Aménagement commercial : même si elle n’est plus saisie, la CNAC peut encore donner de la voix

Décidément, le contentieux de l’aménagement commercial n’est pas un contentieux par les autres.

Après avoir jugé que cette matière pouvait donner lieu à l’exercice par une commune d’un recours dirigé contre sa propre décision (v. ainsi : https://blog.landot-avocats.net/2022/01/28/quand-une-commune-peut-contester-devant-le-juge-ses-propres-decisions/), le Conseil d’Etat vient de rendre un arrêt confirmant la singularité de certaines règles de procédure lorsque est contesté l’avis de la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC).

Est ici en cause la disposition posée par l’article R. 752-33 du Code du commerce et qui est relative à la procédure applicable lorsque l’avis de la CDAC est contesté devant la Commission Nationale d’aménagement commercial (CNAC).

Selon cette disposition, si l’auteur du recours devant la CNAC se désiste deux mois après avoir saisi cette Commission, celle-ci peut quand même émettre un avis sur le projet :

“Lorsqu’après l’expiration d’un délai de deux mois suivant sa réception par le président de la commission nationale, un requérant retire son recours contre la décision ou l’avis de la commission départementale, la commission nationale peut néanmoins, selon les règles prévues au premier alinéa de l’article R. 752-38, décider de se prononcer sur le projet qui lui est soumis. Elle informe les parties de sa décision dix jours au moins avant la réunion au cours de laquelle le projet sera examiné”. 

La validité de cette règle était contestée devant le Conseil d’Etat au motif qu’en prévoyant une telle disposition, le pouvoir règlementaire aurait rajouté une possibilité pour la CNAC de s’auto-saisir d’un projet par rapport à celle prévue par le législateur et qui est codifiée à l’article L. 752-17-V du Code du commerce.

Autrement dit, il était soutenu qu’en publiant l’article R. 752-33 du Code du commerce, l’exécutif avait rajouté une hypothèse d’auto-saisine de la CNAC qui n’avait pas été prévue par le législateur.

Pour le Conseil d’Etat, ce n’est pas le cas :

“Il résulte des dispositions précitées de l’article R. 752-33 du code de commerce, qui ont été prises pour l’application des dispositions du I et du II de l’article
L. 752-17 du même code, que lorsqu’un requérant se désiste de son recours contre l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial postérieurement au délai de deux mois suivant sa réception par le président de la Commission nationale d’aménagement commercial, celle-ci conserve la faculté de se prononcer sur le projet qui lui a été soumis. Ces dispositions, qui ne mettent en cause aucune règle ou aucun principe dont l’article 34 ou d’autres dispositions de la Constitution prévoient qu’ils relèvent du domaine de la loi, n’ont ni pour objet ni pour effet d’instituer une possibilité d’autosaisine de la Commission nationale d’aménagement commercial, s’ajoutant à celle prévue par les dispositions du V de l’article L. 752-17 du code de commerce. Le pouvoir réglementaire a par suite, pu légalement prévoir que, dans certaines conditions, le désistement d’un requérant est susceptible de ne pas entraîner le dessaisissement de la Commission nationale d’aménagement commercial”.

Dès lors, même si l’auteur du recours a finalement renoncé à sa contestation devant la CNAC (et sous réserve que cette renonciation intervienne au moins deux mois après le dépôt de son recours), celle-ci peut décider d’émettre tout de même un avis sur le projet d’aménagement commercial, ce qui jouera un rôle décisif dans l’octroi ou, au contraire, le refus du permis de construire.

 

Ref. : CE, 28 avril 2023, Commission nationale d’aménagement commercial, req., n° 469710. Pour lire l’arrêt, cliquer ici