Un arrêt intéressant sur le contrôle des établissements scolaires privés hors contrat

L’article L. 442-2 du code de l’éducation prévoit un contrôle spécial des écoles (des classes) privées hors contrat afin de s’assurer que l’enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances et d’accès au droit à l’éducation prévues par ce même code.

A défaut après une phrase contradictoire, l’autorité académique :

  • avise le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale,
  • puis met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l’établissement d’inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la mise en demeure qui leur est faite.

Assez logiquement, le TA de Rennes a dès 2020 estimé que la dernière étape ( la mise en demeure d’inscrire les enfants dans un autre établissement) n’est légale que pour les enfants en âge d’obligation scolaire… à savoir, depuis la loi Blanquer, les enfants entre 3 et 16 ans.

D’où une série d’ordonnances validant la décision de l’Etat pour les enfants en âge scolaire et d’autres les censurant pour les enfants de plus de 16 ans.

TA Rennes, ord., 7 janvier 2020, n° 1906526, n° 1906546, n°1906548, n°1906550 et n°1906552 (5 ordonnances différentes) :

 

Puis l’affaire a été jugée au fond par le TA de Rennes par un jugement n° 1906525 du 25 mars 2021, avant que d’être, le 5 mai 2023, de nouveau tranchée dans le même sens par la CAA de Nantes.

Sauf qu’entre temps le Conseil d’Etat avait éclairé cette matière avec sa décision CE, 20 mars 2023, Association Ecole en couleurs, n°456984, à mentionner aux Tables, que j’avais ici commentée :

 

Retenons de la décision de la CAA les points suivants :

  • sur la procédure et sur la possibilité de préciser les actions à engager dans le cadre de la mise en demeure :
    La mise en demeure adressée, à la suite du contrôle d’un établissement privé hors contrat, au directeur de ce dernier, peut lui imposer, au vu des manquements constatés lors de ce contrôle, notamment au regard de l’obligation de dispenser un enseignement conforme à l’objet de l’instruction obligatoire, non seulement de fournir des explications, mais aussi d’engager les actions nécessaires, qu’elle doit exposer de manière précise et circonstanciée, pour remédier aux manquements que l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation estime constitués, et ce dans un délai déterminé, au terme duquel l’autorité académique, en cas de refus d’engager les actions ainsi exigées, peut saisir le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale et mettre en demeure les parents des élèves scolarisés dans cet établissement d’inscrire leur enfant dans un autre établissement.
  • sur l’office du juge y compris sur les mises en demeure pour les parents d’inscrire leurs enfants ailleurs :
    Le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l’appréciation portée par l’autorité académique, à l’issue du contrôle d’un établissement privé hors contrat auquel elle a procédé et après avoir mis le directeur de l’établissement en demeure de fournir ses explications ou d’améliorer la situation, sur les suites apportées à cette mise en demeure et l’étendue des manquements subsistant le cas échéant et justifiant que les parents des élèves scolarisés dans cet établissement soient mis en demeure d’inscrire leur enfant dans un autre établissement.

 

Source :

CAA de Nantes, 5 mai 2023, Ecole privée hors contrat Le Carré Libre, n° 21NT01450, C+

N.B. : cette affaire concerne l’école Le Carré Libre, qui appartient au réseau européen EUDEC (European democratic education community) promouvant une approche permettant aux enfant de faire leurs propres choix concernant leurs apprentissages.