le bât blesse parfois) que le financement serve à financer, non pas l’aide aux migrants, mais le discours politique qui va avec (d’où l’intérêt que se mette en place un petit suivi en comptabilité analytique). 

« Au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution il y a lieu de ranger le principe de la liberté d’association » (C. const., décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971).

Et l’association ainsi librement constituée dispose d’un large pouvoir d’expression.

La liberté d’expression est l’un des fondements de la société démocratique (art. 11 DDHC ; art. 10 CEDH ; CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, série A n° 24).

Le Conseil d’Etat a précisé récemment que :

  • les associations sont libres de s’exprimer (dans les limites légales) et les collectivités libres de les subventionner (dans les limites de leurs compétences).
  • Si une commune ne peut, en attribuant une subvention, prendre parti dans des conflits, notamment de nature politique, la seule circonstance qu’une association prenne des positions dans des débats publics ne fait pas obstacle à ce que la commune lui accorde légalement une subvention, dès lors que ses activités présentent un intérêt public local.
  • c’est à la collectivité qu’il revient de s’assurer que l’aide est destinée à financer des activités d’intérêt public locald’où l’intérêt que se mette en place un petit suivi en comptabilité analytique

Source : CE, 8 juillet 2020, n° 425926. Voir :

 

 

II.  Survol des jurisprudences rendues depuis octobre 2021 à ce sujet 

 

 

II.A. L’affaire du département de l’Hérault, gagnée par celui-ci devant le TA le 19 octobre 2021 puis, le 28 mars 2023, devant la CAA

 

II.A.1. Première instance.

 

Les départements, depuis la loi Notre de 2015, n’ont plus de clause de compétence générale et leurs compétences (y compris en matières sociales et notamment de mineurs non accompagnés — MNA), s’exercent sur leur territoire.

Hors de ses frontières, les compétences départementales, déjà enserrées désormais dans un carcan rigide depuis 2015 à quelques exceptions près, ne trouvent guère à s’exercer… à quelques détails près. Pour deux applications souples, dans des domaines fort différents, voir :

 

Mais les départements ont conservé leur compétence d’action en coopération décentralisée au sens des dispositions de l’article L. 1115-1 du CGCT : c’est le régime évoqué ci-avant en « I.B. ».

Cela a conduit le département à gagner son contentieux en première instance en octobre 2021 :

 

II.A.1. A hauteur d’appel.

 

Or, ce raisonnement a été maintenu à hauteur d’appel par la CAA de Toulouse tant pour le département que pour la ville de Montpellier.

On notera que l’objectif politique a été écarté en l’espèce par le juge, et que l’existence de conventions avec des collectivités étrangères est interprétée comme étant une faculté et non une obligation, par la CAA :

En ce qui concerne d’abord la subvention du département la cour rappelle que l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales autorise les collectivités territoriales à mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale à caractère, en particulier, humanitaire au titre de leur action extérieure. Le département de l’Hérault a pu légalement sur ce fondement accorder une subvention de 20 000 euros, contestée par un conseiller départemental, à l’association SOS Méditerranée France au seul motif de son action humanitaire de secours en mer, sans méconnaître le principe de neutralité du service public dès lors qu’il ne s’est pas associé aux prises de position politiques de l’association.

S’agissant ensuite de la subvention accordée par la commune de Montpellier, la cour n’a pas examiné le fond mais, comme le tribunal, a estimé que le requérant n’avait pas intérêt à agir. Il s’agissait en effet d’un contribuable communal qui n’a pas un intérêt à agir suffisant pour contester la subvention de 15 000 euros accordée par la commune de Montpellier à l’association SOS Méditerranée France au regard de la faiblesse de ses conséquences sur les finances communales.

Source :

 

II.B. L’affaire du Conseil de Paris, gagnée par celui-ci devant le TA le 12 septembre 2022, mais perdue par celui-ci à hauteur d’appel en mars 2023

 

II.B.1. Le TA de Paris a, ensuite, rendu une décision dans le même sens le 12 septembre 2022

Après un parcours sinueux pour des questions de procédure et de recevabilité, le même type de requête est arrivé en annulation d’une délibération  du conseil de Paris attribuant une subvention de 100 000 euros à l’association SOS Méditerranée France pour un programme de sauvetage en mer et de soins aux migrants dans le cadre de l’aide d’urgence .

Le TA de Paris se fonde là encore sur le régime de l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors en vigueur :

« Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire. / À cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. […] ».

