Mise en demeure à une école privée hors contrat : l’école peut attaquer ; le rectorat reste libre de décider

Source : https://copainsdavant.linternaute.com/photo/ecole-privee-notre-dame-de-toutes-joies-ecole-primaire-d-argenton-l-eglise-4163559

Le Conseil d’Etat précise le régime juridique mises en demeure imposant à un établissement privé hors contrat d’engager des actions déterminées :

  • la mise en demeure sera un acte susceptible de recours sauf si celle-ci se contente de demander des explications. 
  • à charge pour le rectorat d’exposer ses demandes avec précision avec un délai qu’il doit indiquer avant toute saisine du procureur et toute mise en demeure des parents de procéder à une inscription ailleurs. 
  • le rectorat a une marge de manoeuvre après cette phase (il n’est pas en situation de compétence liée, ce qui pouvait se discuter puisqu’un agent public doit dénoncer les infraction dont il a connaissance). 

 


 

Une association iséroise « Ecole en couleurs  », établissement privé d’enseignement du premier degré hors contrat, avait reçu une mise en demeure de respecter le droit à l’éducation, les normes minimales de connaissances et les règles du code de l’éducation, en 2020.

Après la réalisation d’un nouveau contrôle en 2021 ayant conduit l’administration à constater la persistance de carences et à conclure à l’absence de conformité de l’enseignement dispensé par l’établissement aux règles prévues par le code de l’éducation, la rectrice a saisi le procureur de la République des manquements constatés, puis, par des décisions individuelles, a mis en demeure les parents d’enfants scolarisés dans cette école de les inscrire dans un autre établissement.

 

Il en résulte des contentieux qui finissent par remonter au Conseil d’Etat, lequel a posé que :

  • une telle mise en demeure, à la suite du contrôle d’un établissement privé hors contrat, adressée au directeur, peut lui imposer, au vu des manquements constatés lors de ce contrôle, notamment au regard de l’obligation de dispenser un enseignement conforme à l’objet de l’instruction obligatoire, non seulement de fournir des explications, mais aussi d’engager les actions nécessaires… à charge pour le rectorat d’exposer celles-ci « de manière précise et circonstanciée » et d’indiquer le « délai déterminé » à cet effet « au terme duquel l’autorité académique, en cas de refus d’engager les actions ainsi exigées, peut saisir le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale et mettre en demeure les parents des élèves scolarisés dans cet établissement d’inscrire ces enfants dans un autre établissement. »
  • lorsque « cette mise en demeure ne se borne pas à exiger des explications mais impose à l’établissement d’engager des actions déterminées, elle constitue un acte faisant grief susceptible de recours » (censure de l’ordonnance du TA de Grenoble qui avait estimé que la mise en demeure n’était pas susceptible de recours, donc).
  • Il appartient au rectorat, « pour prendre ces décisions, de porter une appréciation sur les suites apportées à la mise en demeure et l’étendue des manquements subsistant le cas échant. L’autorité académique ne saurait être regardée comme placée en situation de compétence liée pour prendre ces décisions » (ce qui n’allait pas de soi vu l’obligation pensant sur l’administration de dénoncer les infractions dont elle a connaissance, mais le juge administratif a décidé, explicitement, de décoreller ces deux questions ce qui, franchement, n’allait pas de soi).
  • Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur l’appréciation portée par le juge des référés.

 

Et, pour ce qui est de l’espèce, pour l’essentiel les demandes de l’association requérante sont in fine rejetées par le Conseil d’Etat.

Source :

Conseil d’État, 20 mars 2023, n° 456984, aux tables du recueil Lebon