Collecter et transporter des déchets pour le compte de tiers… n’en fait pas de vous le producteur ni le détenteur en droit de l’environnement (sauf négligence)

Qu’est-ce qu’un déchet ? Au sens de l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement, c’est « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ».

Et l’article suivant de ce même code précise, entre autres obligations, que le « producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. »

Avec de nombreuses difficultés d’application sur le point de savoir ce qu’est un déchet, d’une part, et ce qu’en sont les producteurs et détenteurs, d’autre part. Voir par exemple :

 

Les notions de producteur et de détenteur s’avèrent souvent larges. Mais non sans limites puisque le Conseil d’Etat vient de poser qu’une (pour citer le futur résumé des tables tel que préfiguré par celui de la base Ariane) :

« […] société dont l’activité a uniquement consisté à collecter et transporter des déchets pour le compte de tiers jusqu’à un centre de tri autorisé par l’administration, conformément aux dispositions particulières du code de l’environnement régissant son activité (art. L. 541-8, I de l’art. R. 541-50 et I de l’art. R. 541-51), et qui ne commet aucune négligence ne peut être regardée comme ayant la qualité de producteur ou de détenteur des déchets au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement. Le préfet ne peut donc mettre une somme à sa charge sur le fondement de l’article L. 541-3 du même code.»

Bref, transporter n’est pas détenir, au sens de ce régime… tant que l’on ne commet pas de négligence. Ce qui est contre-intituitif au regard des concepts usuels de la langue française, mais qui est conforme à la jurisprudence antérieure (s’agissant de l’incidence de la négligence du propriétaire du terrain sur sa qualification de détenteur des déchets, cf. CE 26 juillet 2011, Commune de Palais-sur-Vienne, n° 328651, rec., T. p. 1035 ; CE, 1er mars 2013, Société Natiocredimurs et Société Finamur, n° 354188, rec. T. pp. 714-715).

Les faits de l’espèce expliquent amplement les raisons d’une telle décision.

Un préfet autorise la société LGD Développement à exploiter, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) un centre de tri et de transit de déchets issus de chantiers de construction ou de démolition.

Ayant constaté que cette société ne respectait pas les prescriptions relatives à l’exploitation du site, le préfet a, après mises en demeure infructueuses, suspendu cette activité par arrêté.

A la suite de la liquidation judiciaire de la société, il a demandé à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) d’intervenir, pour sécuriser le site et évacuer les déchets, aux frais des personnes physiques ou morales responsables.

Par courrier, le préfet du Val-de-Marne a ensuite indiqué à la société Métalarc, chargée de la collecte et du transport de déchets issus de chantiers pour le compte d’entreprises tierces, qu’elle devait être regardée comme responsable, au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, d’une partie des déchets abandonnés sur le site en question et qu’il lui appartenait, à ce titre, d’en financer l’élimination, sous peine de sanctions prises en application de l’article L. 541-3 du même code. Il l’invitait à se rapprocher de l’ADEME afin d’établir le montant de sa participation financière.

Or, cette société Métalarc :

  • avait uniquement collecté et transporté des déchets pour le compte de tiers jusqu’à un centre de tri autorisé par l’administration conformément aux dispositions particulières du code de l’environnement régissant cette activité
  • et n’avait commis aucune négligence…

… elle ne pouvait donc pas être regardée comme ayant la qualité de producteur ou de détenteur des déchets au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement au point de devoir payer les sommes demandées pour des déchets qu’elle n’avait clairement ni produit, ni géré autrement que pour ces opérations de transports !

Voici cette décision :

Conseil d’État, 2 juin 2023, n° 450086, aux tables du recueil Lebon