Cette intervention n’étant ni politique (mais humanitaire), ni contraire aux engagements internationaux de la France, ni une immixtion dans un conflit interétatique (nonobstant les tensions alors entre France et Italie en ces domaines, nous étions loin d’un conflit au sens du droit international !), le TA a accepté que cette aide s’inscrive dans le cadre dudit article L. 1115-1 du CGCT.

Ce régime ne faisait pas non plus « obstacle à ce que la subvention soit accordée à une association, seules les conventions prévues au second alinéa de cet article devant être conclues avec des autorités locales étrangères

Et le TA de Paris accepte lui aussi la déconnection entre l’intérêt public local et ce régime (pas besoin de justifier un lien avec le territoire, donc) :

« En outre, les dispositions de cet article ne subordonnent le versement de la subvention litigieuse ni à la condition qu’il réponde à un intérêt public local, ni à celle qu’il constitue un soutien à une collectivité locale étrangère.»

 

Voici cette décision :

 

II.B.2. Censure à hauteur d’appel, mais sans doute en raison des formulations spécifiques de la délibération concernée … quoique. Car la position de cette CAA diverge des autres jurisprudences récentes présentement commentées.

 

Mais cette position du TA de Paris a elle-même été censurée à hauteur d’appel.

La Cour administrative d’appel de Paris annule ainsi la décision prise par la Ville de Paris en 2019 d’accorder une subvention de 100 000 euros à l’association SOS Méditerranée France. Elle estime en effet que le conseil de Paris a, par cette subvention, interféré dans la politique étrangère de la France et la compétence des institutions de l’Union européenne.

La cour estime donc que le conseil de Paris a, en subventionnant cette association, pris parti et interféré dans un domaine qui relève de la compétence des institutions de l’Union européenne et de la politique étrangère de la France, qu’il appartient à l’Etat seul de définir, ainsi que dans des différends de nature politique entre Etats membres.

La loi permet aux collectivités territoriales d’accorder une subvention à une association pour mettre en œuvre ou soutenir une action internationale à caractère humanitaire, mais à la condition de respecter les engagements internationaux de la France et sans prendre parti dans des conflits politiques notamment.

En acheminant près de 30 000 personnes vers des ports européens entre 2016 et 2018, l’association SOS Méditerranée avait généré de manière régulière des tensions diplomatiques entre Etats membres de l’Union européenne, notamment entre la France et l’Italie, et contrarié les politiques européennes en matière de prévention de l’immigration illégale… pose la CAA qui sur ce point ne censure pas QUE la position politique du conseil de Paris, mais qui émet à ce sujet une position différente des autres juridictions, non pas en l’espèce, mais sur le fond du sujet.

Bien que revêtant une dimension humanitaire, l’action de l’association s’inscrivait dans le cadre d’une volonté de remettre en cause, selon les déclarations de ses responsables, les politiques migratoires définies et mises en œuvre par l’Union européenne et ses Etats membres. Les débats ayant conduit à l’attribution de la subvention montraient que le conseil de Paris avait entendu faire siennes ces critiques, allant au-delà de ce que la loi permet aux collectivités territoriales dans le domaine de l’action internationale à caractère humanitaire.

Lire sur le site de ladite CAA, l’arrêt n° 22PA04811 du 3 mars 2023.

Si ce lien devenait inactif, voir :

 

 

 

II.C. L’affaire de Saint-Nazaire

Saisi par un contribuable par ailleurs conseiller régional –et ancien conseiller municipal d’opposition– qui se prévalait de l’absence d’intérêt public communal, ce tribunal vient en effet de valider la délibération du conseil municipal de Saint-Nazaire attribuant une subvention de 10 000 euros à cette association, dont l’objet est de secourir les migrants qui tentent de traverser la mer Méditerranée, sur le fondement de l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales qui autorise les collectivités territoriales à « soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire ».

Le tribunal estime, comme plusieurs autres tribunaux administratifs (voient ci-avant), que les dispositions (applicables à la date de la délibération contestée, soit le 9 octobre 2020) du premier alinéa de l’article L. 1115‑1 du code général des collectivités territoriales, aux termes desquelles : « Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire. », permettent de justifier légalement la subvention en litige, dès lors que :

  • l’association SOS Méditerranée France, qui a pour objet, en particulier, de « sauver la vie des personnes en détresse, en mer Méditerranée », « est une association humanitaire indépendante de tout parti politique et de toute confession » qui poursuit une action internationale à caractère humanitaire ;
  • les tensions diplomatiques qui ont pu exister entre la France et l’Italie en 2018 et 2019, soit antérieurement à la délibération attaquée, n’étaient pas assimilables à un conflit entre ces deux États, et il n’est pas sérieusement contesté que l’association intervient dans le respect des engagements internationaux de la France.

