Un nouveau PLU peut-il remettre en cause les constructions et activités existantes sur un terrain ?

Lorsqu’une nouvelle règle d’urbanisme est adoptée par la collectivité compétente, il n’est pas rare qu’elle entre en contradiction avec certaines situations nées il y a plus ou moins longtemps “sur le terrain” et se pose alors la question de leur statut juridique.

Ces situations sont-elles devenues illégales du fait de l’entrée en vigueur de la nouvelle règle d’urbanisme ? Ou bien, au contraire, échappent-elles à toute possibilité de remise en cause ?

Le Conseil d’Etat vient d’apporter d’importantes précisions sur la façon d’appréhender une telle problématique dans une affaire où un terrain abritant une construction et des activités économiques (notamment le stationnement de véhicules de transports public) a, postérieurement, été classé en zone agricole par le nouveau Plan local d’urbanisme de la commune.

Selon le Conseil d’Etat, il faut distinguer entre les éléments autorisés par un permis de construire (c’était le cas du bâtiment présent, dont la construction avait été autorisée afin d’accueillir des bureaux et des logements) et ceux qui résultent de la seule pratique (l’utilisation du terrain pour le stationnement des véhicules de transport collectif).

Pour les premiers, la nouvelle règle d’urbanisme n’a aucun impact car le permis de construire étant créateur de droits, ceux-ci ne peuvent pas être remis en cause ultérieurement par un changement de la règle d’urbanisme.

Le classement du terrain en zone agricole ne rend donc pas la construction existante irrégulière.

En revanche, l’utilisation du terrain pour y stationner les véhicules du transporteur, laquelle a eu lieu en l’absence de tout autorisation d’urbanisme, est, elle, directement touchée par la nouvelle règle d’urbanisme et le maire a pu à bon droit considérer que cette activité était contraire au nouveau plan local d’urbanisme :

“Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le permis de construire délivré à M. A… le 17 août 1959, dont la requérante tenait des droits qui ne sauraient être affectés par les dispositions d’un plan local d’urbanisme entrées en vigueur postérieurement à sa date de délivrance, autorisait seulement la construction d’un immeuble comprenant, au rez-de-chaussée, ” un atelier, des bureaux et des vestiaires-lavabos ” et, au premier étage, ” deux appartements “. Dès lors, en jugeant que le courrier par lequel le maire indiquait à la société automobile de Provence Kéolis que le stationnement, sur le terrain appartenant à Mme A… et indépendamment de la construction autorisée par le permis de construire du 17 août 1959, de nombreux bus et autres véhicules, au titre de son activité économique de transport, était contraire aux dispositions de l’article 2 A du règlement du plan local d’urbanisme limitant l’affectation des sols dans cette zone à l’exercice d’activités agricoles n’avait pas méconnu les droits que Mme A… tenait de ce permis de construire, ni porté atteinte au principe général de non-rétroactivité des actes administratifs, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Il s’ensuit qu’elle n’a pas davantage entaché son arrêt d’une erreur de droit ni d’une inexacte qualification juridique des faits en jugeant que le maire de Saint-Laurent-du-Var n’avait pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat”.

L’obtention d’une autorisation d’urbanisme est donc gage de tranquillité pour son titulaire car  elle lui donne l’assurance, une fois cette autorisation devenue définitive, que les droits conférés ne pourront plus être remis en cause et ce, même si la règle change…ce qui ne sera pas le cas du simple usage d’un terrain effectué en dehors de tout cadre juridique.

Ref. : CE, 2 juin 2023, req., n° 449820. Pour lire l’arrêt, cliquer ici