Aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales : publication des décrets

La loi n° 2023-140 du 28 février 2023 avait créé une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales (I.). Or, deux textes d’application de cette loi ont été publiés (II), complétant un régime juridique largement complété ces dernières années portant plus largement sur les violences intra-familiales (III). 

 

 

I. Rappel de ce dispositif législatif

La loi n° 2023-140 du 28 février 2023 avait créé une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales (NOR : PRMC2230275L

 

Le code de l’action sociale et des familles est modifié afin de garantir à « toute personne victime de violences conjugales » (au sens de l’article 132-80 du code pénal) le bénéfice « d’un accompagnement adapté à ses besoins » (art. L. 214-8).

Il s’agit plus concrètement, à sa demande, « d’une aide financière d’urgence sous réserve d’être victime de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité et attestées par une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales […] par un dépôt de plainte ou par un signalement adressé au procureur de la République ».

Un signalement ou une plainte suffisent donc, avec pour cette demande un « formulaire simplifié de demande [qui] peut être transmis à l’organisme débiteur des prestations familiales compétent.  »

Au sein du code de procédure pénale, est d’ailleurs inséré un article 15-3-2-1 qui prévoir l’information des plaignants :

« Art. 15-3-2-1.-En cas de plainte déposée pour une infraction commise par le conjoint de la victime, par son concubin ou par le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité, l’officier ou l’agent de police judiciaire qui reçoit la plainte ou, sous son contrôle, l’assistant d’enquête informe la victime qu’elle peut, le cas échéant, bénéficier d’une aide d’urgence au titre de l’article L. 214-9 du code de l’action sociale et des familles. »

Dès réception, la demande est transmise au « président du conseil départemental par l’organisme débiteur des prestations familiales saisi, avec l’accord exprès du demandeur » (art. L. 214-9).

Cette aide financier, modulable « selon l’évaluation des besoins de la personne, notamment sa situation financière et sociale ainsi que, le cas échéant, la présence d’enfants à charge, dans la limite de plafonds », peut prendre deux formes (art. L. 214-10) :

  • un prêt sans intérêt (avec certains mécanismes visant à demander le remboursement du prêt non à son ou sa bénéficiaire, mais à l’auteur de violences lorsque celui-ci a été condamné définitivement ! Voir l’article L. 214-12 sur ce point).
  • ou d’une aide non remboursable

Là encore, selon la situation de la personne.

Tout doit aller vite et le texte, ambitieux, prévoit que « le versement de l’aide ou d’une partie de l’aide intervient dans un délai de trois jours ouvrés à compter de la réception de la demande. Par dérogation, ce délai peut être porté à cinq jours ouvrés si le demandeur n’est pas allocataire

Cette aide est attribuée, servie et contrôlée par les organismes débiteurs des prestations familiales pour le compte de l’Etat, contre remboursement, y compris des frais de gestion engagés par ces organismes.

Pendant six mois à compter du premier versement de cette aide, la victime peut en sus bénéficier des droits et des aides accessoires au revenu de solidarité active (RSA) accessoires à cette allocation, y compris l’accompagnement social et professionnel.

Un régime, classique, de remboursement d’indus est prévu. Le régime précontentieux se conforme également aux canons de beauté habituels en ce domaine avec l’obligation d’en passer par un RAPO (recours administratif préalable obligatoire).

L’adaptation mahoraise de ce régime en passera par une ordonnance de l’article 38 de la Constitution. Sa possible transposition en Nouvelle-Calédonie donnera lieu à un rapport ad hoc (la loi en prévoit d’ailleurs plusieurs sur divers sujets connexes).

Enfin, avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi de programmation pluriannuelle de lutte contre les violences faites aux femmes devra déterminer

«  la trajectoire des finances publiques en matière de prévention et d’accompagnement des femmes victimes de violence, pour trois périodes successives de cinq ans. Elle se fonde sur une évaluation des besoins des personnes victimes de violences au sein de leur couple ou de leur famille, menacées de mariage forcé ou contraintes de quitter leur logement après des menaces de violence ou des violences subies effectivement. »

 

 

 

II. Les deux décrets au JO de ce samedi 25 novembre 2023

 

Ce samedi 25 novembre 2023, ont été publiés deux décrets au JO pour mettre en place ce  nouveau régime. L’un :

 

Concentrons nous sur ce second texte, lequel entre en vigueur le 28 novembre 2023.

