Régularisation de la situation d’un contractuel à qui a été illégalement refusée l’intégration dans un cadre d’emplois : les rappels de rémunérations doivent prendre en compte les majorations de traitement dues aux fonctionnaires.

Par un arrêt Mme A… c/ commune de Saint-Joseph (La Réunion) en date du 26 avril 2024 (req. n° 467246), le Conseil d’État a considéré que lorsqu’un agent contractuel se voit à tort refuser l’intégration dans un cadre d’emplois, il a droit à une reconstitution de carrière et donc à des rappels de rémunération. Ces rappels de rémunération doivent être déterminés pour un agent de la fonction publique territoriale qui a exercé ses fonctions pendant la période considérée dans une collectivité territoriale où elles sont applicables, les majorations de traitement prévues au profit des fonctionnaires en service dans les collectivités d’outre-mer, lorsque ces majorations, bien que présentant le caractère d’une indemnité attachée à l’exercice des fonctions, sont attribuées aux agents qui exercent leurs fonctions dans une collectivité d’outre-mer sans considération de la nature des fonctions exercées.

Par un jugement du 13 avril 2017, le tribunal administratif de La Réunion a, d’une part, annulé la décision implicite de rejet née le 19 février 2014 du silence gardé par le maire de Saint-Joseph sur la demande de Mme A… tendant à être intégrée, à compter du 25 juillet 2001, en application des dispositions des articles 4 et 5 de la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale, dans le cadre d’emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques et de voir sa carrière reconstituée et a, d’autre part, enjoint à la commune de procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, à l’intégration de Mme A… dans ce cadre d’emplois et à la reconstitution de sa carrière à compter du 25 juillet 2001.

Par un arrêt du 1er avril 2019, devenu définitif, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel formé par la commune de Saint-Joseph contre ce jugement. Par un arrêté du 28 mai 2018, le maire de cette commune a nommé Mme A… dans le cadre d’emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques à compter du 25 juillet 2001 et a reconstitué sa carrière. Saisie par Mme A… d’une demande d’exécution du jugement du 13 avril 2017, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, par un second arrêt du 1er avril 2019, également devenu définitif, enjoint à la commune de Saint-Joseph de régulariser sa situation, à compter du 25 juillet 2001, au regard de sa rémunération et de ses droits à pension, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l’arrêt.

Le maire de Saint-Joseph a pris le 5 juillet 2019 un arrêté modifiant celui du 28 mai 2018, en vue de procéder à cette régularisation. Mme A…, estimant que cette régularisation n’était pas complète dans la mesure où les sommes qui lui ont été versées, ainsi qu’à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, le 9 octobre 2019, ne prenaient pas en compte les majorations de traitement dont bénéficient les fonctionnaires territoriaux en service à La Réunion, a saisi le 7 août 2019 la cour administrative d’appel de Bordeaux d’une nouvelle demande d’exécution. Par une ordonnance du 1er février 2021, la présidente de cette cour a ordonné l’ouverture d’une procédure juridictionnelle. Par un arrêt du 5 juillet 2022, la cour administrative d’appel a rejeté la demande de Mme A…. Celle-ci s’est alors pourvu en cassation contre cet arrêt.

Le Conseil d’État lui a donné raison.

Il a tout d’abord précisé que « l’annulation pour excès de pouvoir d’un refus d’intégration dans un cadre d’emplois d’un agent contractuel de la fonction publique territoriale, assortie d’une injonction de procéder à cette intégration avec effet rétroactif, impose à l’administration de procéder à la reconstitution de la carrière de l’intéressé et de lui verser, s’il y a lieu, un rappel de rémunération pour la période concernée par cette reconstitution et pendant laquelle il a effectivement rempli les obligations de service correspondant aux fonctions dans lesquelles il a été affecté, sans préjudice, le cas échéant, de l’action indemnitaire que cet agent pourrait engager au titre des préjudices de tout nature qu’il estimerait découler du retard avec lequel cette intégration a été prononcée. »

Puis il a ajouté que « les rappels de rémunération dus à raison d’une telle reconstitution sont déterminés en prenant en compte, pour un agent de la fonction publique territoriale qui a exercé ses fonctions pendant la période considérée dans une collectivité territoriale où elles sont applicables, les majorations de traitement prévues au profit des fonctionnaires en service dans les collectivités d’outre-mer, lorsque ces majorations, bien que présentant le caractère d’une indemnité attachée à l’exercice des fonctions, sont attribuées aux agents qui exercent leurs fonctions dans une collectivité d’outre-mer sans considération de la nature des fonctions exercées. »

Et la Haute Assemblée de conclure : « Il résulte de ce qui précède que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit, d’une part, en faisant application, pour statuer sur la demande de Mme A… tendant à l’exécution du jugement annulant le refus opposé à sa demande d’intégration dans le cadre d’emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques à compter du 25 juillet 2001 et enjoignant à la commune de reconstituer sa carrière, des principes qui régissent la réparation du préjudice subi par un agent public irrégulièrement évincé, d’autre part, en en déduisant que Mme A… n’était pas en droit, au motif qu’elle n’avait pas effectivement exercé les fonctions attachées au cadre d’emploi dans lequel elle a été nommée rétroactivement, de prétendre au bénéfice de la majoration de 25 % prévue par l’article 3 de la loi du 3 avril 1950 concernant les conditions de rémunération et les avantages divers accordés aux fonctionnaires en service dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion, alors que cette majoration est attribuée aux agents exerçant leurs fonctions dans l’une des collectivités d’outre-mer qu’elle vise, sans considération de la nature des fonctions exercées. Par suite, Mme A… est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2024-04-26/467246

Pour le résumé : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/analyse/2024-04-26/467246


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