Il est en outre relevé dans le jugement que les dispositions de cet article ne subordonnent pas le soutien de la collectivité, qui peut se manifester par le versement d’une subvention, à l’existence d’un intérêt public local ou d’un quelconque lien avec les compétences dévolues au conseil municipal en vertu de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales.

Le tribunal a, par conséquent, écarté comme inopérante l’argumentation selon laquelle la délibération attaquée a été prise pour manifester un soutien politique et idéologique, en méconnaissance du principe de neutralité du service public, et est dépourvue d’intérêt public local.

Voici cette décision :

II.D. L’affaire de la région Nouvelle-Aquitaine

 

La CAA de Bordeaux a en tous point confirmé la position de ces TA de Paris, de Nantes et de Montpellier, acceptant de fonder ces aides sur la base des dispositions de l’article L. 1115-1 du CGCT (Code général des collectivités territoriales).

Par une délibération du 16 novembre 2018, le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine avait attribué une aide humanitaire d’urgence d’un montant de 50 000 euros à l’association SOS Méditerranée. Deux conseillers régionaux avaient demandé l’annulation de cette délibération devant la justice administrative.
Par un arrêt du 7 février 2023, la CAA confirme donc le rejet de cette demande par le tribunal administratif de Bordeaux. La cour :
  • rappelle d’abord que la loi autorise les collectivités territoriales, dans le respect des engagements internationaux de la France, à soutenir toute action internationale de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire.
  • relève ensuite que les statuts de l’association SOS Méditerranée indiquent qu’elle a notamment pour objet de « sauver la vie des personnes en détresse, en mer Méditerranée » et qu’elle « est une association humanitaire indépendante de tout parti politique et de toute confession ». La délibération du conseil régional précise en outre que l’aide accordée à cette association vise exclusivement à soutenir les actions de sauvetage en mer menées dans les eaux internationales, au plus près des côtes libyennes où se produisent la plupart des naufrages.
  • pose que cette action présentant un caractère humanitaire au sens de ce régime de l’article L. 1115-1 du CGCT (oui mais hors territoire d’un pays étranger et sans aide à une association locale ?)
  • estime que cette aide ne portant pas atteinte aux engagements internationaux de la France.

Source : CAA Bordeaux, 7 février 2023, n° 20BX04222 (à voir ici sur le jurisite de cette CAA)

II.E. Vidéo

 

Voici une vidéo (de 9 mn 35) qui retraçait l’état de ce droit à jour de novembre dernier :

https://youtu.be/uTe3_rvjS5w

Sources citées dans cette vidéo, par ordre d’apparition à l’écran : CE, 23 octobre 1989, com. de Pierrefitte, com. de Saint-Ouen, com. de Romainville, rec. 209 ; DA 1989 n° 622 ; CE, 16 juillet 1941, Syndicat de défense des contribuables de Goussainville, rec. p. 133 ; CE, 6 mai 1996, Préfet des Pyrénées-Atlantiques, n° 165054) ; CE, 21 juillet 1995, Commune de Saint-Germain-du-Puy, n° 157.503 ; CE, 21 juin 1995, Commune de Saint-Germain-du-Puy, n° 157.502 ; CE, 11 octobre 1989, Commune de Gardanne et autres, rec. p. 188; CE, 12 octobre 1990, Cne de Champigny-sur-Marne, rec. tables p. 607 ; CAA Versailles, 19/07/2016, 15VE02895 ; CEDH, 16 juillet 2009, Willem c. France, n° 10883/05) ; TA Nancy, jugements n°1802037 et n°1802039 du 28 décembre 2018 ; TA Cergy-Pontoise 29 mai 2019 1902445 ; TA de Lyon, 19 septembre 2019, n° 1901999 et n° 1808761 [2 espèces différentes] ; TA Dijon, 20 octobre 2020, n°1902037) ; article L. 1115-1 du CGCT ; CE, 17 février 2016, n° 368342 ; C. const., décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 ; art. 11 DDHC ; art. 10 CEDH ; CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, série A n° 24 ; CE, 8 juillet 2020, n° 425926 ; TA Lyon, 21 janvier 2016, n° 1308206 ; TA Paris, 3 novembre 2011, n° 0917227 ; TA Montpellier, 19 octobre 2021, n°2003886 ; TA Paris, 2e sect. – 2e ch., 12 sept. 2022, n° 1919726 ; TA Nantes, 19 octobre 2022, n°202012829 ; TA Bordeaux, 26 octobre 2020, n° 1900154.