Ce décret précise :

  • les modalités d’attribution de l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, notamment le niveau de ressources au-dessus duquel l’aide est attribuée sous forme de prêt avec :
    • une validité des pièces justificatives attestant des violences conjugales qui est d’une année
    • L’aide financière ne peut être attribuée qu’une fois par période de douze mois à compter de la date de la décision d’attribution.
  • le barème de l’aide en fonction des ressources et du nombre d’enfants à charge. L’aide financière :
    • est versée en une fois.
    • prend la forme :
      • soit d’un prêt sans intérêt
      • soit d’une aide non remboursable (cette dernière situation s’imposant en dessous des seuils évoqués ci-après).
    • est attribuée sous forme de prêt sans intérêt lorsque le demandeur de l’aide perçoit des ressources excédant un pourcentage du montant du SMIC net des prélèvements sociaux obligatoires, rapporté à une valeur mensuelle. Ce pourcentage est fixé à : 
      • « 1° 150 % pour une personne seule ;
        « 2° 225 % pour une personne seule avec un enfant à charge ;
        « 3° 270 % pour une personne seule avec deux enfants à charge ;
        « 4° 330 % pour une personne seule avec trois enfants à charge ou plus. »
    • est ainsi calculée :
      • « Le montant de l’aide est égal au montant forfaitaire du RSA. Il est majoré en fonction du nombre d’enfants. .
        « Lorsque le bénéficiaire perçoit des ressources, définies à l’article D. 214-15, supérieures à un pourcentage du montant du salaire minimum de croissance mentionné à l’article L. 3231-2 du code du travail, net des prélèvements sociaux obligatoires, en vigueur au 1er janvier précédant la demande de l’aide, rapporté à une valeur mensuelle, le montant de l’aide calculé en application du 1er alinéa est minoré :
        « 1° De 20% lorsque les ressources sont supérieures à 50 % du salaire de croissance précité net mensuel et inférieures ou égales à ce salaire ;
        « 2° De 40 % lorsque les ressources sont supérieures à ce salaire et inférieures ou égales à 150 % du même salaire ;
        « 3° De 60 % lorsque les ressources sont supérieures à 150 % du salaire précité.»
    • divers revenus sont à prendre en compte pour ce calcul, bien évidemment, comme toujours pour de telles aides. La liste en est fixée par le nouvel article D. 214-15 du Code de l’action sociale et des familles (CASF). Sur la prise en compte des enfants à charge, voir l’article D. 214-16 de ce même code.
    • Ces divers montants de seuils de ressources sont revalorisés au 1er avril de chaque année, sur la base du SMIC, en vigueur au 1er janvier de la même année.
  • la gestion de ce régime :
    • est attribuée aux CAF (à la CNAF en réalité) et à la Caisse centrale de la MSA.
    • impose au départ le recours pour les demandeurs à un formulaire homologué (voir l’article D. 214-18, nouveau, du CASF. Précisons qu’il serait sans doute illégal que la procédure soit entièrement dématérialisée pour ce type de publics, voir ici).
  • les modalités du remboursement de l’aide lorsque celle-ci attribuée sous forme de prêt (art. D. 214-21 et suivants, nouveaux, du CASF).
  • le fait que l’organisme qui attribue l’aide met à la disposition du bénéficiaire une attestation d’attribution de l’aide, précisant sa forme, lui permettant le cas échéant de solliciter le bénéfice de droits et aides accessoires au RSA auprès des organismes qui les attribuent (art. D. 214-23 et suivants du CASF).
  • quelques règles contentieuses, y compris en matière d’indus, et de lutte contre la fraude

 

 

III. Autres sources sur le cadre, plus large, des violences intrafamiliales

 

Voir aussi :

  • etc.